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Les Infirmières : hommage à celles et ceux qui prennent soin (interview)

Danse Publié le 19/01/2022

Porter une attention à l’autre, faire irruption dans l’intimité, partager l'impuissance, engager ses propres ressources... Le métier de soignant·es dépasse le seul geste médical. Les Infirmières rend hommage aux femmes qui soignent et qui prennent soin de nous, bien au delà de la correction du dysfonctionnement organique. Le chorégraphe David Rolland revient sur sa dernière création, empreinte d'humanité - et décidément très en phase avec l'actualité. 

Un spectacle proposé dans le cadre du Festival de danse Trajectoires

Cie David Rolland Chorégraphies


Votre spectacle Les Infirmières est un hommage singulier au personnel de santé. Il résonne sensiblement avec la période que nous vivons actuellement. Comment et pourquoi ce projet est-il né ?

D.R : Au comment et pourquoi, je rajouterai le quand. Ce projet est né aux alentours de 2016, bien avant la crise sanitaire que nous vivons. J’avais l’intuition du titre « Les infirmières » depuis longtemps. La construction de la scénographie immersive pour le dispositif « Circuit » avec le plasticien Dominique Leroy, construction accompagnée d’ailleurs par Stereolux sur sa partie numérique, fut un déclic. Elle m’a tout de suite paru comme étant l’écrin possible, en frontal cette fois-ci, comme scénographie pour « Les Infirmières ». Le pourquoi cette pièce est à la fois d’ordre biographique, ayant une mère infirmière, et de l’envie de faire un portrait sensible de quatre interprètes. Après de nombreuses réflexions pendant le premier confinement, la crise sanitaire n’a finalement pas changé l’écriture de la pièce. Je pense qu’il en change la lecture par les spectateur·ices et qu’il place le spectacle dans une perspective différente. Quand nous lançons la production en 2018, l’hôpital est déjà sous tension et le personnel de santé souvent en grève. Il semble que la situation n’aie pas beaucoup évoluée...

© Compagnie David Rolland Chorégraphies - F. Iovino

Vous avez rencontré plusieurs soignantes pour construire la pièce. De quelle manière ces rencontres ont-elles nourri votre travail chorégraphique avec les quatre danseuses qui évoluent sur scène ?

D.R : Avec Anne de Sterk, poète sonore, nous avons interviewé plusieurs infirmières afin de les interroger sur la réalité de leur travail. Avec les danseuses, nous avons travaillé sur une transmission des gestes médicaux qui sont très riches tant le métier d’infirmière peut recouvrir des techniques très différentes et spécialisées.

Vous avez collaboré avec la poète sonore et plasticienne nantaise Anne de Sterk, dont le travail consiste notamment à créer des pièces sonores pour les représentations culturelles publiques. Comment s’est déroulée votre collaboration ? Pouvez-vous nous en dire plus sur la création sonore qui accompagne la chorégraphie ?

D.R : Au niveau sonore, j’ai collaboré avec Anne de Sterk et également le compositeur Roland Ravard avec qui je travaille depuis plus de vingt ans maintenant. Ce n’est pas la première fois que nous travaillons ensemble avec Anne. Par leurs formes d’humour proches du burlesque, nos travaux se rapprochent. J’ai demandé à Anne de travailler sur trois séquences précises, assez didactique au niveau du geste infirmier, pour y apporter sa lecture. Et forcément, ça déraille dans le texte, comme ça déraille dans la danse ! Les textes écrits par Anne et sa voix off sont un cinquième personnage. La musique de Roland Ravard a rajouté un aspect très cinématographique à la pièce.

© Compagnie David Rolland Chorégraphies - F. Iovino

Rien n’est laissé au hasard dans le spectacle. La scène devient un écrin constitué de toiles blanches mobiles, tandis que des jeux d’ombres et de lumières font écho aux ombres chinoises de notre enfance. En quoi le décor a-t-il une importance non négligeable dans votre pièce ?

D.R : Le spectacle est effectivement très écrit. Le décor y est important car la mobilité des toiles permet de créer des espaces très différents. Ces espaces participent à l’élaboration d’un spectacle fait de séquences très tranchées, un peu comme un cabaret. Ces espaces peuvent à la fois être perçus comme très concrets (un hall d’hôpital, une succession de chambres) ou plus abstraits, laissant toute l’imagination du spectateur divaguer.

Pour finir, peut-être pouvez-vous nous faire part des retours des infirmier·ères qui ont assisté à la représentation ?

D.R : Les infirmières ou personnel de santé sont unanimes sur la manière dont les danseuses se sont appropriées le geste médical. Il reconnaissent tout ! Ensuite, ils se reconnaissent dans le rythme de la pièce : des temps de tranquillité alternent avec des moments d’urgence. Le côté répétitif des boucles chorégraphiques leur parle également. Enfin, nous avons glissé quelques danses pop enlevées et joyeuses donc exutoires, métaphores de fous rires qui peuvent advenir lors des moments les plus sombres du métier.