Logo Stereolux

Labo Arts & Techs

Retour sur la conférence l’identité et le groupe à l’ère du numérique

Publié le 02/05/2016

Retour en vidéo sur la conférence l’identité et le groupe à l’ère du numérique qui s'est déroulée le mercredi 27 avril 2016.

Avec Fanny Georges, Simon Laroche et Etienne Grenier (Projet EVA) 

Data physicalization : l’entrée en matière des données (par Stéphane Buellet)

Publié le 11/04/2016

Des pièces d’argile mésopotamiennes vieilles de plus de 7 000 ans à l’écran sous vos yeux, le besoin de quantifier et représenter des données a toujours accompagné l’être humain. L'émulation actuelle autour du sujet de la data physicalization (matérialisation de données) est liée à différents facteurs techniques, artistiques et sociaux.

On peut citer notamment le développement des Fablabs, la vulgarisation des logiciels de visualisation de données et le besoin toujours constant pour nous, êtres humains, de privilégier le contact physique pour mieux ressentir et comprendre l’environnement qui nous entoure.

Data visualization ou data physicalization ?

La data physicalization est une branche de la data visualization mettant l'accent sur la perception physique des données. Là où la data visualization utilise les caractéristiques et les qualités intrinsèques de l'image, la data physicalization s'appuie elle sur les qualités plastiques et sensitives de l'objet physique et les interactions possibles avec l'être humain.

Si vous constater la différence entre l’image cartographique d’une chaîne de montagne et sa représentation physique sous la forme d’une maquette, vous percevrez aisément la distinction entre une visualisation et une matérialisation de données.

 

© 2006 - The Digital Map Ltd. (data visualization)

© 2013 - Behavioral Landscapes by Studio|Lab  (data physicalization)

L'intérêt principal de la matérialisation de données

Toucher en plus de voir, c’est toujours plus excitant, n’est-ce pas ? C’est bien ce qui fait tout l'intérêt de la data physicalization. En proposant un rapport au corps particulier, non plus seulement visuel mais tactile et tangible, elle s’adresse à nos cinq sens et “incarne” les données au cœur même de la matière.

Dans l'art, ce processus est par exemple utilisé sous la forme de data sculpture ou kinetic data sculpture.

© 2004 - Cylinder by Andy Huntington and Drew Allan (data sculpture)

© 2008 –  Fundament by Andreas Fischers (data sculpture)

©2008 – Kinetic Sculpture BMW by Joachim Sauter (Art+Com) (kinetic data sculpture)

Dans le design graphique et objet, c'est la facette pédagogique et didactique de la data physicalization qui est fréquemment exploitée. Cela se concrétise parfois par une approche critique sur la conception de l'objet, son processus de fabrication ou aussi son usage.

  

© 2009 – Form Follows Data: Tableware by Iohanna Pani

Ce domaine facilite les approches interdisciplinaires en navigant entre l’image, l’objet et l’espace.

© 2011 – Handmade Visualization Toolkit by Jose Duarte

Enfin dans le domaine scientifique, la possibilité d'amener certaines données physiques à l'échelle humaine et de rendre ainsi visible l'infiniment grand comme l'infiniment petit reste un principe fondamentalement intéressant de la data physicalization.

CC BY-SA 2.5 Wikipedia - Molécule de Proline

©2012 – Point Cloud: A Dynamic Weather Sculpture by James Leng

© 2015 - Kinetic Blocks - Tangible Media Group

 

L'intérêt de la data physicalization réside donc dans les relations physiques, sémantiques et didactiques qu'elle permet entre des données et leur perception par l'être humain. Tout en s'appuyant sur la data visualization, ce processus ne se résume pas à voir et toucher des données mais permet un éclairage nouveau sur le sens de celles-ci.

C'est aussi un certain rapport au temps qui est questionné car la pérennité physique des matérialisations de données contraste avec la fragilité de leur présence sur écran.

Démarche et initiatives dans le champ de la data physicalization

Les démarches et initiatives dans ces domaines sont nombreuses et démontrent à quel point ce sujet stimule les liaisons entre l’art, les technologies et le design. Une collection absolument édifiante de projets est présentée sur cette page : dataphys.org/list/

On peut aussi citer le Media Tangible Group du MIT qui travailler sur le rapport entre bits et atomes et sur les questions d’interfaces et d’interactions qui en découlent.

