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Sur Terre ou ailleurs : Marc Picavez capture une jeunesse en quête d'identité (interview)

Action culturelle Publié le 27/09/2021

En septembre 2020, Stereolux accueillait la création d'un spectacle amateur : le projet Renga. Marc Picavez et sa caméra ont suivi Sahra et le reste de la troupe de jeunes nantais·es pour rendre compte en images de cette jeunesse sans frontière. Rencontre avec le réalisateur et Sahra, protagoniste du documentaire et à l'origine du projet musical Zéphyr Alphonse. Sur Terre ou ailleurs sera diffusé à Stereolux le 3 octobre prochain et sera suivi d'un concert du groupe.

SUR TERRE OU AILLEURS + ZÉPHYR ALPHONSE


Sur Terre ou ailleurs filme la rencontre d'une quinzaine de jeunes issu·es d'horizons différents et aux parcours multiples, se réunissant pour créer ensemble un spectacle associant danse et numérique. Qu'aviez-vous envie de mettre en lumière à travers ce documentaire ? 

Marc Picavez : En accompagnant le projet Renga, je souhaitais être immergé au coeur d'une jeunesse cosmopolite pour voir ce qu'elle allait produire collectivement. C'est comme un précipité de la société de demain, où chacun·e peut s'exprimer dès aujourd'hui. Viennent alors des sujets universels comme l'amour, la langue, les origines, les espoirs... et des préoccupations très actuelles comme l'effondrement ou la représentation des genres.
Au contact de ce groupe, en m'y incluant avec mon équipe dès le premier jour de leur résidence de création, il était alors possible d'assister aux échanges, aux recherches, aux tentatives, tout en voyant se lier des amitiés ou des histoires d'amour, ou encore des passions artistiques naissantes.
Car la pratique artistique est au coeur du projet, avec le corps (la danse) et le numérique (la musique et le V-jing). Imaginé par Cathy Charlot, le projet procède aussi par une pédagogie différente où chacun·e a le droit à l'erreur.

La jeunesse est au centre de Sur Terre ou ailleurs, et notamment les difficultés pour certain·es à trouver leur place. Le titre de ce documentaire est-il en lien avec cette problématique ? Invite-t-il à imaginer un nouveau monde ?

Marc Picavez : En production, le titre du film était justement "Nouveau monde" en référence à cette jeunesse qui incarne l'avenir de notre société. Mais avec la pandémie, le terme a été très usité et ne colportait plus le même sens. La recherche d'un titre en montage, quand on a le nez dans le guidon, est rarement simple. Alors on écoute, on interprète, et on a choisi cette phrase prononcée dans le film par Sofaya, une amie de Sahra : "Sur terre ou ailleurs". Cela fait effectivement référence à cette place que chacun dans le film cherche à se trouver dans le monde des adultes. Elles et ils la trouveront, où qu'elle soit. Que leurs aîné·es le veuillent ou non.

Car on touche ici à un autre aspect que j'ai souhaité interroger. Quelle place chacun·e occupera demain, après cette expérience hors du commun ? En partant du groupe, en m'y incluant, j'ai observé les désirs et enjeux de chacun·e, pour choisir ensuite d'accompagner Sahra et Charles dans leur parcours, un an durant, au-delà du projet Renga. Je suis parti de l'émulation du groupe pour tracer des portraits plus intimes, sans commentaires ni interviews, en utilisant le cinéma direct et en écoutant les rebonds de leurs vies au cours de l'année 2020. Sahra fait face à des choix personnels forts et décide de se lancer dans la musique. Charles a tout à construire dans son pays d'accueil et se découvre danseur.

La diffusion de ce documentaire sera suivie par un concert de Zéphyr Alphonse, un projet porté par Sahra qui est au coeur de votre film. Comment décririez-vous cette artiste ? 

Marc Picavez : Sahra possède un tempérament hors du commun, coiffé d'une facilité à s'exprimer par la musique, le chant, la parole, bientôt le cinéma peut-être. Elle fonce tout en restant à l'écoute. Elle sait se remettre en cause, s'entourer. Et surtout, elle sait parler d'elle-même dans ses textes, ce qui fait preuve d'une grande maturité. Que le film puisse être suivi de ce concert est une forme d'aboutissement au regard de ce que l'on a filmé ensemble. Dans le film, on la quitte serrant les dents, empêchée par l'arrivée du covid et de ses confinements ; on la retrouvera sur scène entourée de musiciens quelques minutes plus tard. L'élan se poursuit ! C'est un cycle, une avancée inexorable comme le rappelle la musique du film avec le souffle de l'orgue, et les scènes roulantes à vélo ou en roller.

Comment avez-vous vécu le tournage de Sur Terre ou ailleurs ? 

Sahra : Le tournage de « Sur terre ou ailleurs » fut et restera un des souvenirs mémorables de ma vie. J’avais l’impression que pour la première fois on m’offrait l’opportunité de me mettre en scène, de m’ouvrir au monde. En somme, de briller. Ce tournage semblait irréel tant il représentait l’accomplissement d’un rêve ! Enfin, me disais-je, mon visage va apparaître sur un écran géant pour de vrai ! Après toutes ces fois où je m’imaginais aux côtés des protagonistes au cinéma…