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2031, le podcast de Stereolux x La Cantine numérique revient pour une saison 3

Publié le 12/05/2023

Notre podcast 2031 co-produit avec La Cantine Numérique est de retour pour une troisième saison  ! Le journaliste Jean Chabod continue à décortiquer un sujet lié au numérique ou à l'innovation, et se demande ce que cela deviendra... Dans dix ans. Pour cette troisième saison, le format change : ce sont cinq épisodes qui se succéderont. 


EPISODE 1 - création par l'IA : que reste-t-il aux métiers créatifs ?

Midjourney et Dall-E sont les plus connus : des logiciels très puissants, reposant sur les principes de l’intelligence artificielle et capables de créer des images originales en 5 secondes sur simple demande. Leurs usages et leur fonctionnement posent question : si des applications “text-to-image” sont capables de générer gratuitement des dessins, des photos, des peintures ou des lettrages, que restera-t-il aux graphistes, designers, typographes et illustrateur-trices d’ici 2031 ?

Avec :
Sarah Garcin, designeuse et développeuse
Vadim Bernard, designer et enseignant à l'Ensad
 


EPISODE 2 - TÉLÉTRAVAILLEUSES ET TÉLÉTRAVAILLEURS, VOUS ÊTES SURVEILLÉ·EES : RÉAGISSEZ !

La CNIL a signalé une augmentation de la surveillance des salarié·es travaillant à distance, avec certains dispositifs de contrôle jugés excessifs. 70% des grandes entreprises ont renforcé la surveillance de leurs collaborateur·rices en télétravail. Face à ce phénomène, la résistance s’organise : les artistes et développeur·euses du projet Telecommuters proposent des outils pour prendre l’employeur à son propre piège. Avec elles-eux, et en compagnie d’une avocate spécialisée, projetons-nous en 2031 pour imaginer à quoi ressemblera cette guerre de la télésurveillance au travail.

Avec :
Marie-Pierre L'Hopitalier, avocate associée
Marika, artiste membre du collectif RYBN
Frédéric, poète membre du collectif RYBN
 

 

À SUIVRE !

 

Retrouvez la playlist avec l'intégralité des épisodes sortis :

 

 

Géraldine Sarratia : “Sorcières, c’est l’histoire de femmes, de féminités, qui se réapproprient leur Histoire”

Publié le 04/04/2023

L’adaptation d'œuvres littéraires en spectacle vivant donne parfois une seconde vie à des textes oubliés. Pour Sorcières, œuvre littéraire de Mona Chollet, il s’agit d’un autre cas de figure : adapté dans une forme artistique des plus singulières, ce bestseller des rayons féministes demeure une référence toujours d’actualité. Qui plus est, cette lecture musicale éponyme, adaptée par Géraldine Sarratia puis mise en scène avec Mélissa Phulpin et Elodie Demey, les deux partenaires avec qui elle forme le collectif À définir dans un futur proche, amplifie encore davantage la portée et l’intensité du texte d’origine.

Rencontre avec Géraldine Sarratia, metteuse en scène, journaliste, fondatrice du  studio de podcast Genre Idéal. Elle y détaille les enjeux de cette création et dévoile quelques aspects du spectacle à retrouver le 15 avril prochain en salle Maxi.

Sorcières : une lecture musicale adaptée de l'essai féministe de Mona Chollet

Interview menée par Adrien Cornelissen


Vous qualifiez votre spectacle de “lecture musicale”, un mot sur cette formule ? 

Géraldine Sarratia : Je ne voudrais pas être trop descriptive pour que le public puisse découvrir le spectacle. Néanmoins on peut dire que des extraits du texte de Mona Chollet entrent sur scène en résonance avec de la musique. C’est ce système de correspondance - lecture et musique - entièrement incarné par des artistes femmes ou non-binaires (musiciennes, chanteuses, comédiennes) qui fait l’originalité et la puissance à cette adaptation. Au fur et à mesure des voix et des corps s’ajoutent sur la scène, celles et ceux de femmes qui viennent avec leurs sensibilités, leurs histoires, leurs talents artistiques. Il y a une batterie sur scène, elle ouvre et clôt le spectacle. C’était important à mes yeux que cet instrument, relativement masculin dans les formations musicales et dans l’imaginaire collectif, rythme le spectacle, guide la narration  et soit ici joué par une femme. Cet instrument incarne l’idée même de la puissance invaincue des femmes (titre de l’ouvrage de Mona Chollet ndlr). La musique est donc centrale dans cette adaptation. Elle a une force émotionnelle inégalée et permet d’entendre le texte autrement.

L’adaptation reprend fidèlement le texte d’origine ?

Mona Chollet m’a laissé totalement libre sur l’adaptation. Les conditions de travail étaient donc idéales. Il y a évidemment eu une sélection : le spectacle ne commence et ne se finit pas de la même façon que le texte d’origine. J’ai  notamment choisi 4 chapitres qui étaient particulièrement intéressants à explorer, et qui pouvaient former une trame, un trajet. Comme celui, introductif, sur le rappel historique des crimes de masse commis contre le corps des femmes et l’examen de leurs conséquences dans nos sociétés contemporaines, sur les injonctions et représentations faites aux femmes par exemple. J’ai été aussi très intéressée par le chapitre qui traite du non désir ou du regret de maternité exprimé par certaines femmes.

Quel a été l’élément déclencheur de cette adaptation ?

Sorcières, la puissance invaincue des femmes de Mona Chollet. Editions La Découverte (2018)
 
 

J'ai interviewé Mona Chollet au moment de la sortie de son livre devenu un bestseller peu de temps après. C’était fin 2017. Le texte m’avait vraiment interpellé car il synthétise énormément de questions de notre époque. J’ai immédiatement demandé à Mona Chollet si je pouvais l’adapter puis le mettre en scène avec Mélissa Phulpin et Elodie Demey, tout en assumant un parti fort : celui de  croiser différentes disciplines artistiques. Sa réaction a été très positive. 

Vous mettez en scène des artistes qui forment un collectif… C’est aussi ce collectif, cette sororité, qui illustre la puissance des femmes ?

C’est un élément important du spectacle qui, en effet, construit physiquement peu à peu  sur scène cette idée de collectif, de sororité. Sorcières, c’est l’histoire de femmes, de féminités  qui se réapproprient leur Histoire. Une autre originalité du projet réside dans le fait qu’en fonction des dates, ce ne sont pas toujours les mêmes artistes qui viennent sur scène. C’est assez atypique de fonctionner avec ce système de distribution tournante. Cela renforce énormément la diversité des représentations car les femmes qui participent au spectacle donnent à chaque date une nouvelle tonalité. Il y a bien sûr une direction artistique mais on a laissé la possibilité aux musiciennes - comme la batteuse Anne Paceo et la chanteuse PR2B qui seront à Nantes - de développer leurs couleurs.

