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Nouvelle scène french pop : ces "effronté•e•s" qui cassent les codes

Publié le 30/10/2019

C’est quoi, être un·e artiste effronté·e à l’aube des années 2020 ? Il y a quelque temps encore, on aurait répondu : enfiler un cuir, sortir une guitare et jouer du rock ou, autre école, enfiler un jogging, sortir le mic et se lancer dans le hip-hop. Autrement dit, adopter une panoplie toute faite, avec ses codes propres. Exactement le genre de chemin tout tracé que les musiciens à l’honneur les 15 et 16 novembre à Stereolux ont choisi de ne pas emprunter. Et c’est en cela que Hubert Lenoir, Muddy Monk, Alice et Moi, Videoclub, Chaton et Yseult sont bien des effronté·e·s (du nom des deux soirées qui les rassemblent). Chacun·e à sa manière explose les codes. Comment ?

En choisissant la langue française

La grande famille musicale à laquelle ils appartiennent (la pop moderne au sens large, qu’elle lorgne vers l’electro ou le hip-hop) aurait pourtant pu les faire opter pour la langue des Beatles…"La question du choix de notre langue maternelle ne s’est pas posée nous concernant, confie le jeune duo nantais Videoclub. Nos premiers textes, on les a instinctivement écrits en français parce que c’est une langue que l’on trouve très belle. Elle n’est en rien has been, même si beaucoup de nos références sont anglo-saxonnes, comme Tame Impala ou la branche new-wave des années 80".

En explosant les frontières musicales

Le meilleur exemple en la matière est sans doute Yseult, Parisienne passée par l’émission la Nouvelle Star, mais aussi par des collaborations très typées variété (de The Black Eyed Peas à... Jenifer), avant d’affiner un style personnel, le "Y-trap", alliant rugosité trap et douceur pop. Chaton, lui assume un amateurisme de façade. Il ose l’intrusion de l’auto-tune dans une chanson minimaliste tapissée de rythmiques reggae-dub cheap.

En dépassant les notions de bon et de mauvais goût

Longues plages de synthé planantes, textes au romantisme fiévreux, Muddy Monk évoque à la fois Jean-Michel Jarre et Christophe, artistes déjà réhabilités par un Sébastien Tellier dont il pourrait être le fils caché. De réhabilitation, il n’en est cependant toujours pas question pour la paire Céline Dion/Jean-Jacques Goldman, dont Chaton ne s’interdit pourtant pas de reprendre (sans ironie aucune, mais dans une version très personnelle) le Pour que tu m’aimes encore.

 

En déjouant les attentes sociétales

Venu du Québec, Hubert Lenoir ne brouille pas seulement les genres musicaux, entre psyché et chanson. Comme son modèle Bowie, il questionne le genre tout court, se maquillant plus que de raison et embrassant ses musiciens sur scène si l’envie l’en prend. Alice et Moi, « petite meuf avec une petite voix qui fait de la french pop », comme elle se décrit à nous, déjoue encore plus les codes sociétaux. Dans J’veux sortir avec un rappeur, elle convoque un fantasme qui, même (surtout ?) à l’heure de #metoo, choque :

"Avec ce titre, j’ai reçu un nombre incalculable d’insultes sur les réseaux sociaux. On a la chance de faire partie d’une génération d’artistes où tout semble possible, mais il y a encore du chemin à parcourir dans la société".

 

 

En ne se contentant pas de faire de la musique

Avant de chanter l’Amour plastique avec son petit copain, Adèle Castillon s’est fait connaître comme Youtubeuse, expérience menant tout droit aux clips DIY de Videoclub. Chez Yseult, c’est presque l’inverse, l’image succédant à la musique (et la complétant). Au-delà de ses clips très soignés, la diva montre qu’elle n’aura bientôt plus Rien à prouver en se lançant dans le mannequinat pour des pubs promouvant la diversité et l’acceptation de soi. Hubert Lenoir, lui, accompagne son album Darlène de la sortie d’un roman du même nom, écrit par sa meilleure amie.

En rencontrant le succès, tout en restant « indé »

Ils chantent en français, n’en font qu’à leur tête, n’hésitant pas à redéfinir les règles du jeu, quitte à choquer, et pourtant ils rencontrent le succès bien au-delà d’un cercle fermé. Les clips de Videoclub sont regardés dans le monde entier, comme ceux d’Alice et Moi, régulièrement surprise de découvrir des commentaires venus du Brésil, d’Ukraine ou du Japon sous ses liens YouTube. "C’est vrai qu’il y a aujourd’hui moins de chanteurs idolâtrés par tous, mais en même temps, il y a un plus grand nombre d’artistes avec des esthétiques différentes. Ça correspond bien à notre époque : la diversité !", relève-t-elle. Son dernier coup de cœur ? Rosalía, une chanteuse catalane qui mélange pop, R'n’B et flamenco. Une autre effrontée, dans la langue de Cervantes...

 

Rédigé par Matthieu Chauveau