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"Le sublime et la contemplation sont des espaces que j'aime explorer dans mon travail" : rencontre avec Joanie Lemercier (Interview Scopitone)

Arts numériques Publié le 17/08/2022

Scopitone accueillera du 14 au 17 septembre l'oeuvre Constellations de Joanie Lemercier. Après Oslo, Barcelone ou encore Londres, celle-ci prendra place à Nantes sur les bords de l’Erdre, quai Ceineray. Dans cette installation audiovisuelle, l'artiste qui est également activiste pour le climat nous livrera une expérience sensorielle à travers le cosmos au moyen de lumière projetée sur une pluie de fines gouttelettes d’eau. Nous avons eu le plaisir de le rencontrer.

CONSTELLATIONS - JOANIE LEMERCIER


1. Ton travail se focalise singulièrement sur la géométrie, la projection de lumière et son influence sur notre perception. Récemment, tu racontes le monde à travers la Nature et l’Univers, tel est le cas de ta création Constellations, que nous aurons le plaisir de voir à Scopitone. Qu’est-ce qui t’anime dans ces thèmes ?

J’ai une obsession pour l’abstraction géométrique que je ne saurais pas vraiment expliquer. Je suis très inspiré par le travail de Sol Lewitt ou de Vasarely, par exemple. J’ai un intérêt particulier pour les motifs répétitifs, pour la géométrie et pour les sujets d’ordre et de chaos, qui font aussi échos à l’Univers. Je pense qu’il y a une obsession chez les humains et chez les artistes à trouver des motifs dans la Nature et faire sens, trouver du sens ; dans la construction des structures, par exemple. On retrouve cela dans l’architecture, en tentant de faire des parallèles avec la nature pour habiter l’espace. Pour le projet Constellations, je combine cet intérêt pour la géométrie avec un intérêt pour le cosmos. Je recherche un imaginaire, comme beaucoup d’artistes et peut-être de chercheur·euses avant moi qui ont essayé de se projeter au-delà de la voûte céleste, simplement parce que nous ne nous y rendrons sûrement jamais. Cet imaginaire dans lequel nous nous projetons nous permet d’aller au-delà de cette limite. Nous savons que la voûte céleste est une sorte de projection en 2D, car les étoiles sont tellement éloignées qu’il nous est impossible de les voir en 3D. Je travaille dans Constellations sur le rapport des étoiles entre elles en les connectant au moyen de formes géométriques abstraites, qui sont pour moi un moyen de m’échapper en créant une nouvelle cartographie des étoiles. L’univers est en expansion et j’essaie de le montrer en temps réel, ce qui est normalement impossible à percevoir.

 

A gauche : Sol Lewitt, Wall Drawing #462 (1986) / A droite : Victor Vasarely, Tigres (1938)

"Dans un projet artistique, qu’on utilise de vraies données ou que l’on se laisse un peu plus de marge de manœuvre, au final on essaie surtout d’explorer des imaginaires."

2. Tu parlais d’imaginaire, essaies-tu tout de même de te rapprocher au maximum de la justesse de la réalité, en fonction des réponses scientifiques que l’on a déjà ? Y-a-t-il un biais scientifique dans ton travail ?

Non, pas forcément. J’ai plutôt une approche naïve et expérimentale. Par contre, je travaille souvent avec des données scientifiques. Pour Constellations, j’ai utilisé les données de la mission Gaia de l’ESA (European Space Agency), qui sont les positions et coordonnées des étoiles en 3D. J’ai utilisé à un moment donné leurs vraies positions, mais je m’en suis assez vite détaché, justement pour aller vers une forme d’imaginaire qui aille au-delà ; ce que les scientifiques ne peuvent pas se permettent de faire, puisque très vite, ils tomberaient dans ce flou artistique qui ne serait pas utile pour eux. Ce sont des configurations qui ne se sont pas produites et qui ne se produiront sans doute pas. Dans d’autres travaux, il m’est arrivé d’utiliser des données fixes. Pour être honnête, dans un projet artistique, qu’on utilise de vraies données ou que l’on se laisse un peu plus de marge de manœuvre, on explore au final des imaginaires, qu’ils soient de l’ordre de l’émotion ou de l’imagination. Je trouve même intéressant de se détacher de l’aspect scientifique, c’est aux scientifiques qu’il appartient. Ce n’est pas le même propos. Pour d’autres sujets plus sérieux, ou du moins plus critiques comme la crise environnementale, j’aurais tendance à aller beaucoup plus dans le factuel. Je me suis libéré de cette contrainte pour le cosmos.