 

Comment se déroule la tournée du spectacle ?

On a créé pour la première fois ce spectacle au Théâtre du Rond-point à Paris à l’occasion d’un festival. Nous l’avons ensuite peaufiné à la Maison de la poésie et lors de quelques dates. Très rapidement le succès a été au rendez-vous. Cette rentrée nous avons noué une vingtaine de dates au Théâtre de l’atelier et beaucoup d’entre elles étaient sold out. Les réactions du public étaient incroyables et montrent combien le texte dégage une force inspirante auprès des femmes, quel que soit leur âge, milieu social. Au fur et à mesure, nous avions de plus en plus d’hommes dans la salle.  Sorcières est une œuvre qui touche profondément, qui interroge chacun·e sur son vécu, qui dénonce les inégalités tout en étant porteur d’espoir et de changement.

D’autres adaptations d’œuvres féministes sont en cours avec votre collectif A définir dans un futur proche ?

Evidemment cette aventure artistique et le succès de ce spectacle nous donne envie de recommencer avec une nouvelle œuvre littéraire. Cette forme atypique montre comment on peut donner vie et amplifier la portée d’un texte. C’est quelque chose d’assez fascinant. Néanmoins pour le moment nous nous concentrons sur la tournée de ce spectacle qui continuera après Nantes, à se produire au Printemps de Bourges et aux Nuits Fourvière. Sorcières nous offre encore de belles perspectives !

 

Merci à Géraldine Sarratia d'avoir accepté de répondre à nos questions. 

Arts numériques : résilience et écoresponsabilité

Publié le 09/03/2023

Face à l’urgence climatique, les arts numériques se remettent eux aussi en question et tendent vers des pratiques plus durables et moins énergivores. Comment l’écoconception impacte-t-elle l’esthétique mais aussi l’éthique de la création numérique ?

Autrice : Carine Claude
Article rédigé en partenariat avec la revue AS
 
Photo d'illustration : Monolithe de Fabien Léaustic – Photo © Adagp Photographies / Juan Cruz Ibanez

L’art numérique ne se résume pas qu’aux écrans. Il irrigue les installations de ses données, joue à cache-cache dans la low tech, dialogue avec le vivant. L’écoconception des œuvres numériques s’inscrit dans toutes les strates complexes de ces artefacts hybrides, de leur création à leur production en passant par leur monstration.

“L’écologie et l’environnement sont des problématiques très pragmatiques dans la production des œuvres, mais elles sont aussi un sujet en soi”, explique l’artiste chercheur Fabien Léaustic qui centre son travail sur la prospective entre art et sciences. Ses matériaux de prédilection ? Le phytoplancton, l’argile et l’ADN. “À mon échelle personnelle, mais aussi en tant qu’artiste et chercheur, je m’interroge sur le genre de production à laquelle j’ai envie d’aboutir, quelle construction je veux pour un futur souhaitable. Les œuvres que j’ai développées en collaborant avec ces matières se sont implémentées au fur et à mesure dans ma recherche de manière très concrète avec cette dimension d’écoconception.”

Avec Geysa (2018), un hypnotique geyser d’eau et d’argile rouge qui jaillit à 20 m de hauteur, il reproduit un phénomène naturel de manière artificielle. Un geste plasticien et technologique spectaculaire réalisé à la Cité des sciences pendant la Nuit Blanche mais très énergivore. Un constat qui a amené Fabien Léaustic à repenser de A à Z la conception de son œuvre avec un nouvel avatar, La Terre est-elle ronde ? “Par rapport à Geysa, je divise par cinquante la quantité d’eau et d’argile”, explique l’artiste qui a réalisé sa thèse dans le cadre du programme SACRe (Sciences, arts, création, recherche). “J’ai choisi de l’argile employée pour lubrifier les têtes de forage qui puisent dans les nappes aquifères et les gisements pour ses propriétés plastiques et pour toute la sémiologie transmise par cette matière utilisée dans l’industrie extractiviste.”

Dans l’installation Ruines (2017), il fait du vivant son matériau de création. Ses hauts monolithes de phytoplanctons irrigués par de l’eau mutent au rythme de la croissance des organismes. “La démarche pragmatique de la conception écologique de l’œuvre prend en considération les problématiques éthiques et environnementales qui, pour finir, déterminent un choix esthétique.” Là encore, les différentes itérations de cette installation ont abouti à son autonomisation : “Même si la pompe consomme peu, lorsque j’aurai mis en place un pompage mécanique, gravitationnel, et non plus électrique, j’aurai affranchi totalement le dispositif de l’électricité. Je déconnecte la prise du réseau”.

Ruines de Fabien Léaustic - Photo © Adagp Photographies / Juan Cruz Ibanez
 

Le coût environnemental des activités digitales est aussi l’une des préoccupations de cet artiste qui crée également des œuvres 100 % numériques. “Nous parlons souvent de l’impact environnemental du numérique dans le stockage mais ce sont surtout les calculs et les flux de données qui posent problème”, confie-t-il. “En outre, mettre à disposition du public des œuvres en ligne permet de démocratiser l’accès à l’art, mais à quel prix ? Si elles sont stockées sur un serveur alimenté au charbon, la balance n’est plus bonne car il n’y a plus de rapport positif à l’art.” Cette question du rapport à l’œuvre soulève également celle de sa monstration. Les œuvres numériques doivent-elles être nécessairement en ligne pour exister ou peuvent-elles vivre off line en étant présentées dans un contexte d’exposition sur une période donnée ?

Ces questions de fond, Cédric Carles les explore depuis plus de vingt ans. Artiste, designer et chercheur, il est à l’initiative du Solar Sound System, un module de sonorisation fonctionnant à l’énergie solaire et de l’Atelier 21, un laboratoire citoyen d’utilité publique. “Toute la question est : les artistes du numérique qui essayent de limiter leurs impacts environnementaux, que racontent-ils dans leurs œuvres ? Nous ne pouvons pas séparer le discours, le concept et la forme. L’art est une forme de résistance. Quand nous sommes dans ce processus créatif, nous intégrons, d’un point de vue philosophique mais aussi terre à terre, toutes ces contraintes environnementales : comment puis-je limiter mon empreinte ? Comment trouver et utiliser des énergies plus durables, frugales et responsables ?”