Au niveau scientifique en France, l’équipe Aviz de l’INRIA dédiée à ce sujet se démarque par la qualité de ses recherches dont SmartTokens et l’on peut aussi remarques les écrits et les recherches de Samuel Huron.

Récemment, dans le domaine du design, plusieurs workshops ont été menés à ce sujet et un atelier s’est aussi déroulé à Stereolux en lien avec le FabMake de Nantes. Mené par Chevalvert, ce workshop s’est focalisé sur la création d’un objet-signe à la fois réactif à des données sur l’écran et apte à se matérialiser physiquement. Il donnait suite à un premier volet réalisé en 2014. 

 

 


Vers la promesse d’une “matière programmable”

En 1965, Ivan Sutherand mentionnait pour la première fois l’idée d’une “matière programmable”, réunissant ainsi les possibilités du bit à celle de l’atome, qui permettrait de contrôler l’ensemble de la matière dans un espace donné.

Aujourd’hui en 2016, le MIT (Massachusetts Institute of Technology) travaille actuellement sur un langage de programmation permettant de contrôler des cellules vivantes. Il est encore complexe d’en imaginer tous les tenants et les aboutissants, mais force est de constater que la fusion entre les bits et les atomes est en marche.

Stéphane Buellet, designer graphique et interactif, studio Chevalvert

Retour sur la conférence " Le design entre recherche et développement " avec Anthony Masure

Publié le 31/03/2016

Report conférence LE DESIGN ENTRE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT 
avec Anthony Masure
Jeudi 17 mars 2016

Conférence passionnante que celle donnée par Anthony Masure le jeudi 17 mars au bâtiment B. Dans quelles tensions la recherche en design se construit-elle ? Quel monde un design voué à la créativité et à l’innovation construirait-il ? Qu’est ce qui est en jeu derrière les injonctions à l’innovation et à la créativité ? 
Autant de questions à retrouver dans cette captation vidéo et les slides présentées ce soir-là par Anthony Masure.

RETOUR SUR LA CONFÉRENCE " ESTHÉTIQUE(S) ALGORITHMIQUE(S) "

Publié le 22/03/2016

Le 25 février 2016, Nicolas Thély et Gaëtan Robillard tenaient une conférence traitant du code et des algorithmes non pas comme des outils permettant uniquement de générer des œuvres, mais comme des matériaux porteurs d’une esthétique propre. En voici le report vidéo.

RETOUR SUR LES JOURNEES DU CODE CREATIF # OPENFRAMEWORKS

Publié le 22/03/2016

La troisième édition des Journées du Code Créatif, qui s’est déroulée les 20 et 21 janvier 2016 à Stereolux, s’est consacrée à openFrameworks. 2 jours de conférences, workshops et rencontres, 300 participants, 7 intervenants et 14 jours d’exposition… en voici un petit report très complet, pour ne pas en perdre une miette !

Histoire des arts informatiques / (n°2) Le jour où un chat sortit d'un ordinateur

Publié le 22/03/2016

C'était en 1968 à l'Université de Moscou, dans les locaux du Département de Mécanique et de Mathématique. Pour la première fois, pendant une minute et vingt-quatre secondes, un chat entièrement généré par ordinateur traversa un écran.
/ Laurent Mareschal

Peut-être le succès des lolcats s'explique-t-il par un lien mystérieux entre les chats et les ordinateurs. Toujours est-il que le premier animal mobile (presque) entièrement digital est un chat, celui du film Koshechka (« Chaton »), réalisé par le mathématicien Nikolai Konstantinov et deux de ses étudiants, Victor Minakhin et Vladimir Ponomarenko.

Parallèlement à leurs autres occupations, les trois scientifiques entreprirent de réaliser un dessin animé avec un ordinateur, autrement dit un programme qui créerait des images mouvantes. Ils choisirent de reproduire la marche d'un chat, ce qui suppose de créer un modèle permettant de décrire mathématiquement les mouvements de l'animal. Ce qu'ils firent en s'appuyant notamment sur les travaux d'un biomécanicien russe, Nikolai Bernstein, qui, dans les années 30, avait travaillé sur une description mathématique des mouvements humains (par exemple les doigts d'un pianiste). Le corps du chat fut ainsi réduit à un ensemble de formes géométriques liées les unes aux autres par des règles codifiant leurs interactions (règles formalisées par des équations différentielles paraît-il, mais ne m'en demandez pas davantage). L'extrémité de chaque patte du chat se déplace en suivant une ellipse et l'ordinateur calcule les mouvements du reste du corps.

