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J'ai testé : Huang Yi et Kuka

Arts numériques Danse Publié le 12/05/2022

Ce spectacle mêlant danse contemporaine et arts visuels, narre la rencontre de deux protagonistes. D’un côté Huang Yi, adepte de recherches et écritures artistiques en lien avec les technologies. De l’autre, Kuka, un bras robotisé - ceux que l’on retrouve ordinairement sur les chaînes de montage industrielles. De ce couple fait de chair et de métal émane une constante poésie, dénominateur commun à l’ensemble des tableaux présentés durant la représentation.

Article écrit par l'un de nos bénévoles de "The Crew"


Une fois n’est pas coutume, l’impression retranscrite pour la soirée sera brève… Le spectacle était super ? Sans trop plaisanter, le degré d’exigence de la proposition de Huang Yi s’est avéré indéniablement élevé.

Côté interprètes on trouvait un bras d’assemblage de type Kuka orangé fixé sur un petit promontoire à droite de la scène de la salle Maxi, auquel ont répondu ensemble ou non au travers de différentes saynètes trois individus vêtus de noir. Grâce aux partis-pris narratifs, « l’incarnant », l’outil mécanisé, perd son statut d’objet standardisé dès l’introduction : le simple bras devient ‘Kuka’.

L’espace scénique, hormis l’apparition ponctuelle d’une chaise et d’un métronome, est dépourvu de tout élément. Aucun ajout n’est fait au noir du sol et des parois. Notre attention est dirigée vers l’avant où se répondent Kuka et les danseurs avec une dialectique gauche/droite, humain/robot, déplacement/ancrage rendue lisible sur la durée totale de la représentation.

"Il y a quelque chose de très, très satisfaisant à voir deux choses bouger parfaitement ensemble !"

Le choix a été fait d’accompagner la danse avec la diffusion de différents morceaux instrumentaux d’orientation classique aux arrangements épurés – un ou deux instruments. Avec une exception pour l’épisode ‘50s embaumé par When I Fall In Love de Nat King Cole. Dans tous les cas, la décision de ne pas proposer de présence musicienne participe aussi à la mise en valeur de la performance dansée. L’espace sonore est complété par les bruits émanant de Kuka durant ses actions les plus vives — le chapitre final est assez intéressant à ce propos car il opère un retournement des rôles : on entend Kuka mais ne le voit pas, pendant qu’il bouge de manière synchrone avec Huang Yi seul visible, transférant ainsi ses propriétés robotiques aux gestes du danseur.

"Le tout est sublimé par un dernier élément : la lumière."

Le tout est sublimé par un dernier élément : la lumière. Blanche, ocre, ou bleuté, celle-ci vient mettre en valeur la cinétique de la danse par des projections aussi simples que significatives. Que ce soit une prison rectangulaire au sol perdant progressivement ses contours, une douche nostalgique sépia, l’œil lampe torche de Kuka tantôt outil de recherche, tantôt phare dans la nuit…

Tous les éléments décrits précédemment servent de supports à une performance physique relativement exhaustive. Kuka est mis dans de nombreuses situations différentes où il peut être protagoniste, spectateur, pantin, voire marionnettiste. Chaque scène propose une progression narrative unique présentée par le biais de chorégraphies sans cesses renouvelées. Chorégraphies exécutées avec une finesse et une précision sidérantes. Il y a quelque chose de très, très satisfaisant à voir deux choses bouger parfaitement ensemble ! Toute la gestuelle tend à humaniser Kuka mais dans un élan de partage, les individus eux-mêmes produisent à l’occasion des mouvements mécaniques. La relation est poreuse.

"C’est l’accumulation d’éléments de qualité, maitrisés, qui font de la performance de Huang Yi un petit joyau." 

C’est l’accumulation d’éléments de qualité, maitrisés, qui font de la performance de Huang Yi un petit joyau. C’est un condensé d’inventivité avec plein d’instants mémorables : Kuka qui au début fait penser à Luxo Jr (la lampe de Pixar), Kuka deuxième moitié du duo amoureux habillé par Nat King Cole, la réflexion sur la mortalité avec le métronome, la valse baroque interprétée deux fois à la suite avec un changement dans l’entité meneuse… Autant de souvenirs qui profitent de l’épure d’une mise en scène médium d’une intimité partagée, puisque ce qui nous reste à la fin c’est l’interprétation. Et quelle interprétation.

VISIONNER UN EXTRAIT DE LA REPRÉSENTATION (TEDX, 2017) : 

 

Photos d'illustration de l'article par ©Summer Yen