Tête chercheuse de projets écoresponsables et d’innovations énergétiques, il est à l’origine de Paléo-énergétique, un programme de recherche citoyen retraçant une histoire alternative de l’énergie et développant des solutions durables à partir de brevets anciens. “Dans nos développements, nous ne nous empêchons pas d’utiliser le numérique car il faut bien identifier les luttes dont nous parlons. Nous vivons un éclatement socioculturel. Or, nous savons que seuls l’art et la culture arrivent à tendre la main à des peuples qui ne partagent pas la même langue. L’art et la musique sont des langages de paix. Le numérique offre cette capacité de liberté qui permet de diffuser les artistes au même niveau que les grosses plates-formes.” La radio du Solar Sound System, radio3s.org, émet ainsi dans le monde entier. “C’est un porte-voix pour les jeunes producteurs de musique électronique, une porte ouverte sur le monde. Comme tous nos sites, elle est hébergée à l’énergie solaire par Horus, une plate-forme d’hébergement responsable suisse.”

Cette année, il a lancé un nouveau site, le Retrofutur Museum, un musée virtuel retraçant les recherches du programme Paléo-énergétique qui donne une seconde vie à ces inventions et à leurs créateurs, grands oubliés de la transition énergétique. Dans cet esprit, l’Atelier 21 vient de publier Retrofutur : une autre histoire des machines à vent. “Quand quelqu’un fait appel à l’Atelier 21 ou au Solar Sound System, il y a certes cet aspect écologique mais derrière, tu soutiens quelque chose en plus, des projets de fond, une autre vision de la société.”

Retrofutur Museum, parabole Mouchot - Photo © Cédric Carles
 

Un nécessaire dialogue

Au-delà de leur création, l’écoconception interroge de manière plus large la monstration des œuvres numériques dans le contexte de l’exposition. Ce questionnement, qui porte à la fois sur la matérialité de l’œuvre et l’écosystème dans lequel elle est présentée au public, induit un nécessaire dialogue entre artistes et diffuseurs, parfois très en amont de la production. “Lorsqu’un artiste te propose une installation numérique, il est toujours intéressant de pouvoir l’interpréter avec ses propres inputs, sa propre culture”, témoigne Carine Le Malet, curatrice et directrice artistique spécialiste des arts numériques. “Il te donne des clés, des bases, une manière de l’aborder, mais cet espace te laisse la place d’ajouter ton propre niveau de lecture, ce qui se traduit par des questions concrètes : que voulons-nous montrer au public ? Pourquoi ? Comment y parvenir ? L’écoconception fait partie de ce processus.”

Si la prise de conscience n’est pas récente pour les centres d’art, les galeries et les musées, la mise en pratique tâtonne. Système D et bonne volonté individuelle prévalent chez les programmateurs. “Beaucoup en sont encore au stade de la sensibilisation car la difficulté est de se rendre compte de l’impact réel du numérique, ce qui demande des connaissances et des compétences qu’il est parfois difficile de trouver chez les diffuseurs”, constate Fanny Legros. En 2020, cette ancienne directrice de la galerie Jérôme Poggi a créé Karbone Prod, une agence de conseil pour accompagner les acteurs du monde de l’art dans l’écoconception de leurs productions. Elle explique que 90 % des impacts environnementaux d'une production ont lieu dès sa conception : “Malheureusement, il n’y a pas de réponses miracles, tout dépend des situations de chacun en fonction des usages, de la création, du bâtiment, du nombre d’expositions, des productions réalisées et des moyens mis en place par les équipes”.

“Toute la difficulté est de savoir où placer le curseur. Nous arrêtons-nous aux œuvres elles-mêmes ou devons-nous prendre en compte toute la logique de production ?”, s’interroge pour sa part Clément Thibaut, directeur artistique du centre d’art numérique Le Cube. Il précise : “Si nous prenons l’exemple de l’empreinte carbone, n’analysons-nous que l’exposition, c’est-à-dire la fabrication, le transport des œuvres et la scénographie ou devons-nous prendre en compte la consommation électrique ainsi que l’ensemble des mouvements et des transports, y compris des publics ? Les espaces de stockage et les flux numériques utilisent également des ressources fossiles. Le premier point complexe est de réussir à mesurer l’impact ; le second est de définir des critères et une méthodologie pour moduler et modifier nos actions, et enfin trouver des idées de contournement”.

Des réseaux comme HACNUM – le Réseau national des arts hybrides et cultures numériques – se penchent sur ces problématiques. Régulièrement, il convie ses membres à réfléchir, dans des groupes de travail, aux impacts environnementaux des activités culturelles, notamment numériques. “Les réseaux ont une véritable place à prendre sur ces questions”, confirme Clément Thibaut. “Nous sommes tous d’accord sur le constat mais il faut maintenant trouver des moyens d’action efficaces.”

La Terre est-elle ronde ? de Fabien Léaustic - Photo © Adagp Photographies / Juan Cruz Ibanez
 

Le contexte d’exposition des œuvres numériques soulève d’autres interrogations. Pour le directeur artistique du Cube, si la matérialité des expositions demeure nécessaire, la question se pose pour certaines œuvres numériques. “C’est un problème complexe. Pour IA, qui es-tu ?, l’exposition des vingt ans du Cube, nous avons décidé de la monter en ligne – nous étions encore dans un contexte de confinement. Même si le coût est quatre fois plus cher, nous avons eu recours à un hébergeur vert. Il s’agissait aussi de développer un site frugal et optimisé en termes de consommation énergétique.” Cette démarche “résiliente” a été inscrite en amont du cahier des charges pour les équipes. “Cette expérience nous a aussi poussés à nous interroger sur ce qu’est une bonne exposition en ligne. Avec le Covid, les expositions virtuelles se sont multipliées, mais souvent au détriment du rapport à l’œuvre.”