Restait à dessiner. Le seul périphérique dont disposait l'ordinateur utilisé (un BESM-4) était une imprimante alphanumérique. Konstantinov et ses acolytes décidèrent d'imprimer les images , tracées sur le papier avec des caractères alphabétiques, puis de les photographier une à une, comme pour un dessin animé. Le film circula dans un circuit universitaire en 1968, mais resta un projet isolé. L'article scientifique en décrivant la méthode utilisée ne fut publié qu'en 1972.

Vint ensuite Simulation of a two-gyro gravity-gradient attitude control system. Il a été programmé par Ed Zajac, en 1963, dans les incontournables Bell Laboratories. Il simule, en traits blancs sur fond noir, le mouvement d'un satellite autour de la terre. Le film est rendu sur pellicule grâce à un système destiné à créer des microfilms (initialement développé pour l'archivage la Sécurité Sociale américaine). Un collègue de Zajac, Ken Knowlton, prend le relais et propose la conception d'un langage dédié à la création de films (« Ça semble assez ambitieux, mais pourquoi ne pas essayer ? », lui répond le responsable de service). Avec BEFLIX (c'est le nom de l'outil qu'il développe), il réalise dès 1964 un film, A Computer Technique To Produce Animated Movies, où il décrit la méthode qu'il emploie pour faire le film.

Bell Labs met en place un programme associant artistes et ingénieurs. Knowlton travaille en particulier avec Stan Vanderbeek sur une série très abstraite intitulée Poemfield

Le domaine de l'animation par ordinateur suscite un vif intérêt tant dans l'industrie, où les applications sont nombreuses que dans le monde de l'art. L'année 1968 voit la parution d'un numéro spécial de Studio International, Cybernetic Serendipity – the Computer and the Arts, parallèlement à une exposition du même nom à Londres, et l'organisation d'une exposition au MoMa : La machine comme achèvement de l'âge mécanique. La même année, un court-métrage, Incredible Machine, fait le point sur l'état de l'art en matière.

Les techniques liées à l'animation par ordinateur sont développées par des laboratoires principalement américains : Bell Laboratories, mais aussi le MIT, Ohio State University, University of Utah … C'est dans dans cette dernière université qu'un étudiant, Ed Catmull, réalise en 1972 le premier film 3D, A Computer Animated Hand.

Ce qui l'a mené loin (ou haut) : il est aujourd'hui PDG de Pixar.

Rob’autisme : de la création sonore à la programmation d'un robot (2015)

Publié le 22/03/2016

Depuis 2014, des ateliers culturels initiant de jeunes autistes à la manipulation du robot humanoïde Nao ont été mis en place par Stereolux, le Centre psychothérapique Samothrace (CHU de Nantes) et l'association Robots! en partenariat avec l'École Centrale de Nantes. Ce projet a permis une rencontre entre le monde de la psychothérapie, le monde de la robotique et celui des arts.

DE LA CRÉATION SONORE A LA PROGRAMMATION d'un ROBOT 

Depuis plusieurs années, le CHU de Nantes (et plus précisément son hôpital de jour, le Centre psychothérapique pour grands enfants et adolescents) propose un atelier sonore auprès de jeunes autistes mené par l’orthophonisteRénald Gaboriau. En 2012, suite à la rencontre avec Stereolux, espace de création et de diffusion destiné aux musiques actuelles et aux arts numériques, cet atelier a intégré l’intervention de l’artiste sonore Cécile Liège.

La rencontre avec Sophie Sakka, chercheuse et professeure à Centrale Nantes, a permis d’amplifier ces ateliers sonores depuis novembre 2014, en proposant aux adolescents une découverte du monde de la robotique. En charge de l’association Robots! qui a pour objet la démocratisation de la robotique, Sophie Sakka anime l’atelier autour de Nao, en lien étroit avec le travail de réalisation sonore déjà amorcé les années précédentes. Centrale Nantes est partenaire de ce projet, oeuvrant activement depuis deux ans pour proposer ses compétences en ingénierie au service de la santé.