 

3. Peut-on dire que tu souhaites rester dans la contemplation et la pédagogie, en abordant ces questions de cette façon-là ?

Oui, la contemplation est un des points clé de cette œuvre-là, en étant beaucoup plus dans le ressenti, presque le sensoriel. Ces images sont projetées dans le vide au-dessus du public, mais on ressent aussi les mouvements de l’air. L’un des éléments les plus beaux, c’est lorsque le vent vient déplacer “l’écran”. On ressent physiquement l’air sur sa peau, on ressent aussi l’humidité, l’odeur et la fraîcheur de l’eau... Il y a donc un rapport sensoriel au cosmos, ou en tout cas à l’expérience que j’en propose, que personne n’aura dans la réalité car que dans l’espace sidéral il fait très froid, on ne peut pas faire cette expérience-là. J’ai pris la liberté de proposer ce voyage sensoriel.

"Le monde de l'art digital est très gourmand en énergie et en ressources."

4. Tu es engagé pour l’environnement. Qu’est-ce que cela représente, être artiste et activiste ?

C’est assez nouveau pour moi. Cela fait seulement quelques années que j’ai eu une sorte de sursaut sur l’état du monde, en découvrant une immense mine de charbon en Allemagne qui m’a sidérée. Ça n'a pas été évident au début, parce que je me suis retrouvé en face d’une contradiction difficile à gérer : le monde de l’art digital est très gourmand en énergie et en ressources. J’ai eu la volonté d’ajuster ma pratique personnelle, en limitant au  maximum mes voyages, en faisant des projets à distance. Il est certain que cela crée des complications, cela enlève une partie du plaisir, celui d’aller sur place et de rencontrer les gens. Depuis notre studio à Bruxelles, on essaie également de réduire chaque année toutes nos consommations énergétiques. C’est contraignant, mais pas si difficile qu’on l’imaginerait. Dans mon travail, je traite de plus en plus la crise écologique. Nous avons d’ailleurs une nouvelle série d'œuvres autour de cette mine de charbon et autour des actions possibles.

 

Dans cette interview de Joanie Lemercier réalisée par Electroni[K] pour le festival Maintenant (2020), l'artiste donne plus de détails sur les conditions qui l'ont amené à s'engager pour l'environnement. [0:03:03 à 0:05:14]

 

Selon moi, les politiques ne sont pas à la hauteur de la situation, en tout cas les politiques au pouvoir. Ils nous ont laissé tomber au profit des multinationales et des riches. Donc les solutions sont ailleurs. L’approche que j’ai choisie est de suivre et de soutenir des activistes qui font de la désobéissance civile, bloquent des infrastructures fossiles, perturbent le fonctionnement de certains lieux symboliques de pouvoir. A Londres par exemple, XR (Extinction Rebellion) a bloqué le quartier du Parlement pendant plusieurs jours. Cela permet d’avoir une couverture médiatique intéressante et une prise de parole des responsables de ces groupes sur les plateaux télé. Pour moi c’est une des approches les plus raisonnables, avec des actions non-violentes de disruption pour essayer de faire entendre notre message. C’est intéressant de voir la diversité des approches, je pense à Jean-Marc Jancovici qui a une approche cartésienne tournée plutôt vers l’économie et les changements à faire dans la société. Cyril Dion a beaucoup poussé les assemblées citoyennes, pour essayer de proposer des modes politiques de gouvernance dans le futur qui seraient moins sensibles à l’influence des lobbies, qui seraient plus dans la main des citoyens, qu’on formerait et qui prendraient des décisions. C’est intéressant de voir l’émergence de ces choses-là. Quand j'accompagne les activistes, il m’arrive de plus en plus d’intégrer tout ça à ma pratique artistique, avec des projections et des lasers pour amplifier leur message, ou en filmant ces actions avec des drônes. Il me semble nécessaire que les artistes rejoignent ces causes, utilisent la force de leur esthétique pour donner envie à d’autres gens de les rejoindre, leur faire sentir qu’il y a un nouvel espace qui se joue et de nouvelles façons de créer des espaces politiques qui soient plus pertinents.