De plus en plus d’appels à projets artistiques, en particulier dans le secteur des arts numériques, intègrent des objectifs d’écoresponsabilité dans la conception et la production des œuvres. Avec le paradoxe que, pour obtenir des subventions, certains concepteurs confèrent une inflexion green à leurs créations, au risque qu’elles soient davantage d’ordre cosmétique que conceptuelle. “De nombreux artistes sont habités depuis longtemps par ces préoccupations environnementales, comme Sandra et Gaspard Bébié-Valérian ou Barthélemy Antoine-Lœff”, rappelle la curatrice Carine Le Malet. “Nous avons vu fleurir des appels à projets sur la fonte des glaces, puis sur la surveillance, puis sur la mémoire, le sommeil, le travail. Les artistes sont des éponges qui captent les signaux faibles de la société et ils vont mettre dans leurs créations leurs observations, leurs joies, leurs angoisses. Ils n’ont pas forcément besoin qu’on leur souffle à l’oreille des sujets ou qu’on leur dise d’être écoresponsables.” Par contre, pour les institutions culturelles, inscrire l’écoresponsabilité dans leurs missions s’avère indispensable. “Je crois savoir que le ministère de la Culture prépare des ‘référentiels’ pour le secteur”, confie Fanny Legros. “Je pense qu’il est indispensable de réfléchir à des outils qui apportent des résultats multicritères autres que carbone et qui peuvent aider les institutions dans leur prise de décisions en fonction de l’impact des projets. Il va falloir aussi un appui important du Code des marchés publics.”

Face à l’urgence sociale et environnementale, des voix s’élèvent pour établir un cadre servant à inscrire l’écoresponsabilité dans les pratiques curatoriales. Dans une tribune publiée dans Le Monde le 28 septembre dernier, Guillaume Désanges, président du Palais de Tokyo, lançait un cri d’alarme. Selon lui, les espaces de monstration doivent implémenter d’urgence ces pratiques écoresponsables, un virage éthique vers ce qu’il appelle une “permaculture institutionnelle”. “Les artistes sont les champions de l’adaptation, sachant sublimer le réel et créer à partir de peu”, écrit-il. “Son histoire étant bien plus ancienne que la modernité industrielle, l’art a beaucoup à nous apprendre en matière d’autonomie, de réflexion critique sur les matériaux, de durabilité, de recyclage et de simplicité comme force.” Les artistes du numérique le prouvent.

Retour sur les ateliers design culinaire avec Gwendoline Blosse

Publié le 02/03/2023

Quatre classes de cinquième du département ont eu l’occasion de découvrir le design culinaire sous les conseils de l'illustratrice et designer culinaire Gwendoline Blosse. Chacun·e a pu, au cours de l’atelier, imaginer et créer des plats originaux et singuliers.


Atelier culinaire - Colège Jean Moulin
Atelier culinaire - Collège Jean Moulin

Cet atelier, coproduit par Stereolux et les Archives Départementales de Loire-Atlantique, s' inscrit dans le parcours imaginé par les Archives dans le cadre de l’exposition Signatures. L’Art de s’identifier. Après avoir visité l’exposition et participé soit à un atelier calligraphie, soit un atelier sceaux, aux archives, les collégien·nes se sont lancé·es dans l’art graphique culinaire. De Nantes à Saint-Nazaire, en passant par Saint-Brevin, les élèves ont été invité·es à imaginer un plat centré sur trois couleurs et une forme tirées au sort. 

Atelier CulinaireAtelier culinaire - Gwendoline Blosse

Après avoir identifié les différents aliments selon leurs couleurs, les collégien·nes ont laissé aller leur créativité pour inventer des entrées, plats et desserts aux saveurs innovantes. Ils et elles ont ensuite pu les présenter à leurs camarades. L’exercice, parfois difficile à appréhender pour les élèves, leur a permis de faire le lien entre art culinaire et art graphique et de révéler leur signature gastronomique. Sans règle autre que de ne pas utiliser de protéine animale, les élèves ont proposé des plats haut en couleur et originaux. 

Atelier Culinaire - Gwendoline Blosse
Atelier Culinaire - Gwendoline Blosse

L’atelier a poussé certain·es élèves habituellement timides à sortir de leur coquille pour présenter avec joie leur création. Dans la continuité de l’atelier, certains établissements aimeraient par ailleurs réaliser les créations des élèves avec de vrais aliments, ou avec des matières plastiques. 

COmpositions des élèvesQuelques créations des élèves

Vous pouvez retrouver les créations des élèves sur notre page flickr .

Ces dernier·es participeront également à un atelier autour du graff, aussi coproduit par Stereolux et les Archives.  L’exposition Signatures. L’Art de s’identifier est à retrouver aux archives départementales de Loire-Atlantique jusqu'au 14 avril.

Grand River & Marco Ciceri nous racontent la naissance de FOG [INTERVIEW]

Publié le 27/02/2023

Dans le cadre de la prochaine édition d'Electrons Libres, nous accueillerons FOG, une performance audiovisuelle electronique envoutante et minimaliste. Il s'agit de la dernière création de la compositrice Aimée Portioli, plus connue sous le nom de Grand River, et de l'artiste plasticien Marco Ciceri. Avant d'embarquer dans ce voyage grandiose le 09 mars prochain, nous avons posé quelques questions au duo.

Electrons Libres I Robert Henke : CBM 8032 AV + GRAND RIVER & MARCO CICERI : FOG (live A/V)


Ce n'est pas la première fois que vous collaborez tous les deux. Pouvez-vous nous expliquer votre rencontre artistique, les différents projets que vous avez menés ensemble & la naissance de FOG ?

Nous nous sommes rencontré·es il y a neuf ans lors d'un événement à Milan, où nous étions programmé·es avec des projets différents. Par la suite, nous sommes resté·es en contact et avons commencé à parler de collaborations potentielles. En 2015, nous avons tous deux déménagé à Berlin, d'abord Marco, puis Aimée peu après. Nous nous sommes donc retrouvé·es à vivre dans la même ville, à aller aux mêmes concerts, événements et expositions. Nous nous sommes rapidement et très naturellement lié·es d'amitié et avons spontanément commencé à compter l'un·e sur l'autre pour productions artistiques également. Lorsque nous avions besoin d'une vidéo ou d'un visuel d'un côté, d'une bande sonore ou d'un sound design de l'autre, nous nous demandions l'un·e à l'autre. Cet échange nous a donné envie de créer quelque chose ensemble. En 2017, nous avons commencé à travailler sur 0,13%, un spectacle audiovisuel sur la relation entre les humains et la nature, un sujet qui est souvent au centre de nos conversations quotidiennes. Nous l'avons joué pendant trois ans et l'année dernière, nous avons décidé de développer un nouveau spectacle à partir de zéro : FOG.

0,13% -  Grand River & Marco Ciceri

"Parfois, nous avons le sentiment et la conviction d'en savoir beaucoup et parfois, nous nous heurtons à la frontière de notre ignorance. Cela nous pousse à être davantage humble."

Le FOG peut être défini comme un voyage entre lE SENTIMENT de sécurité QUE PROCURE ce qui est déjà connu et l'inconfort d'explorer les frontières de ce qui est inconnu. Qu'est-ce qui vous a amené à explorer ce champ de réflexion ?