L’équipe de l’hôpital de jour et Sophie Sakka se retrouvent donc tous les quinze jours à Stereolux pour ces ateliers visant à initier des adolescents souffrant de troubles autistiques à la manipulation du petit robot humanoïde français Nao. En six mois, leurs progrès ont été spectaculaires et ont dépassé les espérances des professionnels de santé.

six mois d'ATELIERS ET UN SPECTACLE A LA CLEF !

De janvier à juin 2015, Sophie Sakka, chercheur en robotique à Centrale Nantes et responsable de l’association Robots!, a appris à six adolescents souffrant de troubles du spectre autistique à utiliser le logiciel qui permet de gérer les mouvements et la voix du petit robot. Les adolescents ont tout d'abord appris à découvrir Nao et les possibilités qu'il offre - le faire parler, se déplacer… - puis l’ont programmé eux-mêmes pour l'amener à s'exprimer :

« Ils l’ont très vite pris en main. Dans un premier temps, ils faisaient dire à NAO ce qu’ils ne pouvaient pas exprimer. Petit à petit, ils se sont mis à se parler par l’intermédiaire du robot. »

Connu du grand public pour ses prestations dansées, le robot Nao est piloté directement par ces adolescents. Il les entraîne par le jeu, la musique et la danse dans une expérience sensorielle et sonore. Dans le cadre de cet atelier, les enfants ont produit un spectacle sur la base de l'œuvre Une histoire à quatre voix d'Anthony Browne : ils ont enregistré les voix qu’ils allaient prêter à Nao et imprimé les mouvements correspondants.

C'est la première fois qu’un public spécifique est acteur même du processus de création et de programmation du robot. Les enfants programment eux-mêmes le robot, décident ce qu’ils vont lui faire dire, ressentir ou faire comme mouvement :

« Le côté ludique est important pour ces jeunes qui ne jouent pas forcément beaucoup. Pendant les séances, ils communiquent, ils sont présents. »

 

 

Voici des extraits de la restitution des ateliers menés entre novembre 2014 et juin 2015. Les six adolescents ont programmé Nao et enregistré leurs voix pour nous raconter “Une histoire à quatre voix” d’Anthony Browne. Retrouvez la restitution intégrale ici.

 

Pas de Chanel au hackerspace textile

Publié le 22/03/2016

Le 27 mai 2015 , le Labo Arts & Techs de Stereolux à Nantes organisait une journée dédiée aux textiles intelligents et connectés. L’occasion de faire le point sur le monde de la bidouille couturière. / Quentin Chevrier, journaliste à Makery

UN PETIT MONDE

9 heures. Dans un large hall tout en bois, Claire Eliot et Martin Lambert du Laboratoire Arts et Technologies de Stereolux introduisent la journée thématique « textiles intelligents et connectés » en présentant les quatre tables rondes de la matinée. Avec au moins trois intervenants, prenant chacun une bonne dizaine de minutes pour se présenter, les tables rondes de trente minutes prennent des airs de présentations de projet.

Ce qui permet au moins un tour d’horizon des acteurs. Des labs, des écoles, des chercheurs, des makers, des industriels… et de la féminité. On ne peut s’empêcher de relever que, à la différence de nombreux événements maker ou hacker, plus de la moitié des intervenants et du public ne sont pas des hommes…

Géographiquement, la très grande majorité des intervenants était dans le TGV Paris-Nantes le matin même et l’a repris dans le sens inverse en fin d’après-midi, une fois les ateliers terminés. Si beaucoup de labs en France ont du matériel de couture, seuls deux lieux parisiens (à notre connaissance) rassemblent les univers maker/hacker et le textile : Alice Gras représentait ainsi Hall Couture, entre fablab et coworking space dédié à la mode innovante, hébergé au sous-sol de La Paillasse au centre de Paris, alors que Maurin Donneaud (lire notre portrait) et Martin de Bie se faisaient les ambassadeurs de Datapaulette, hackerspace textile du 12ème arrondissement parisien. « C’est vraiment un petit monde », confirme Martin de Bie.

