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LES DESSOUS DE L'INDIE

Musique Publié le 03/05/2018

Tout fan de musiques indépendantes le sait : le quotidien de ses groupes favoris n’est pas toujours facile. Parfois ils répètent dans des locaux pourris, souvent ils dorment dans des hôtels premier prix, régulièrement ils se cassent le dos en transportant le merchandising, de temps à autres ils se font voler tout leur matos (sans assurance, de préférence)… Mais ils partagent cette aventure avec des passionnés qui leur permettent de sortir des disques et faire des concerts : le rock indé est une constellation de familles d’adoption.

CHAUD, CHAUD BUSINESS-SHOW

À l’heure où, malgré la renaissance du vinyle, les ventes en streaming dépassent les ventes de disques et où les plateformes encaissent la plupart des bénéfices, monter une petite maison de disques paraît à une entreprise perdue d’avance. Pourtant, il s’en crée plein. Alors, comment gagner de l’argent quand on est un label indépendant ? « Pas en vendant de la musique : on a d'autres activités à côté qui nous permettent de perdre de l'argent sur le label. On travaille main dans la main avec les tourneurs et les organisateurs de concert, mais ce n'est pas un business pour nous. On a des studios d'enregistrement, on produit des bandes-son pour nos clients dans la publicité ou le cinéma. » La réponse de Benoît Trégouet, du label Entreprise (Voyou), est représentative de ce que font aujourd’hui la plupart des labels indé pour générer des revenus : chercher ailleurs. Publicité, séries, cinéma sont les mannes du moment. Demain, c’est sans doute l’industrie des jeux-vidéo qui financera les artistes, et on peut s’attendre à découvrir d’autres circuits de diffusion et de monétisation de la musique. Pour l’instant, s’appuyer sur un fort réseau de distribution est un bon compromis pour les musiques alternatives : c’est ainsi que la division A+LSO de la major Sony est un refuge pour des artistes comme Bagarre et des labels comme Entreprise, No Format, FVTVR Records, etc.


Bagarre
 

J’AURAIS VOULU ÊTRE MAINSTREAM

Personne n’a dit que pour garantir son indépendance, il fallait être pauvre et méconnu : c’est sans doute un passage obligé, mais peut-être pas une fatalité. Si les fans les plus hardcore auront toujours tendance à regretter que leurs groupes passent de l’underground à la notoriété, la frontière entre indie et mainstream n'a plus cours chez les plus jeunes. L’espoir est-il permis ? Interrogé dans la série d’interviews "vis ma vie de label indé" de Brain-Magazine, Franck Annese, patron du label Vietnam (et du groupe de médias So Press), répondait, décomplexé : « L’underground est cet espace où les choses se putain de passent, comme dirait le Roi Heenok (...) Mainstream n’est pas un gros mot pour nous. Et j’aimerais, oui, que le monde entier raffole de nos disques : ça voudrait dire que ledit monde ferait preuve de curiosité et d’exigence, une sorte de quête du Graal. Je ne sais pas si cela arrivera un jour. J’ai un vilain doute… ».

 
Franck Annese                                                                                                                                        Voyou

STAYING ALIVE ?

Dans la dernière décennie, le live est devenu le nerf de la guerre pour les musiciens indépendants : pas de mauvais esprit, ce n’est pas forcément pour devenir intermittent ! De toute façon, ce dispositif d’état ne soutient que les artistes français, qui sont l’exception confirmant la règle de l’indie mondial. Partout ailleurs dans le monde, règne le démerde-yourself en matière d’argent. Si les tournées sont fondamentales pour les groupes indie de nos jours, c’est parce que les tourneurs sont devenus les premiers soutiens de ces talents à part : ils les découvrent et les font progresser. Exemple typique, le groupe bordelais Pendentif n’aurait jamais signé chez PIAS (Le Label) si son tourneur 3C n’avait parié dessus et persévéré, avant de convaincre le label… Et comme le résumaient les Concrete Knives au début de leur carrière, il faut grandir scène après scène : « Première date à Paris, c’est la classe, t’es le seul groupe de ton bled à avoir joué à Paris ! Et au final, une fois que tu l’as fait, c’est con mais tu as envie de continuer à aller voir ailleurs (...) Mais c’est comme tout dans la vie, quand tu as envie de faire un truc, c’est toujours mieux la première fois. Après tu te rends compte que c’est facile, au final : il suffit juste de se lancer ! »