Nous sommes deux personnes très curieuses, qui aiment remettre en question nos connaissances. Nous aimons nous inspirer de domaines qui sont en dehors de nos champs de prédilections. Le FOG est la représentation de l'inconnu et du concept de connaissance sous ses différentes formes, et il est le résultat de nos différents sentiments. Parfois, nous avons le sentiment et la conviction d'en savoir beaucoup et parfois, nous nous heurtons à la frontière de notre ignorance et cela nous pousse à être davantage humble.

FOG -  Grand River & Marco Ciceri

 

"Notre méthode de travail consiste à créer une narration basée sur des adjectifs qui décrivent graphiquement les différentes tableaux que nous voulons réaliser."

Comment travaillez-vous pour créer un récit fort et singulier à travers la composition musicale et les visuels ?

Notre méthode de travail consiste à créer une narration basée sur des adjectifs qui décrivent graphiquement les différentes tableaux que nous voulons réaliser. Pour fonctionner, ces adjectifs doivent être transposables à la musique et l'écran, tout en restant en corrélation avec l'intention générale. Cette méthode nous aide à trouver un terrain commun, où nous pouvons façonner notre histoire. Cela établit une base solide pour nos créations irespectives. Certains contenus vidéo pour FOG ont été créés sans aucune musique, en s'en tenant à l'ambiance que nous voulions explorer. De la même manière, des compositions musicales ont été développées sans aucune référence visuelle. Nous avons maintenu une communication étroite pendant cette phase et, au fur et à mesure que nous progressions dans le développement chacun·e de notre côté, nous avons commencé à assembler l'audio et la vidéo dans un scénario qui est le cœur de la performance en direct.

FOG -  Grand River & Marco Ciceri
 

"Nous pensons que les différences entre les gens peuvent être précieuses"

Cet événement s'appelle "Electrons Libres". Qu'est-ce que cela signifie pour vous deux ? Vous considérez-vous comme des électrons libres ?

Bien sûr ! 
Nous pensons que les différences entre les gens peuvent être précieuses, un peu comme une différence de potentiel (nb : notion de "tension" en physique ; les objets possèdent des charges électriques différentes). Tout comme la différence de potentiel déplace les électrons vers la dominante positive, les différences de chacun·e peuvent nous mener vers un avenir favorable.


 

Le dernier et troisième album de Grand River, All Above, est sorti le 24 février dernier. Pour l'écouter :

 

 

Stereolux fait voyager l’art numérique sur le territoire

Publié le 09/02/2023

La dernière création de la Compagnie Adrien M et Claire B, « Acqua Alta » est un projet en trois volets (spectacle, expérience VR et exposition d'un livre pop-up augmenté). Au spectacle de danse présenté en novembre 2021 s’est adjointe l'exposition « La traversée du miroir » : un livre pop-up dont les dessins et les volumes en papier forment les décors de l’histoire visible en réalité augmentée, avec des tablettes numériques.

En novembre 2021, Stereolux a dans un premier temps accueilli cette exposition dans ses murs. Le choix a ensuite été fait de la mettre à disposition d’autres lieux du territoire intéressés par ces démarches artistiques, ces formes et techniques d'expression, mais qui n'ont pas toujours les moyens (humains, techniques, financiers) qu'exige souvent ce type d'exposition.

Photo : Pauline Lévêque
 

Où retrouveR "aqua alta" ? > LA Tournée 2021-2023

Décembre 2021 : Orvault (Médiathèque)
 

De janvier à mars 2022 : 7 écoles élémentaires et des bibliothèques

Juin - Juillet 2022 : Carquefou 

Septembre 2022 : Saint-Herblain 

Octobre 2022 : Noirmoutier

Novembre 2022 : La Chapelle des Marais

Janvier 2023 : Châteaubriant-Derval 

Février 2023 :  Legé 

Mars 2023 : Sud Retz Atlantique Machecoul

Art numérique et espace public I Deuxième partie : enjeux et défis techniques

Publié le 08/02/2023

À l’heure de ce que d’aucuns appellent la “smart city”, de nouvelles formes de création animent les villes qui se transforment en musées hors les murs et en espaces de diffusion ouverts. Qu’elles soient éphémères ou pensées pour durer, ces œuvres répondent à de nombreuses problématiques techniques, où interviennent des questions de réglementation urbaine, de praticabilité, de gestion des jauges, ainsi que des contraintes liées au déplacement, à l’installation ou à l’accès à l’énergie. Quelques exemples pratiques pour ce deuxième volet de notre dossier “Art numérique et espace public”.

Maxence Grugier
Article rédigé en partenariat avec la revue AS
 
Lire la partie 1 :

Captive de Romain Tardy, simulation 3D - Photo © Romain Tardy
 

L’art urbain est un “art contextuel”, selon la dénomination de l’artiste Jan Świdziński (1). Nous envisageons désormais l’espace public comme un support de création, un lieu d’exposition in situ. La réorganisation de pans entiers du tissu urbain contemporain engendre de nouveaux espaces au sein desquels les œuvres d’art sont pleinement intégrées ; la conception même de certains de ces espaces (parvis, places, jardins) relève du champ artistique. Pour autant, il ne faut pas oublier que cette conception actuelle de l’espace public comme lieu de monstration et/ou de célébration propice à la présentation de spectacles ou d’installations reste tributaire de l’évolution des politiques culturelles et n’est rendue possible aujourd’hui que par la mise en œuvre de nombreux champs d’expertise, requérant une bonne connaissance des normes et de la réglementation publique.

Contraintes créatives

Le montage et la diffusion d’œuvres d'art numériques dans l’espace public répondent à de nombreuses exigences. Aux questions du cadre de présentation et des différentes typologies de lieux (esplanades, passages, squares, quais, passerelles, ponts, …) – et aux contraintes inhérentes à l’accès physique d’une œuvre par le public (les créations en extérieur en particulier doivent êtres pensées en fonction de leur préservation et de leur résistance) – répondent celles du design et de l’ergonomie, de la signalétique, de la gestion de la mobilité et des flux autour et dans l’œuvre, de sa résistance, de la sécurité et de la dépendance énergétique (dans le cas de scénographies lumineuses ou sonores). En cas de détournement du mobilier urbain, les artistes et producteurs doivent se pencher sur les problématiques liées aux différentes directives d’aménagement du territoire, prenant en compte la préservation des monuments historiques, des lieux publics (et de l’œuvre elle-même), sans oublier les impératifs liés au climat (fortes chaleurs, intempéries, …) et par extension à l’écologie (consommation en énergie, emplacement à impact environnemental neutre, compatibilité entre matériaux et environnement, …).