S’il est facile de se procurer du matériel de prototypage électronique en France, pour le textile c'est une autre paire de manches. « C’est facile de trouver des composants de base comme du fil conducteur ou des LEDs à coudre, mais pour les tissus techniques, c’est presque impossible. » Alice Giordani, makeuse fondatrice du jeune blog Smooth Wearable, ouvre des yeux ébahis devant les échantillons de tissu de Martin de Bie. Les fabricants ne vendent qu’en gros, alors que les bidouilleurs couturiers n’ont besoin que de très petites quantités. « Avoir une entité comme Datapaulette devrait nous aider convaincre des fabricants de nous fournir des échantillons », avance Maurin Donneaud.

LA MODE, LA COUTURE… GRANDS ABSENTS

Aucune marque de prêt-à-porter ou de haute couture n’était présente, pas plus qu’une seule école de mode. « Les ponts avec l’industrie du vêtement sont encore à construire », reconnaît Claire Eliot, co-organisatrice de la journée et double-diplômée de l’ENSCI et de l’école Duperré. Pour le moment, les applications émergentes sont surtout liées au sport, à la santé et au vêtement professionnel, rappellent presque en chœur Danièle Clutier (secrétaire de R3ilab, le réseau des professionnels du textile, et directrice d’études à l’Institut français de la mode) et Philippe Morin, directeur habillement et formation de l’Institut français du textile et de l’habillement. 

« On n’a pas de professionnels de la haute couture membres du hackerspace pour le moment », confirme Maurin Donneaud. Pour Claire Eliot, l’esthétique maker ferait un peu peur à la mode. Les LEDs qui clignotent, les câblages et branchements apparents, l’aspect bidouille créeraient un blocage visuel pour des marques souvent concentrées sur un style fluide, « nude », épuré. « Alors que l’un n’empêche pas l’autre, mais il y a encore du boulot », précise Claire Eliot.

« En France, on est plutôt en retard sur les textiles connectés », affirme Aurélie Mossé, enseignante à l’Ensad et docteur en design textile. Elle revient de plusieurs années à l’étranger, dont un passage au Textile Futures Research Centre de la prestigieuse Central Saint Martins à Londres, où « les étudiants font de l’Arduino depuis plusieurs années déjà ». Plus largement, « de nombreux savoir-faire risquent de disparaître en France », explique Marion Olekhnovitch entre deux coutures conductrices l’après-midi. Cette jeune ingénieure-entrepreneure venue découvrir le textile connecté s’est rendue compte, à l’occasion de nombreuses visites d’ateliers pour son projet de start-up, que « la plupart des couturières qualifiées en France sont proches de la retraite, et les entreprises peinent à trouver des remplaçant-e-s puisque les jeunes se forment plus à la mode qu’à la confection ». L’avenir dira si les textiles connectés redonnent le goût du travail de la matière.

LE FUTUR EST DANS LA MATIÈRE

L’univers du textile connecté n’est pas né de la dernière pluie. Martin de Bie rappelle que, « il y a de ça plusieurs dizaines d’années, des metteurs en scène utilisaient des costumes incrustés d’électronique pour allumer des lumières sur scène ». Beaucoup de projets de couturiers makers se concentrent sur l’intégration de l’électronique (capteurs, LEDs, afficheurs…) sur le tissu. Comme une fermeture éclair dont on détecte la longueur de la portion fermée, des LEDs réagissant aux mouvement du corps, des écharpes dont les flexions et tensions déclenchent des sons…

Mais pour tous, le futur est dans la matière elle-même. Le principal verrou à faire sauter est le passage de l’électronique embarquée à l’électronique intégrée. Une fois cette étape franchie, on peut imaginer des composants directement tissés dans la matière. Autrement dit, porter un T-shirt Arduino non pas avec un simple logo sur la poitrine, mais qui serait un vrai Arduino fonctionnel. Philippe Morin (Institut français du textile et de l’habillement) liste quelques produits textiles connectés : le T-shirt cardio-fréquencemètre d’Adidas, le vêtement chauffant Hexoskin, le T-shirt détecteur de crise d’épilepsie Bioserenity…

Pour lui, « les défis pour passer des prototypes aux produits » portent sur la résistance à l’usage, au lavage, à l’intégration des innovations dans les chaînes de production… Sinon, « les créations resteront de coûteuses démonstrations pour les salons ».