"Je trouve cela dommage d’avoir une influence en tant qu’artiste et de ne pas s’en servir pour faire avancer des questions de société."

5. Ce faisant, dès lors que l’on est artiste, n’est-on pas engagé·e ?

J’ai été longtemps artiste sans être engagé. Je suis devenu activiste du jour au lendemain. Je me rends compte maintenant que je n’étais pas si engagé que ça avant, et que je n’avais pas réellement de discours. J’étais dans l’exploration esthétique, ce que je garde aujourd’hui, mais j’ai compris récemment que l’on pouvait avoir une pratique artistique autour de l’esthétique et de la technologie sans avoir beaucoup de propos. Pourtant, on dit tout le temps quelque chose. Si on ne dit pas, on montre tout de même quelque chose de la technologie, quelque chose de la société, de la même façon que l’on montre que l’on fait de l’art qui est détaché des questions politiques et sociales. En France par exemple, la politique m'apparaît médiocre depuis plusieurs décennies, il n’y a plus de grandes révolutions comme l’on a pu connaître du temps de l’arrivée des congés payés ou du droit de vote pour les femmes.Aujourd’hui, ça commence à changer. Des gens un peu plus radicaux arrivent à l’assemblée, ils ont de vrais messages progressistes, ce qui m’a donné envie de me repolitiser, et de montrer les urgences à mes amis artistes et les inviter à se poser la question de quel pourrait être leur message personnel. Je trouve cela dommage d’avoir une influence en tant qu’artiste et de ne pas s’en servir pour faire avancer des questions de société, ou des interrogations autour du monde de l’art par exemple. 

"Quand on est confronté·es à des questions de cet ordre-là, [...] l’idée de laisser une trace de sa carrière en tant qu’artiste est complètement éclipsée."

6. Cette ambition-là, est-elle fondée sur l’envie de faire avancer les mœurs et les mentalités aujourd’hui, ou est-elle plutôt dans l’optique de laisser une trace de ce qui a été, à un moment donné, nos problèmes de société ?

Je ne m’étais pas vraiment intéressé à ces questions de société lorsque j’étais plutôt dans l’exploration esthétique ; les modèles que l’on a, ce sont les grands artistes qui réussissent dans les foires d’art contemporain :  Anish Kapoor, Olafur Eliasson,... des gens qui ont trente employé·es ou parfois plus. Du coup, on court après une forme de reconnaissance, “comment pourrais-je être un grand artiste numérique ? Comment faire pour gravir les échelons ?” pour aller vers cette reconnaissance de manière très classique. Et puis arrive un moment, dans mon expérience, où on se rend compte que le monde est en train de s’écrouler, et qu'il y a un tel sentiment d’urgence, de catastrophe et de désespoir, que finalement, toute cette ambition passe complètement au second plan. Quand on est confronté·es à des questions de cet ordre-là, sur la crise environnementale ou sur les violences policières par exemple, l’idée de laisser une trace de sa carrière en tant qu’artiste est complètement éclipsée. Je me rends compte d’ailleurs que mes travaux ont beaucoup plus de profondeur lorsqu’ils répondent à des sujets critiques de société. J’espère évidemment qu’ils feront écho et qu’ils seront vus, mais la priorité n’est plus axée vers cette volonté carriériste. Alors que lorsque l'on n’a pas de message ou d’engagement, le seul objectif - je caricature un peu - c’est d’être dans le marché de l’art, dans les foires, dans les galeries, et cetera. Je me rends compte maintenant que ce n’est pas si important. Après, j’ai la chance d’avoir une galerie, c’est un privilège, mais c’est vraiment devenu secondaire.