Passengers, vue 3D du renforcement et des patines de fixation - Document © Guillaume Marmin

Penser le passage

Toutes ces problématiques se retrouvent dans la capsule mobile Passengers de Guillaume Marmin, portée par l’agence de communication et de production culturelle Tetro (à lire dans le premier volet, voir revue AS 245). Présentée et transportée dans un container, Passengers est une œuvre expérientielle dont s’empare le public. Dans une telle installation, la question est : le fond définit-il la forme ?

Guillaume Marmin : L’idée d’une œuvre praticable par le public, qui soit simple à transporter et à installer, m’est venue après avoir participé au festival White Night / Nuit Blanche à Bratislava (Slovaquie). Je trouve formidable de voir les gens se déplacer pour apprécier des œuvres numériques dans l’espace public. Mais je pense également avec regrets aux fois où nous prenons plusieurs jours pour les installer alors qu’elles ne sont visibles que sur un temps très court. C’est là que j’ai imaginé une œuvre dont le design ferait partie du concept c’est-à-dire une installation dans un container.

Un “passage”, par essence, doit être emprunté par une foule de gens. Cela suppose de penser à la résistance de l’infrastructure. Le gros challenge était d’imaginer un dispositif composé de miroirs sur lesquels les gens devaient marcher.

Guillaume Marmin : Au départ, le défi tenait à sa conception. Ensuite, il y a eu le transport. Un container n’est pas un objet solide et rigide. La structure répond aux pressions du transport avec souplesse, elle bouge. Aurélien Jeanjean, qui a conçu la structure de Passengers, a dû ajouter des armatures métalliques sous la tôle du container pour que l’ensemble ne se torde pas. Nous avons également dû penser à des interstices séparant les miroirs et permettant à la structure d’accueillir les chocs sans que le verre ne se fende.

Connections synergétiques

La construction d’une forme de fort volume dans l’espace public requiert souplesse et expertise pluridisciplinaire – parfois acquise en cours de conception. Cela réunit notions d’architecture, capacités à innover, connaissances en programmation et compréhension des problématiques d’ingénierie et d’infrastructure. Toutes les compétences que rassemble le dôme Synergetics de Marion Roche et Benjamin Petit dans leur studio créatif multimédia Let There Be Light. Cette installation audiovisuelle monumentale, animée par des barres de néons LEDs qui en recouvrent la surface ainsi que par une création sonore dédiée, est activée par un système de récupération de données des échanges de vidéoconférences inspiré du confinement. Un dispositif complexe, fruit de longues études techniques, en amont d’une réflexion globale sur la circulation de nos communications numériques. “Cela faisait longtemps que je souhaitais travailler sur une structure monumentale lumineuse”, explique Benjamin Petit. “L’idée était de concevoir un dôme géodésique qui ne soit pas réduit à un usage classique de surface de projection pour environnement immersif. Je voulais créer quelque chose de vivant, où la structure elle-même fait œuvre. Ma rencontre avec Marion m’a permis d’avancer sur ce projet avec de nouvelles perspectives, notamment celle de dépasser les contraintes techniques pour explorer les champs de signification de cette forme telle qu’imaginée par Richard Buckminster Fuller”(2). Marion Roche ajoute : “Synergetics n’est pas seulement une structure monumentale qui relève de différents niveaux de complexité ; c’est une architecture qui raconte quelque chose. Elle est activée par les flux de données échangées autour d’elle, permettant ainsi de créer différents scénarios et de raconter à chaque fois une nouvelle histoire avec la même structure selon le lieu de diffusion”.

Passengers de Guillaume Marmin, le montage - Photo © Guillaume Marmin
 

De l’intime au public

Avec Captive, la nouvelle installation de Romain Tardy, l’artiste propose un commentaire sur la manière dont le numérique affecte notre intimité en jouant sur le paradoxe d’une esthétique hybride, entre science-fiction et kitsch d’hôtels capsules asiatiques. Le dispositif se compose de quatre capsules (ou pods) indépendantes de 2,20 m x 1,20 m dont l’intérieur est doté d’écrans disposés au plafond et d’un dispositif lumineux synchronisé diffusant des témoignages de personnes sur leur rapport au sommeil et au numérique. “Il s’agit d’un projet sur la manière dont le numérique affecte notre capacité à nous reposer. Cela tient d’une observation personnelle qui m’a été aussi inspirée par le livre de Jonathan Crary, 24/7 : le capitalisme à l'assaut du sommeil”, explique l’auteur. “Crary se penche sur la façon dont le numérique investit ce dernier espace de liberté, en lien avec ce que nous appelons ‘l’économie de l’attention’ et tout ce qui est régi aujourd’hui par les outils numériques. Pour mettre en scène ces questions, j’ai imaginé des sortes de ‘boîtes à sommeil’, ce que nous appelons les ‘capsules hôtels’ que nous trouvons notamment au Japon.” Au-delà de l’aspect philosophique déjà passionnant, Captive pose aussi d’intéressantes questions techniques. Ici, l’envie artistique se trouve confrontée aux réalités de la diffusion en milieu public. “J’ai eu beaucoup d’échanges techniques avec notre partenaire en coproduction, Chroniques Marseille (3) pour faire face aux réalités des contraintes d’exposition. Les structures étant usinées par un vrai concepteur de capsules hôtels, il fallait gérer les problèmes d’espace, surfaces, hauteur sous plafond, et tout ce qui concerne l’accès du public (sécurité, hygiène) sans que cela nuise à l’esthétique de l’œuvre que je voulais la plus personnalisée possible”, conclut l’intéressé.

Économie de moyens

De fait, il est évident que la possibilité d’installer et de présenter une même œuvre dans différents lieux, tout en proposant des variations, est un avantage. C’est aussi un facteur d’importance dans la prise de décision des programmateurs en lien avec les équipes techniques. Nous l’avons dit, l’aspect Do It Yourself est un impondérable des arts numériques. Certaines œuvres n’existent que par et grâce à l’inventivité de ces créateurs, à la fois ingénieurs, codeurs/programmeurs et architectes amateurs. Des caractéristiques que nous retrouvons dans les trois œuvres décrites précédemment, qu’il s’agisse de Synergetics, Captive ou Passengers. “Nous avons allégé les coûts en construisant nous-mêmes avec les techniciens et ingénieurs nantais Maël Pinard et Xavier Seignard”, explique Guillaume Marmin à propos de Passengers. “Qu’il s’agisse de la conception électrique ou du hardware, tout est fait main ; même les drivers et les cartes qui permettent d’alimenter les LEDs et de les contrôler.”

