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ÉLECTRONS LIBRES : CONCERT D'UN BATTEUR "AUGMENTÉ" - INTERVIEW DE SYLVAIN DARRIFOURCQ

Arts numériques Publié le 05/10/2020

Avec FIXIN,  Sylvain Darrifourcq étend ses capacités de batteur - percusionniste par une multitude de moteurs et d'outils numériques, interrogeant la mécanisation du geste humain et l’humanisation de la machine... 
Après un apprentissage dans la musique classique, Sylvain Darrifourcq a poursuivi son exploration avec un répertoire rock, jazz et musiques improvisées. Ses recherches le poussent aujourd'hui à expérimenter à la frontière de l’art numérique. Une liberté et une mobilité qui le propulse directement dans la grande famille des Electrons Libres ! 

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Quelle est l'idée derrière la performance FIXIN ?

Avec FIXIN, j’ai souhaité aller plus loin dans les idées qui m’animent depuis quelques années maintenant : mécanisation du geste sonore, travail sur la sensation du temps qui passe, le rôle de la répétition dans cette sensation, les « poly-vitesses », la rupture comme « verticalisation » du temps. 
J’ai travaillé autour de ces concepts, ensemble ou séparément, dans différents groupes. Mais toujours avec d’autres musiciens. Considérant la question de la mécanisation notamment, il m’a alors semblé naturel de confronter mon corps à la régularité de la machine commandée numériquement. Pour donner corps à cette idée, je me suis donc entouré d’une multitude de moteurs pour lesquels j’ai composé, à partir de mes propres gestes sonores, pour créer un univers minimalistes et industriel.

 

Comment avez-vous créé les machines, la scénographie et composé cette partition pour machines et batteur ? 

Je me suis entouré de gens très compétents. J’avais quelques idées assez claires dès le début (typologie de moteurs, caractère sonore, effets lumineux, etc…), mais peu de réponses quand à la façon de les réaliser techniquement. Je me suis d’abord fait fabriquer des prototypes par le compositeur Florent Colautti. Il m’a montré les rudiments du pilotage (Ableton Live) qui m’ont servi pour composer FIXIN. Quand à la version définitive, j’ai travaillé avec 2 ingénieurs / artistes : Nicolas Canot et Max Lance qui ont désigné les moteurs, les pièces dans lesquelles ces moteurs s’enchâssent et le boitier de commande. Avec Nicolas, nous avons ensuite cherché une façon de mettre en lumière le dispositif, à la fois ultra réactif (led), compact et économique (en énergie et en coût). Une fois ces problèmes techniques résolus, jai composé ; d’abord pour les moteurs, puis pour le dispositif lumineux, d’après une trame que j’avais imaginée en amont. La chorégraphe Liz Santoro est venue m’apporter son oeil critique pour la dimension performative de la pièce. 
 



Comment avez-vous évolué vers des musiques plus expérimentales ? Qu’est-ce qui vous attire dans les arts numériques ? 

Je dirais plutôt que les musiques expérimentales prennent de plus en plus de place dans ma pratique. J’ai toujours cultivé un goût à la fois pour les langages « classiques » (le jazz notamment), en ce sens qu’ils font appel à une technique instrumentale « légitime », validée institutionnellement, mais aussi pour les recherches plus aventureuses qui questionnent les esthétiques comme l’improvisation expérimentale, les créations pluri-disciplinaires etc... Pour cela, j’ai développé une technique qui m’est propre puisqu’elle répond à des questions qui me sont personnelles. Mais FIXIN est aussi le résultat de plusieurs années de construction de réseaux (autre que le réseau musical) : performance, numérique etc… Pour mener à bien ce projet, il m’a donc fallu répondre à des questions d’ordre artistiques mais aussi d’ordre sociales. Comment émerger dans un milieu dans lequel je n’avais pas de légitimité ? J’ai pu compter sur la curiosité et la confiance de partenaires sensibles à ce genre de démarche.

Quoiqu’il en soit, les questions que je me pose en tant que musicien m’ont amenés naturellement à me rapprocher des arts numériques. Confronter la finitude du corps humain à cette dimension infaillible de la machine étant un point central de mes recherches musicales. 


 

Cette soirée s'appelle "Electrons libres", qu'est-ce que cela vous évoque ? Vous considérez-vous comme un “électron libre” ? 

Artistiquement, je me sens aujourd’hui plus « libre » qu’hier, moins dépendant d’un seul écosystème. Dans mes goûts, mes attentes, mes productions, j’ai élargi mon champ de vision. 

Me positionner comme plasticien et performer alors que je suis reconnu et identifié comme un musicien est effectivement un grand pas de côté. Etre associé dans une soirée comme celle-ci à des artistes qui viennent des arts visuels, est une forme de validation de mes choix. Pour moi, la liberté s’apparente à la mobilité : avoir le choix dans ces déplacements artistiques, sociaux, géographiques. Peut-être qu’en ce sens, je deviens un « électron libre ».