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[DOC'N'CO] Les héritières de PJ Harvey

Musique Publié le 15/03/2023

Icône, héroïne, modèle : PJ Harvey a su devenir tout cela, et même plus. Elle a su incarner un archétype d’autrice-compositrice-interprète rock. Aujourd'hui encore, elle exerce toujours la même fascination (dont le documentaire A Dog Called Money, projeté le 22 mars à Stereolux est une autre émanation), au point que chaque nouvelle rockeuse lui est comparée ce qui n’empêche pas certaines d’entre elles de ne pas avoir à en rougir.

Doc’N’Co consacré à PJ Harvey : Diffusion du documentaire "A Dog Called Money" + Concert de JF Lecoq & Sam Sprent

Un article rédigé par Antoine Gailhanou.


L'héritage de PJ Harvey peut d’abord être pris à rebours, via son influence sur des artistes pourtant apparues avant l'Anglaise. Après tout, Björk, Courtney Love, Melissa Auf Der Maur et surtout Patti Smith (sans doute l'autre référence à l'aune de laquelle toute artiste rock féminine est jugée) ont très vite chanté ses louanges sans oublier des pendants outre-atlantiques, comme Shannon Wright ou le duo Sleater-Kinney. Mais rien ne dépasse l'hommage rendu par Marianne Faithfull. En 2004, pour son album Before The Poison, la géante du rock a confié l'écriture des chansons aux nouveaux maîtres du genre, comme Nick Cave ou Damon Albarn. Mais c'est bien PJ Harvey qui en assure la plus grande partie, en signant cinq des dix titres du disque.

L'influence de la musicienne est telle que virtuellement toute artiste féminine de la scène indie peut lui être comparée. Parfois à tort, mais aussi à juste titre, comme avec Anna Calvi, sans doute la plus grande héritière de PJ Harvey. Dès son premier album (produit par Rob Ellis, collaborateur régulier de celle-ci, les comparaisons affluent. La chanteuse (compositrice sur les dernières saisons de Peaky Blinders) présente le même mélange explosif de fragilité et puissance, sauvagerie et sophistication. Peut-être même Anna Calvi a-t-elle encore plus de férocité. 

 

 

Les collaborateurs réguliers, Rob Ellis mais aussi John Parish, permettent de tisser encore plus un réseau autour de l'artiste anglaise. De Bat For Lashes à la Française Emily Loizeau, en passant par la chanteuse folk néo-zélandaise Aldous Harding (qui sera par ailleurs en concert à Stereolux le 29 mars prochain), chacune se place ainsi dans une filiation indirecte avec PJ Harvey tout en amenant chaque fois cet héritage ailleurs. D'autres fois, le lien est bien plus évident, comme avec le duo Uh Huh Her, formé en 2007, soit un an après l'album du même nom de PJ Harvey. Étonnamment, la musique des deux Californiennes s'éloigne beaucoup de celle qui a inspiré leur nom, s'orientant bien plus vers l'electro et la pop.

 

 

D'autres poussent plus loin la filiation, à l'image de l'Australienne Courtney Barnett qui, en 2022, revendiquait "Stories from the City, Stories from the Sea", cinquième album de PJ Harvey, comme son préféré. Une influence bien présente, mais incarnée ici d'une manière plus solaire et mélancolique. Dans un registre plus arty, la passionnante Annie Clarke, mieux connue en tant que St. Vincent, a également eu l'occasion d'exprimer son amour pour PJ Harvey : en 2021, elle racontait au site australien ABC sa découverte de la chanteuse, en 1998 à la télévision : "Je me suis dit : 'C'est quoi ce bordel ? C'est tellement cool. ça m'effraie’".

 

 

La Française Jehnny Beth a également de belles choses à raconter concernant PJ Harvey. L'ex-leader de Savages a ainsi fait son premier concert solo en première partie de l'Anglaise, conséquence d'une admiration mutuelle. Elle aussi l'a découverte adolescente, comme elle le confesse au webzine AnOther : "chaque morceau de To Bring You My Love m'a pénétrée pour laisser sa marque, comme un enchantement".

 

 

Encore aujourd'hui, cet héritage se prolonge auprès de la jeune garde. Nilüfer Yanya l'a récemment démontré, puisque la réédition de son formidable deuxième album PAINLESS s'accompagnait d'une reprise du classique lancinant Rid Of Me de PJ Harvey. Une manière de revendiquer - et réactualiser - la même liberté. Et l'avenir est déjà là, avec la Suissesse Émilie Zoé, capable de convoquer le même art du contraste sonore, du délicat au furieux. Et on pourrait même mettre une pièce sur le jeune trio Sun Giant, dont les trois musiciennes se sont rencontrées à la fac de Nantes - notamment autour d'une passion commune pour PJ Harvey. Difficile de passer à côté.