Passengers, plan 2D du renforcement et des patines de fixation - Document © Guillaume Marmin
 

Pour des structures de ce volume, l’accent est également mis sur l’importance d’être flexibles, tant dans leurs formes que dans ce qu’elles racontent. “Le souhait avec Synergetics était vraiment de pouvoir concevoir différents scénarios dans différents lieux de présentation”, nous confie Marion Roche. “Le ballet sonore et lumineux que nous produisons en live avec cette installation était totalement différent à la Fête des Lumières de Lyon ou à la Biennale En Immersion de Lieusaint.” Nous l’avons également vu, pour Romain Tardy la présentation de ce type d’œuvre véritablement utilisée par le public requiert de longues réflexions et de nombreuses études techniques. Il faut également signaler que ce genre de projet est rendu possible par le partage de connaissances disponibles sur Internet ainsi que par l’accès aux composantes peu chères désormais accessibles en ligne. Guillaume Marmin déclare : “Aujourd’hui il est facile d’obtenir toutes les informations pour fabriquer ses micros contrôleurs, ses cartes, … Les composants électroniques sont également disponibles à moindres coûts sur les plates-formes que nous connaissons tous. Même si cela peut prêter à discussion, ils sont désormais accessibles alors que cela aurait été impossible il y a vingt ans”.

C’est dans l’espace public que s’exprime le rapport entre art et réel. L’œuvre d’art est médiatrice, engage un dialogue entre son contexte de présentation et ses usagers. Mais surtout, elle rassemble. Peu nombreuses sont les structures qui, à l’image de l’agence Tetro, s’investissent dans la conception d’événements de grande envergure à vocation de rassemblements publics. Implantée à Paris et à Lyon, Tetro assume la double casquette d’agence et de producteur (avec Tetro In Situ et Tetro+A) en mettant ses compétences (techniques, logistiques, médiatiques) au service des artistes (parmi lesquels Guillaume Marmin mais aussi le collectif Scale ou Romain Tardy). À ce titre, son PDG Matthieu Debay est clair : “Offrir du spectacle et des moments hors du temps est plus que jamais nécessaire aujourd’hui. Si la Covid nous a révélé quelque chose, c’est notre capacité à innover, à improviser et à continuer de créer. C’est ce que montrent les artistes que nous soutenons en proposant des expériences inédites et des moments de partage mêlant capacités à émerveiller et défis techniques. C’est ce que nous faisons et défendons à Tetro”.

(1)   Dans un manifeste publié en 1976, l’artiste présente le concept d’art contextuel comme une invitation à sortir des lieux d’art traditionnels “pour produire des œuvres qui n’ont de sens que dans les lieux où elles sont installées”
 
(2)   www.structurenomade.com/domes-geodesiques-histoire/
 
(3)   Captive est une coproduction Chroniques, biennale des imaginaires numériques (Marseille), accompagnée par la Fédération Wallonie-Bruxelles art numérique et 254Forest (Bruxelles)
 
Situé à la jonction des arts numériques, de la recherche et de l’industrie, le Laboratoire Arts & Technologies de Stereolux contribue activement aux réflexions autour des technologies numériques et de leur devenir en termes de potentiel et d’enjeux, d’usages et d’impacts sociétaux. 

J'ai testé : le ciné-concert "Ma vie de courgette"

Publié le 20/01/2023

En novembre dernier, notre bénévole Marie a inauguré le premier "J'ai testé - dessiné" ! Armée de ces crayons, elle a croqué le ciné-concert "Ma vie de courgette" lors duquel la suissesse Sophie Hunger a joué en live la bande originale du film d'animation qui lui a valu une nomination aux Césars. Marie nous emmène dans les coulisses de cette soirée, nous livre ses dessins et ses ressentis.

Pour retrouver le travail de Marie Morvan, rendez-vous sur son compte Instagram @wwestauthor.


20h Le film commence, les artistes sur scène s'emparent de leurs instruments. Ce soir, nous avons la chance de voir le film en stop-motion suisse "Ma Vie de Courgette" en ciné-concert. La bande originale du film est jouée en direct, par Sophie Hunger - la compositrice de la BO - qui est épaulée par ses deux camarades, Kristina Koropecki au violoncelle, et Alexis Anérilles aux synthés, marimba et bugle. L'alchimie du trio est incroyable, tout comme leur maîtrise des différents instruments. Leurs prouesses techniques nous plongent davantage dans l'ambiance douce-amère de ce film.

Film dans lequel on y croise Icare, petit garçon placé dans un foyer à la suite du décès de sa mère... Là, il y fait la rencontre de camarades d'infortune, avec qui il apprend à reprendre goût à la vie. Il apprécie particulièrement Camille, mais cette dernière est réclamée par sa tante, qui veut s'en occuper (enfin, c'est surtout pour toucher les aides...) Vous l'aurez compris, c'est un film qui s'adresse à un jeune public, mais pas que. Les enfants ne sont pas épargnés, la cruauté du monde est présente mais jamais montrée, ce qui permet l'accès à l'histoire par un plus jeune public. Le tout est magnifiquement bien écrit, les répliques naïves des enfants font mouche, et permettent d'alléger l'atmosphère. Le public est réactif, une ambiance bon enfant règne dans la salle Maxi ce soir-là. Enfant, ado, adultes, tout le monde rit, et pleure aussi, parfois.

Niveau mise en scène, le tout est bien pensé, j'ai particulièrement apprécié le moment où les enfants dansent lors d'une boum. Ils sont déchaînés, les lumières tourbillonnent, que ce soit dans le film, ou dans la salle ! C'est comme si les personnages sortaient de l'écran pour venir s'enjailler à nos côtés. Vraiment un moment marquant et dynamique !

La musique y est aussi pour beaucoup. Il est vrai qu'il n'existe pas de bon film sans bonne musique. Les deux sont intrinsèquement liés, et ce ciné-concert nous le prouve. Sophie Hunger a à cœur de défendre son travail et de lui donner une seconde vie, et ça se voit. Les sentiments des personnages sont portés par ses vocalises incroyables, l'artiste s'enflamme et nous offre une prouesse musicale inoubliable. Le public est conquis, et applaudit, applaudit. On espère tous un rappel, et notre appel est entendu. Les trois artistes reviennent, Sophie Hunger prend la parole, explique sa démarche de rejouer la bande-originale de "Ma Vie de Courgette", et nous propose de jouer un morceau de son dernier album. Évidemment, tout le monde dit oui, et la voilà qui s'installe et nous offre un moment de grâce, féérique, en interprétant "Strangers".

