Logo Stereolux

J’ai testé : Exposition Laboratoire Arianna

Labo Arts & Techs Publié le 22/06/2021

THE CREW - J'AI TESTÉ

L’exposition Laboratoire Arianna est la première incarnation du travail contextualisé du collectif d’artistes et de scientifiques Pronaos. Fruit d’une première résidence de recherche et création basée sur la récupération d’objets en relation avec l’étude de l’espace, elle sera suivie par deux autres chapitres aux mois de septembre et décembre prochains. Retour sur cette exposition avec l'un de nos bénévoles qui s'est rendu sur place.

 

 

 

 

Cette première proposition est développée dans la salle de présentation de la Plateforme Intermédia. Plutôt que de nous lâcher dans celle-ci, une esquisse de parcours est ébauchée. Lorsque l’on arrive, un rideau dissimule la pièce et nous oriente avec une flèche alors qu’au-dessus de nous flottent des voix qui en français nous plongent directement dans une ambiance cosmique au travers d’un champ lexical approprié : satellite, ange, propulsé, paysage…
 

L’exposition comprend sept postes de présentation relativement bien délimités, qu’on peut instinctivement suivre linéairement dans une boucle horaire. À l’inverse, c’est dans un espace sonore ambiant que l’on évolue. Une agglomération des expressions phoniques de chaque entité présente.
On commence avec Falsum Vacuum, une sorte de machine-sculpture composée d’une boite au sol, reliée par un tube à une cloche en verre suspendue renfermant de petits objets construisant une nature morte industrielle. La boite est en réalité une pompe à vide qui dépressurise régulièrement l’intérieur de la cloche. Dans la mesure où c’est un travail de l’invisible – le seul indice signalant le fonctionnement étant un bruit d’aspiration ponctuel –, il pourrait y avoir un jeu d’illusion. Après tout, nous n’avons pas le moyen de voir l’action décrite.

À côté se trouve Graines Cosmiques, œuvre en trois parties centrée sur le cycle de vie de tomates étant allées dans l’espace. Si, si, c’est même un cadeau de la NASA ! On trouve des graines dans une boite de pétri, et de jeunes pousses figées pour toujours dans des tubes. Un disque sur lequel en sont fixées des dizaines tourne sans interruption, rappelant les mélangeurs rotatifs des chimistes. Un écran circulaire voisin lui aussi en mouvement – mais lent et presque imperceptible – sert de support à la projection d’un timelapse de la croissance des germes en apesanteur. La collection se termine par un carnet, dont on ne sait pas s’il est manipulable, retraçant le processus d’obtention des graines pour ce travail. Le document sous forme de carnet est trompeur : seules trois pages sont rédigées, celles ouvertes et celles à l’arrière. Les autres sont vides. Oui, en l’absence de garde, j’ai osé vérifier. Le style littéraire descriptif utilisé et la police de caractère "Courrier Sans" choisie pour l’écriture donnent l’impression d’avoir accès à un document confidentiel. Cette sensation est accentuée par ce qu’on peut lire, des conversations à demi-mots avec des lobbyistes, aux échanges par courriel avec des scientifiques du globe.

La Mesure du Monde est la proposition qui attire le plus l’œil. Constituée d’un écran courbe d’un mètre cinquante sur lequel est projetée l’animation d’une tempête de point, on apprend qu’il s’agit d’une représentation de données liées aux mouvements du champ magnétique solaire transmises en direct depuis la Suède. La magie de l’Internet ! Au premier abord, on pourrait penser que l’écran est en acier mais c’est la fine data-texture qui donne cet effet. Deux hauts parleurs planent au-dessus de la projection et transmettent une musique abstraites originaire des oscillations stellaires. C’est la sonorité le plus prégnante de l’exposition.