LA TÊTE DANS LES NUAGES, LES MAINS SUR LA MACHINE

L’après-midi était consacré à trois ateliers simultanés. Une trentaine de participants se sont répartis entre « textiles critiques, l’innovation technologique à l’épreuve des enjeux sociaux », « quels usages pour les textiles intelligents » et, plus concret, l’« atelier découverte autour des textiles intelligents ». Du côté de l’atelier découverte, après une introduction au monde du prototypage rapide, de l’open source, d’Arduino et de Lilypad (un Arduino spécial textile), les participants découvrent un classeur entier de textile électronique. Comme des enfants dans un magasin de jouets, tous bombardent Martin de Bie et Maurin Donneaud de questions sur les échantillons de tissus conducteur, résistif, piézoélectrique, thermochromique, de scratch conducteur, de fil à mémoire de formes…

Puis, chacun se lance dans la confection d’un double interrupteur textile pour allumer une LED. Un retour aux bases et à la simplicité qui ravit les participants, après une matinée passée à imaginer le futur. « C’est super, c’est la première fois que je couds du fil conducteur ! » Marion Olekhnovitch Le schéma d’un interrupteur en textile consiste en deux morceaux de tissu conducteur séparés par une mousse perforée. En faisant pression de part et d’autre des trous dans la mousse, les deux tissus conducteurs entrent en contact, ferment le circuit, le courant passe, la LED s’allume.

Les deux autres ateliers donnent naissance à des idées telles qu’un vêtement-attelle dont les propriétés mécaniques aideraient à guérir d’une blessure ou à mieux vivre avec un handicap, ou des bonnets tricotés selon des motifs issus du traitement numérique d’un morceau de musique. En fin de restitution, Patrick Guilleminot de la société Mulliez-Floryspécialisée dans les vêtements professionnels rappelle que le développement des textiles, comme toute innovation, pose des questions pratique et sociales : alors que sa société avait développé des vêtements anti-froid de quelques millimètres d’épaisseur (contre plusieurs centimètres habituellement), les ouvriers sensés les porter les ont refusés. Psychologiquement, le vêtement n’avait pas l’air chaud, et les contraintes de leurs vêtements épais leur permettaient d’avoir des pauses dont le vêtement innovant ultra-fin les privait !

Le cycle « Textiles connectés et intelligents » se poursuit à Stereolux avec des ateliers pratiques les 11 et 12 juin 2015. 

Maurin Donneaud partage sur son site de nombreux exemples et projets textiles électroniques en open source.

Cycle textile intelligent

Publié le 22/03/2016

Un cycle d’événements dédiés aux textiles intelligents et connectés, pour découvrir et approfondir les évolutions à venir dans le domaine de l’habillement, en particulier dans les champs de la mode, du sport et de la santé.

A la croisée d’une révolution technique et d’une révolution d’usages, comment ces nouveaux vêtements vont-ils changer notre relation à notre environnement, voire à notre propre corps ? Comment les technologies numériques imprègnent-elles les textiles et les vêtements ?

Le cycle traitera ces questions à travers trois événements, rassemblant professionnels du textile et de l’habillement, et amateurs éclairés.

CONFÉRENCE : PENSER LE TEXTILE ET LA MODE À L’ÈRE DU NUMÉRIQUE

Mercredi 29 avril 2015 de 18h30 à 20h30 - au Bâtiment B

Quels sont les enjeux de l'insertion des nouvelles technologies dans les secteurs du textile et de la mode ? Comment celles-ci transforment-elles les pratiques et les relations que nous entretenons avec la mode et les textiles en général ? Avec Florence Bost, designer textile, et Emilie Coutant, sociologue de la mode.

JOURNÉE THÉMATIQUE : TEXTILES INTELLIGENTS ET CONNECTÉS, VERS UNE NOUVELLE VISION DU VÊTEMENT

Mercredi 27 mai 2015 de 9h à 18h30 - au Bâtiment B et à Stereolux

Rassemblant des professionnels et des étudiants de différents secteurs, cette journée de tables rondes et d’ateliers a pour but de découvrir et d’imaginer les bouleversements à venir dans le domaine du textile et de l’habillement, à travers plusieurs thématiques : nouveaux matériaux, nouveaux usages, nouvelles approches…

WORKSHOP : VÊTEMENTS INTERACTIFS

11 et 12 juin 2015 de 9h30 à 18h30 - Plateau Multi - 15€

Un workshop rassemblant professionnels du textile, créateurs et designers autour des nouvelles possibilités d’interaction des textiles intelligents, pour imaginer de nouveaux vêtements interactifs et initier des collaborations pérennes autour de projets innovants.