On s'en souviendra encore longtemps de cette soirée. Longue vie à Courgette !

Merci à Marie pour cet article.

[PLAYLIST] On vous fait (re)découvrir le label Le Turc Mécanique !

Publié le 16/01/2023

La prochaine édition du Beau Label aura lieu le 10 février prochain et mettra à l'honneur Le Turc Mécanique. Fort de dix ans d'existence, le label punk parisien a su s'inventer et se réinventer. Punk, il faut le comprendre au sens large, le voir comme un état d'esprit. Et ce car le label peut compter parmi ses signataires une variété de genres musicaux allant du punk à la techno en passant par la noise. La preuve dans cette playlist compilant différents morceaux sortis sur le label.

Le Beau Label I Le Turc Mécanique : Tropical Horses · Balladur · Gérard Jugno 106

Jardin - Epée

Balladur - Olympic Layat

Teledetente 666 - Soleil Nord Est

Monsieur Crâne - Eva Joly

Bajram Bili - 40-30

Colombey - Au siècle dernier

Oktober Lieber - Temple House

Tôle Froide - Les Michel.le.s

Teknomom - Europa

Bracco - Stop Dancing

Hysterie - La Horde

Gérard Jugno 106 - PSR Hate

Tropical Horses - La Notte

Incontournable et prolifique : la scène musicale de Milan fait parler d'elle

Publié le 10/01/2023

Épicentre musical historique de l’Italie, le riche patrimoine de Milan continue d’être enrichi par un impressionnant vivier d’artistes. Si la capitale lombarde n’a pas de scène musicale dominante, c’est pour faire coexister une succession de niches musicales passionnantes. Sans jamais se cloisonner, tant le maître mot de la ville est l’échange social.

En préambule de la prochaine soirée Stereotrip Milan, petit panorama non exhaustif de la scène milanaise et de son évolution.

Stereotrip Milan : Pinhdar · I’m Not A Blonde · Used To Be Apes

Illustration : Flavie Roux
Texte : Antoine Gailhanou

Un dicton affirme que si Rome a le cinéma, Milan a la musique. Cette dernière a toujours accueilli les plus grands compositeurs dans de riches écrins, en particulier la Scala, immortalisée par les opéras de Verdi. Ville de naissance de Nino Rota ou du légendaire rockeur Adriano Celentano, elle est aussi la ville d’un autre pionnier du rock transalpin, Enzo Jannacci. En solo ou dans son duo avec Giorgio Gaber, celui-ci a su moderniser la chanson milanaise en la mariant aux musiques anglo-saxones, s’essayant même au jazz ou à la musique de film, jusqu’à sa mort en 2013.

Jannacci & Gaber – Birra 

La capitale lombarde a été de tous les mouvements musicaux. Quand la vague du rock progressif italien a bousculé le pays à l’aube des années 70, les milanais étaient bien représentés. Si on retient surtout les Romains de Goblin, des héritiers majeurs de King Crimson et Genesis viennent de Milan, comme Premiata Forneria Marconi ou Le Orme. Un peu plus tard, alors que la fièvre de l’Italo Disco se répend, c’est encore Milan qu’on retrouve aux premières loges, via le distributeur Discomagic, le groupe Kano, et des voix comme Diana Est ou Silvio Pozzoli.

Kano – I’m Ready

 

PFM – Generale

Sans oublier l’un des événements les plus importants du pays : le festival de San Remo, que la ville accueille depuis 1951. Si son premier rôle est de déterminer le candidat de l’Italie à l’Eurovision, il est surtout un tremplin majeur pour des artistes venus de tout le pays. Récemment, il a couronné les Måneskin, avant leur triomphe mondial, ainsi que le chanteur de R&B milanais Mahmood, double gagnant en 2019 puis 2022 en duo avec le tout jeune Blanco.

Mahmood, Blanco – Brividi

Toute une riche histoire musicale, à l’ombre de laquelle prospère une scène underground passionnante. Difficile d’identifier une scène majeure, mais plutôt une constellation de niches musicales. Celles-ci existent toujours dans des lieux multidisciplinaires, comme le Santeria Social Club, ancienne concession Volvo devenue bar-restaurant, lieu de co-working mais aussi de formation musicale ; le tout avec une salle de 450 places pour accueillir I’m Not A Blonde mais aussi Pomme ou Aldous Harding. Peut-être encore plus qu’ailleurs, la musique est là-bas vecteur de socialisation. Cela se vérifie également dans les squats très présents dans la ville, à l’image du Cox18, debout depuis 1976.

La scène rock milanaise pouvait aussi compter sur le Rolling Stone, fermé en 2009, qui accueillait les plus grandes stars locales et internationales. D’autres clubs sont apparus entre-temps, comme l’Alcatraz ou le Legend, plus orienté metal. Une diversité de lieux, qui a pu voir émerger des artistes comme Calibro 35, groupe de rock/funk “cinématographique” fondé en 2007, héritier tant d’Ennio Morricone que Pharrell Williams, samplé par Dr.Dre et Jay Z. Le tout au côté d’une scène rap forte – où émergent tant Club Dogo qu’Ernia ou Fedez – ou metal, avec comme fer de lance Lacuna Coil. La liste pourrait encore continuer, via le jazz, autour du label Schema Records.

Calibro 35 – Stan Lee (ft. Illa J)

La ville est également riche en clubs de qualité, proposant également presque chaque fois des live : les deux formats cohabitent bien plus qu’en France. Beaucoup ont émergé dernièrement, du Fabrique au Volt Club (qui a pris la place du du Bang Bang, lieu phare du rock des années 60). Ainsi, alors que les artistes techno étaient plutôt poussés à l’exil, tels le duo Tale Of Us, des artistes underground de grande qualité y font désormais carrière. Qu’il s’agisse de l’artiste ambient Caterina Barbieri, du duo Tamburi Neri, ou de la pop futuriste de Marta Tenaglia, sans oublier Pinhdar, les propositions électroniques passionnantes sont légion. Et là encore, la dimension sociale est toujours importante, comme le prouvait le label spécialisé house Rollover Milano : début 2020, alors que le pays faisait les premiers les frais du Covid-19, il en sortait dès le mois d’avrilune compilation pour aider à y résister. Ou comment faire de la musique une main tendue vers l’autre.

Caterina Barbieri – Broken Melody

 

Marta Tenaglia – Ikea