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L'écrivain Éric Pessan, capitaine d'une classe culturelle numérique !

Éric Pessan a été invité par Stereolux à guider, d'octobre 2017 à mai 2018, la première Classe Culturelle Numérique du département. Elle s'appuie sur un projet transdisciplinaire dans lequel les élèves et l'écrivain échangent en ligne via une plateforme, et se rencontrent lors d'activités en classe. L'outil numérique, qui permet de fédérer plusieurs classes et d'entretenir un contact direct entre les participants, devient le support d'un carnet de voyage. En embarquant dans le vaisseau d'Éric Pessan, les adolescents quittent la Terre et vont réfléchir au nouveau monde qu'ils voudraient fonder sur une autre planète...

Comment articulez-vous l'écriture de votre pièce de théâtre « Essaimer les étoiles » et ce projet scolaire ? 

J'avais depuis l'an dernier envie d'écrire cette pièce et lorsque Stereolux m'a demandé de réfléchir à un projet de classe culturelle numérique, j'ai tout de suite fait la connexion avec mon projet théâtral. 
D'abord, je souhaitais que les élèves travaillent en parallèle sur un texte que je suis en train d'écrire. On montre des textes achevés aux lecteurs, jamais ce qui est en train de se faire. Les écrivains comme les élèves ont des brouillons, ils suivent parfois des idées qu'ils abandonnent en cours de route, ils trouvent d'autres idées au fil de l'écriture. C'est important pour moi de montrer par quelles étapes je passe pour l'écriture d'un texte. 
Ensuite, par son sujet, je trouvais qu' « Essaimer les étoiles » correspondait totalement aux attentes d'un tel atelier : il s'agit d'une pièce de théâtre qui raconte le voyage d'adolescents vers une lointaine planète. Les passagers doivent réfléchir au type de société qu'ils veulent mettre en place une fois parvenus à destination. Ma pièce fait à la fois appel à l'imaginaire et à la réflexion. Qu'est ce que l'on emporte avec soi ? Qu'est-ce que l'on rêve de trouver ? Qu'est-ce que l'on souhaite bâtir ? Quel monde serait idéal ?  Ces questions sont fondamentales.  


Comment déterminez-vous les consignes transmises aux élèves ? 

A l'exception de la troisième consigne où il s'agit de réagir aux interventions dans les classes des autres artistes impliqués par le projet (Vincent Pouplard, Carla Pallone, Aude Rabillon et Marie-Pierre Groud) je pose aux élèves les questions que je me suis posées lors de l'écriture de ma pièce. Non pas pour vérifier mes intuitions ou pour trouver de meilleures idées, mais pour voir comment de jeunes adolescents réagissent, ce qu'ils imaginent. 
Lorsque j'écris, j'accumule un grand nombre d'informations : je lis des livres et des articles, j'écoute des reportages et des musiques, je regarde des films et des vidéos... je partage ma documentation avec les élèves. A eux de s'en inspirer, ou non. Parfois, je lis un livre entier et il me sert à rédiger deux lignes d'un texte.


Ce projet de classe numérique nourrit-il votre démarche artistique ?

J'ai terminé l'écriture de ma pièce fin décembre - début janvier, je me suis arrangé pour avoir toujours une longueur d'avance sur les élèves. Ils m'ont tous demandé si j'allais m'inspirer de ce qu'ils écrivent, je me refuse à le faire. Ma seule peur, en définitive, ce serait qu'ils répondent aux consignes en imaginant exactement les mêmes choses que moi (ce qui est loin d'être le cas). D'une manière générale, les ateliers avec des collégiens nourrissent ma démarche parce que j'écris des livres pour eux et j'ai besoin de les connaitre, de discuter avec eux, de savoir où sont leurs rêves, leurs souhaits, leurs peurs, leurs espoirs.

Cet atelier spécifique permet de combiner les formes, ce qui n'est jamais possible lorsque je fais un atelier en me rendant dans les classes : certains écrivent, d'autres répondent par des vidéos, des créations sonores, des images, des diaporamas... Cette richesse et la pluralité des réponses est formidable. 


Depuis le lancement de cette classe numérique, quels retours d'expérience pouvez-vous déjà nous transmettre ? Le format dématerialisé est-il adapté pour un tel projet ? Comment les participants prennent-ils en main la plateforme en ligne ? 

Le seul bémol que je vois est justement le fait qu'il reste dans la classe. Les enseignants me disent que les élèves ne vont pas sur la plateforme en dehors des moments où ils y travaillent en classe. Sans doute est-ce la limite de tout travail mené dans un cadre scolaire. Tout comme un manuel reste dans le cartable, la plateforme n'est pas beaucoup regardé en dehors des cours. 
Tout le reste me semble positif : la souplesse de la plateforme, le fait que les productions de chaque classe soient immédiatement visibles par l'ensemble des participants, le mélange texte-image-son-vidéo.

Les possibilités sont très grandes et les sujets me semblent infinis. J'anime des ateliers depuis 15 ans, il n'y a pas de sujets qui seraient impossibles d'aborder lors d'une classe culturelle numérique. J'avais d'ailleurs modélisé un autre atelier l'an dernier lorsque nous avions réfléchi pour la première fois à ce projet. La classe culturelle numérique aurait démarré plus vite, les élèves seraient partis sur la piste de Don Quichotte plutôt que dans l'espace. 


Pouvez-vous nous donner quelques indices sur le format de la restitution du 30 mai ?

Absolument pas, parce que tout est en train de se faire. Je n'ai aucune idée de ce qui va se passer le 30 mai. On va en parler avec les enseignants d'ici quelques semaines. Je préfère que les choses se construisent peu à peu. Lorsque l'on décide très vite d'une forme finale, cela fige souvent la spontanéité : on se met à travailler pour cette forme. Pour l'instant, les élèves progressent sur les consignes et on imaginera ensuite comment rendre compte de tout ce qui a été fait. J'aimerais juste que la restitution soit un bon reflet de la richesse des productions. Il y aura certainement des lectures, du son, des images, des vidéo, des choses exposées... à suivre, donc !