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"Équilibre", un ballet d'ombres numériques par Mickael Lafontaine (interview)

Arts numériques Publié le 10/09/2020

L'artiste numérique nantais Mickaël Lafontaine n'est pas inconnu de Stereolux. Après avoir animé plusieurs ateliers, représenté "l'esprit de Scopitone" à Digital Tbilisi, on le retrouve prochainement avec une installation immersive et en collaboration sur deux spectacles jeune public, Mixe France et Crin Blanc.
Le point commun entre tous ces projets : le vidéo-mapping dont il est l'un des spécialistes en France et au Québec. À quelques jours du lancement de l'exposition Vers l'infini et au-delà, organisée dans le cadre de Nantes Digital Week, Mickaël Lafontaine nous ouvre les portes de sa résidence à la Caserne Mellinet, où d'étranges ombres prennent vie...

- Peux-tu présenter ta nouvelle création Équilibre sur laquelle tu travailles et qui sera présentée pour la première fois le 17 septembre prochain ?

Cela faisait quelques mois que j’avais dans la tête de réaliser une nouvelle création qui associerait vidéo-mapping et jeux d’ombres. Lorsque Stereolux m’a contacté pour me proposer de participer à cet événement, j’ai donc sauté sur l’occasion. Ensuite, le thème de l’équilibre s’est imposé assez rapidement. Équilibre avec le sol, mais aussi équilibre avec la lumière grâce au dispositif de vidéo-mapping qui permet d’augmenter les ombres.

Dans cette installation je m’intéresse également à l’équilibre à une échelle environnementale dans la mesure où les colonnes et leurs ombres - qui peuvent incarner l’humanité - créent des perturbations sur des paysages organiques évoquant des vues satellitaires de la planète.

Enfin, c’est aussi un équilibre avec les spectateurs placés autour de l'œuvre. Leurs ombres vont elles aussi prendre vie, comme une invitation à entrer dans une envoûtante interaction avec les ombres.

La collaboration de Thomas Vaquié est très importante puisqu’il crée une composition musicale spatialisée qui va immerger le spectateur dans l’installation. C’est un honneur et un plaisir de travailler avec Thomas qui est un artiste sonore dont je partage complètement l’esthétique et qui a une grande expérience en arts numériques puisqu’il est l'un des membres fondateurs du label Anti-VJ. 

Le dispositif de LED de l’installation permet de faire danser des colonnes de bois autour d’elles-mêmes, tout comme le soleil fait tourner une ombre autour d’un cadran au fil de la journée. C'est un peu comme si je contrôlais un soleil numérique qui permet de donner vie aux ombres et de les mettre dans des états d’équilibre et de déséquilibre.

- Quelles ont été les différentes étapes de création de cette œuvre ?

Tout d’abord il a fallu confirmer mon intuition d’associer ombre et vidéoprojection. Une fois cela validé, j’ai parlé du projet à mon collègue Xavier Seignard qui est développeur et ingénieur dans notre collectif qui s’appelle POW. Une des spécialités de Xavier est la création de dispositifs de LED Mapping. Il m’a tout de suite parlé d’un genre de LED très spécifique à haute intensité qui serait tout à fait adapté à mon projet. Après avoir fait un prototype concluant fin juin, nous nous sommes lancés dans la construction de 26 barres de LEDS de 50 cm de long pendant le mois de juillet. Ce qui représente plus de 2000 LEDS que nous avons soudées à la main ! Ce projet est donc aussi un défi technologique.


Il a fallu en parallèle concevoir et construire la scénographie. Ensuite j’ai développé mes propres programmes qui me permettent de piloter la lumière LED et la vidéo et de les synchroniser. J’ai pu commencer la création vidéo à la mi-août. Pour créer mes vidéos, je code l’essentiel de mes animations avec le logiciel Processing. La grande majorité des visuels du projet est créée de manière générative, manipulée avec des contrôleurs midi. J'ai réalisé des captations vidéo qui sont ensuite synchronisées avec la musique de Thomas et jouées par un logiciel de Vidéo-Mapping.

- L'installation a-t-elle vocation à évoluer ? À être présentée sous une autre forme ? 

Oui, je pense à plusieurs évolutions :

- Tout d’abord, j’aimerais beaucoup avoir la chance de faire une 2e version du projet car étant donné les délais très courts pour produire cette œuvre, j’ai dû mettre de côté pas mal d’idées intéressantes.  

- J’aimerais également réaliser une version danse de cette installation avec le chorégraphe Alexandre Blondel. L’idée serait de faire intervenir un(e) danseur(se) / acrobate dans l’installation.

- Je pense aussi à une version interactive où le public pourrait contrôler lui-même les ombres. 

- Je songe également à mobiliser ce dispositif pour faire un projet art-science sur la question du réchauffement climatique et de la montée des eaux.  

- Enfin, étant donné que j’ai conçu ce projet avec des outils génératifs qui me permettent de contrôler en direct le LED mapping et le vidéo-mapping, ce projet pourrait très bien se prêter à une version performance AV.
 


 

- Tu as collaboré sur d’autres projets présentés prochainement à Stereolux : Mixe France et le ciné-concert Crin Blanc. Peux-tu revenir en quelques mots sur ces deux projets et ces collaborations ?

Oui je suis fier de ces deux projets qui seront présentés à Stereolux. De belles collaborations et et de beaux projets à voir absolument ! Le point commun avec Équilibre est le vidéo-mapping. Dans ces deux projets, j’ai réalisé une création vidéo spatialisée sur scène afin de plonger les musiciens dans les univers imaginés avec eux et les scénographes.

- Et pour finir, comment cette période particulière impacte-t-elle ton travail ?

Heureusement pour moi je n’ai pour le moment pas été impacté car je suis en parallèle enseignant dans des écoles d’art et à l’Université, donc j’ai pu continuer à travailler à distance. Pour les projets artistiques cependant, la majorité d'entre eux ont été repoussés.