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La lumière interactive vue par Annie Leuridan

Annie Leuridan (scénographe lumière) explique la notion de lumière interactive, dans le cadre du "cycle lumière & numérique : de la scénographie à la ville intelligente" organisé par le Laboratoire Arts & Technologies.

Quand on parle de lumière interactive et immersive, il me semble qu'on envisage tout de suite la lumière artificielle, et je pense qu'il faut s'interroger sur la lumière naturelle. La lumière naturelle est source intarissable d'effets et de nuances.

J'aurais - d'entrée de jeu - envie de dire que la lumière est par définition immersive et interactive. Nous sommes baignés de lumière et ses effets sont immédiat sur la peau qui par réaction produit de la mélanine par exemple. Ses effets sont immédiat sur nos sens : Je ne me lève pas de même humeur selon qu'il fasse grand soleil ou petit matin gris. Il fait beau, je souris. Je regarde un vitrail, je suis émue. Je regarde un paysage, j'en prends la mesure.

La lumière nous touche donc et non seulement parce qu'elle génère des émotions à sa simple vue. La lumière nous baigne et s'imprime à nos corps. Et est aussi dans sa frange visible et invisible ce rayonnement indispensable à la vie qui par le processus de photosynthèse transforme la biomasse et agit sur l'espace en produisant sa croissance.

On pourrait tenter de faire la lumière là dessus. Etre des lumières. Etre pleins d'idées lumineuses à brasser. Que l'on se souvienne aujourd'hui que la lumière a aussi à voir avec la Connaissance. Telle en témoigne ce qui s'est appelé le Siècle des Lumières.

Il y a un donc pour moi un « toujours déjà là » de la lumière. Elle est là avant même de la considérer comme ce qui fabrique de l'image. Et maintenant, aujourd'hui, soudain - dans un lent soudain – cette lumière qui baigne a besoin d'être rappelée à notre bon souvenir, comme si la prépondérance de l'image n'était pas si innocente à nos corps. Parce que nous sommes empreints d'images. Nous sommes baignés d'images à ne plus savoir qu'en faire, baignés dans un rythme de parution de ces images toujours plus rapide qui confine parfois à la sidération.

Je ne saurais m'engager sur la primauté de l'oeuvre sur l'outil pourtant il semble que la rencontre de nouveaux outils fait création : la Perspective à point de fuite posée comme modèle de représentation à la Renaissance, les couleurs en tubes permettant aux Impressionnistes de sortir de l'atelier, les daguerréotypes jusqu'au smartphone, l'électricité puis l'ampoule incandescente, le néon, les leds faisant de la lumière la matière même de l'oeuvre.

Travailler la lumière immersive et interactive n'est donc pas nouveau . De nombreux artistes travaillent à sa matérialisation bousculant notre perception (James Turrell – Ann Veronica Janssens), transforment volume et espace (Robert Irwin), se jouent de ses reflets (Julio Le Parc) utilisent les sources (François Morellet – Carsten Höller), les détournent et les tordent. Rafael Lozano Hemmer fait vivre ses installations aux rythmes du battement du coeur des spectateurs. Les nouvelles sources ont ouvert de nouveaux champs : le laser ( Edwin van der Heide), les leds (United Visuel Artists).

Les nouveaux pilotes en démocratisent l'usage.

Fiat Lux.