Dans le coin opposé, on trouve une sorte de table. En fait, une ossature en métal sur roues, sur laquelle reposent deux planches de bois agrémentées d’une mise en scène d’ouvrages divers (compte-rendu des colonies de la NASA, revue paysagère…), de mini-sculptures géométriques et d’objets récupérés. Le plus impressionnant se trouvant posé au sol, « dans » la table, une méga-lampe dont on se demande ce qu’elle est au départ. Des feuilles nous montrent des extraits de textes, d’un roman d’anticipation et une citation du personnage de Freeman du film Silent Running, déjà mentionné dans Graines Cosmiques (super film avec une belle performance de Bruce Dern). Lors de mon passage, c’était la seule entité ne proposant pas de fiche explicative. « Est-ce qu’on peut toucher les livres ?!? » aura été ma plus grande interrogation. Loin d’être ésotérique pour autant, l’ensemble peut paraître un peu brut mais profite de l’ambiance sonore de la salle.


Le cœur de la plateforme intermédia accueille trois objets volumineux

Le premier est un cadre suspendu. L’Harmonie des Mondes est un tableau-sculpture de fond lisse duquel saillissent trois mini-planétaires de trois corps chacun, avatars de la Terre, Saturne et Éris (vous savez la planète naine trop grosse qui a déchu Pluton de son statut de numéro neuf du système solaire ; never forget). Les deux planétaires de droite se déplacent dans le sens des aiguilles, et celui de gauche de manière anti-horaire. Le mouvement de ces astres produit sur le principe de la theremine par dissimulation partielle d’un capteur, un son modulé en permanence. Toutefois, proche de l’œuvre c’est le bruit de la mécanique d’action qui transpire : le dos du tableau est d’ailleurs tout aussi intéressant que son front puisqu’on nous autorise à voir et entendre les rouages littéraux de l’objet.

Derrière l’Harmonie, gît par terre, capturé à sa base par une nappe de plâtre blanc, un appareil unique. Pronaos. Ouais, éponyme du collectif. En activité dans les années 1990, il n’en reste qu’une carcasse devenue ici totem. Il est accompagné par deux roues-écrans situées côte-à-côte, sur lesquelles est projetée une même vidéo dédoublée, une archive du retour du satellite sur Terre. Il y a un côté un peu nostalgique et abstrait des scènes tournées au crépuscule. Le petit plus ? La texture bois des roues rappellent le motif de géantes gazeuses comme Jupiter. Coïncidence ? Je ne pense pas !

La septième et dernière production est un espace dans l’espace – mise en abyme – avec une pièce tubulaire, d’un mètre cinquante de diamètre. Acoustic Space nous invite en son intérieur avec un rideau filaire laissant entrapercevoir ce qu’il renferme. Un fauteuil soucoupe en vinyle blanc bien rétro ne demande qu’à être utilisé. Il fait face à la paroi incurvée, support d’une projection monochrome un peu psychédélique soutenue par un son documentaire passant de l’explication du concept d’Acoustic Space par son créateur Marshall McLuhan (« What we are is a product of how we represent the world »), aux propos de l’astronaute Valentina Terechkova dont les expériences spatiales forment la base de cette micro-architecture immersive. Si on a parcouru la salle linéairement, c’est le dernier élément pratiqué. Mais c’est aussi le premier élément qui nous parvient par le son qu’il dégage.

Comme d’habitude, se pose la question des dimensions de la Plateforme Intermédia et de ce qui y est exposé. Le rapport contenant/contenu. Ici, l’intérêt d’une taille réduite renvoie presque à une salle thématique de musée ou un cabinet de curiosités, et permet de créer une ambiance sonore englobante qui aurait été perdue si chaque élément avait été isolé. Pour celles et ceux ayant eu l’occasion comme moi de vivre l’exposition sans personne d’autre, la proximité des œuvres les unes aux autres et la courte distance à emprunter pour toutes les apprécier, offre au minimum un aspect intimiste tout à fait appréciable.

Reste à savoir ce que ce que les autres sessions du laboratoire produiront, et comment l’intervalle de temps influencera une éventuelle continuité entre les œuvres créées.

Laboratoire Arianna