Du geste quotidien au mouvement artistique

Publié le 22/03/2016

De la banalité du quotidien à la performance artistique, le geste traverse nos vies. / Baptiste BACOT

Le geste peut être automatique et exécuté mécaniquement ou bien relever d’une discipline corporelle de longue haleine. Réfléchi ou non, presque anticipé, à peine esquissé, très affirmé, habile ou manqué, on peut recenser une gamme de gestes quasi infinie témoignant de l’inscription sociale et historique des corps. Ils renseignent non seulement sur nos intentions (conscientes ou non) et celles de notre entourage mais aussi, de manière plus générale, sur les savoirs et les pratiques inhérents à une époque et un lieu donnés.

Il peut paraître plus intéressant, au premier abord, d’envisager les gestes experts, répétés jusqu’à leur assimilation totale, ceux du peintre, du souffleur de verre, du chirurgien, du danseur ou du musicien. Par leur virtuosité, ils fascinent, marquent la mémoire et suscitent l’admiration. Ils exigent en effet une précision infinie et doivent être exécutés au moment opportun sous peine de faire échouer la réalisation picturale, musicale, artisanale ou, plus grave, l’intervention médicale. Pour qu’une interprétation musicale soit réussie, il est impératif que les musiciens se synchronisent et que leurs gestes soient nets et précis.

Dans certaines œuvres de musique contemporaine qui intègrent l’électronique – comme Luna Park (2011) de Georges Aperghis – les interprètes sont amenés à porter des capteurs de mouvements qui déclenchent ou modulent des événements sonores. Leurs gestes ne portent alors plus sur un instrument de musique mais s’étendent à l’espace qui les entoure et doivent donc être réinventés tant dans leur écriture que dans leur mise en œuvre.

Les gestes experts constituent un vaste champ, mais ne s’intéresser qu’à eux reviendrait néanmoins à occulter un aspect fondamental du langage de nos corps, qui s’expriment dans toutes nos activités communicationnelles : la moindre de nos conversations est ponctuée de gestes dits « coverbaux », qui accompagnent et valorisent la parole pour en faciliter la réception (ce phénomène s’est d’ailleurs cristallisés dans l’expression « joindre le geste à la parole ») ; la graphie parle de son scripteur dont les gestes sont transcris par l’encre. Qu’ils soient donc experts ou quelconques, travaillés de longue date en vue de leur assimilation ou triviaux et exécutés sans réfléchir, les gestes constituent un champ d’étude très vaste.

Ainsi, du fait de sa transversalité, la notion de geste est étudiée par de nombreuses disciplines des sciences humaines et sociales, parmi lesquelles on peut citer, entre autres, la psychologie cognitive, l’anthropologie, la sociologie, la linguistique, les sciences de l’information et de la communication, la philosophie, la musicologie ou encore l’histoire. Les sciences formelles, l’ingénierie et les sciences de l’informatique prennent également le geste pour objet à des fins de modélisation et d’ergonomie, dont on trouve le prolongement dans des domaines aussi divers que l’industrie, la domotique ou les pratiques artistiques.

Depuis les trois dernières décennies de la fin du xxe siècle, les travaux scientifiques sur le geste se sont multipliés et connaissent un réel essor lors de la décennie suivante, notamment marquée par la création, en 2002, de l’International Society for Gesture Studies, qui se donne pour mission de promouvoir les travaux sur le geste humain, explorant des axes de recherche tels que le rôle et l’organisation des gestes dans la conversation présentielle, les aspects universels et culturels du geste, la relation entre geste, pensée et langage ou le rôle du geste dans l’évolution humaine et le développement de l’enfant.

Les journées du geste qui ont eu lieu les 6 et 7 novembre 2014 sont dans la lignée des Gestures studies, ainsi qu’en ont témoignées les interventions et les discussions riches et variées de cet événement.

Baptiste BACOT, doctorant à l’EHESS et collaborateur à l’IRCAM, bénéficie du soutien financier du programme Paris Nouveaux Mondes