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SYMPHONIE 5.1 : interview de la chorégraphe ISABELLE VAN GRIMDE

Danse Publié le 27/04/2017

À l’ère d’une virtualisation croissante, Isabelle Van Grimde plonge ses danseurs dans un environnement visuel interactif orchestré par une partition musicale jouée en direct. La chorégraphe s’interroge ici sur les fluctuations identitaires, la perception du corps et sur son devenir. Ainsi, mille et une histoires se chevauchent, tissant la trame d’une oeuvre onirique d’une troublante poésie.

En quoi vous apparaît-il urgent de questionner la place que nous réservons encore aujourd’hui au corps physique ?

L’image et la représentation du corps se complexifient avec les progrès scientifiques et technologiques. Aujourd’hui, voir son squelette ou ses organes est devenu un fait banal et, dans l’espace virtuel que nous avons créé dans internet, nous ne pouvons projeter que notre image. Le corps physique, comme toute interaction avec le vivant, est exclu. On s’identifie tellement aux ordinateurs que certains considèrent la conscience comme des données qu’on pourrait transférer sur un support informatique. Comment ne pas être interpellé par cette réalité ?

Dans Symphonie 5.1, des êtres de chair sont placés dans un environnement virtuel abstrait, concret (avec les clones par exemple) ou onirique, avec lequel ils peuvent interagir.

Cela souligne ce contraste entre la chair, la matière et la virtualité, et les questionnements sur le devenir du corps. A-t-il encore sa place et si oui, quelle est-elle ? Ou, au contraire, les images peuvent-elles suffire ?

Pourquoi amorcer avec l’image ce même dialogue que vous avez su établir entre danse et musique grâce à la technologie numérique ?

De nouvelles façons de créer s’ouvrent à moi au fur et à mesure de mes aventures transdisciplinaires, ce qui est enivrant. J’ai donc eu envie de profiter des fabuleuses possibilités qu’apportent les nouvelles technologies pour continuer de partager avec d’autres artistes ma vision de ma pratique artistique et ma perception du corps. Le travail avec Jérôme m’autorise à débrider mon imaginaire car il permet de défaire les limites temporelles, spatiales et celles de l’image du corps. Avec ce nouvel espace d’expression et de création, je peux amener de nouveaux questionnements sur scène.

À quels défis êtes-vous confrontée dans ce type de collaborations ?

Plus je collabore avec d’autres créateurs, plus mon rôle de directrice artistique devient important. Qu’il s’agisse d’artistes visuels ou médiatiques, de compositeurs ou même de scientifiques, comme c’est le cas dans la série Le corps en question(s), collaborer si étroitement avec des gens extérieurs à la danse exige que j’approfondisse ma compréhension de leurs disciplines respectives pour être capable de bien guider la création. Dans Symphonie 5.1 comme dans Eve 2050 – un feuilleton web dont nous entamerons cette année la production – un des pièges à éviter est celui de l’émerveillement face à quelque chose de nouveau pour moi, mais qui a peut-être déjà été fait 100 fois. Je dois toujours m’assurer de la cohérence du tout, tout en facilitant l’éclosion de tous les aspects de l’oeuvre.

Est-ce que cela change votre vision du rôle de chorégraphe ?

Le chorégraphe est, à la base, un orchestrateur de corps, de temps, d’espace et d’images. Autant il a dépassé le simple statut de créateur de pas au XXe siècle, autant, il peut, au XXIe siècle, être bien outillé pour orchestrer de nouveaux types de projets, hybrides et transdisciplinaires. Ceci dit, il est important de laisser chaque oeuvre trouver son souffle, d’être à l’écoute de ce qui se passe, de le nourrir et selon les cas, de laisser plus de place à tel ou tel médium. Mais quel que soit le niveau de transdisciplinarité des oeuvres que je signe et le degré de présence de la danse, ça reste chorégraphique tout simplement parce qu’une chorégraphe est à l’origine de la vision du monde qui s’exprime.

 

Chorégraphe, fondatrice et directrice artistique de la compagnie montréalaise Van Grimde Corps Secrets, Isabelle Van Grimde mène une carrière internationale marquée par des collaborations interdisciplinaires qui élargissent les horizons de la danse contemporaine tout en multipliant les perceptions possibles du corps et de l’oeuvre scénique.
Son travail se caractérise notamment par la qualité du dialogue qu’elle nourrit entre danse et musique et, depuis 2008, par l’intégration harmonieuse des nouvelles technologies.

 

 

 

(Extrait du dossier de presse)