A gauche : Olafur Eliasson, Room for one colour (1997) / A droite : Anish Kapoor, Slug (2009)

7. De même, le courant du Sublime chez les artistes romantiques du XIXème siècle t’inspire particulièrement. Est-ce une esthétique que tu tentes d’incarner dans tes créations ?

Cela m'a toujours énormément inspiré, notamment les grands paysages, surtout désertiques, de glace, de dunes de sable... Des paysages sans trace de vie, sans humain. Caspar David Friedrich a beaucoup peint des paysages comme cela, un peu désolés. Les romantiques étaient beaucoup dans une forme de mélancolie face à l’état du monde. Sans me comparer à lui, j’ai trouvé des liens entre ma propre représentation du paysage et celle de cette période-ci. J’ai lu récemment l’essai Le sublime (bio)technologique de Jos de Mul, qui est une version quasi mise à jour du concept de Sublime. L’auteur réfléchit à l’idée des paysages créés par l’homme. Par exemple, avec cette mine de charbon qui fait huit kilomètres par cinq et que j’ai beaucoup documentée, on est dans une forme de Sublime Technologique, avec toujours ce paysage immense, qui est tellement grand qu’on a peine à le comprendre et à se le représenter vraiment. Ce n'est pas un paysage naturel, il est créé par l’homme et les technologies, souvent par les énergies fossiles, car elles sont nécessaires pour creuser des trous aussi grands, pour presque terraformer [nldr : rendre habitable par l'homme] la surface de la Terre. Le Sublime Technologique, dans l’art numérique, appelle aussi à la peur face à cette démolition. Le Sublime et la contemplation sont des espaces que j’aime explorer dans mon travail et dans lesquels j'aime emmener le public pour penser la nature et les environnements dans lesquels nous vivons.

Caspar David Friedrich, La mer de glace (1824)

"J'ai cette envie de reconsidérer les projets dans l'espace public."

8. Tu souhaites t’affranchir de l’intermédiaire qu’est l’écran. Pourquoi ? 

Depuis le début de ma pratique autour de la lumière et de la projection dans l’espace, j’essaie de sortir du cadre de l’écran. Personnellement, j’en suis complètement saturé, entre l’ordinateur et le smartphone. On voit beaucoup le monde à travers ces écrans, on est souvent dans ces rectangles plats et on est seuls. J’ai cette envie de sortir de l’écran pour extraire notre attention du smartphone et reconsidérer les projets dans l’espace public. Comme on a été privé·es d’expériences en commun ces dernières années, on se rend compte combien cela est précieux. On se rend compte aussi que les espaces publics disparaissent dans les villes : il y a de plus en plus de privatisation et de marchandisation avec l’apparition des publicités partout. Selon moi, supprimer le rectangle de l’écran et avoir l’attention d’un groupe sur un spectacle qu’on vit ensemble, c’est encore plus sensoriel que le cinéma.

Joanie Lemercier, Constellations // Photographie © Kyle McDonald

Ça me désole un peu de voir chacun rivé sur son écran dans les transports en commun. C’est la représentation dystopique du film 1984 qui se réalise. Je me demande quelle sera l’étape d’après, lorsque l’on voit les casques de réalité virtuelle avec lesquels on ne peut même plus voir en dehors du casque, tourner la tête et voir les gens à quelques centimètres de soi... Moi qui suis fan de technologies et de gadgets, je me rends compte qu’il est temps de créer de nouveaux imaginaires, moins dystopiques. Dans beaucoup de nos pratiques, je pense qu’on peut se poser la question du raisonnable, dans l’art ou ailleurs. Et si ça ne l’est pas, alors, qu’est-ce qu’on peut proposer d’autre ?

"La technologie nous pousse à nous éloigner du raisonnable."

9. Tu MENTIONNES “l’art raisonnable”, ne penses-tu pas que c’est ce que nous verrons en histoire de l’art dans quelques années ? En parlant du courant “raisonnable”, et des artistes “raisonnables” ?

Quand on regarde les pratiques d’arts plastiques plus classiques on trouve quand même encore beaucoup de gens qui sont restés dans le raisonnable. Les artistes qui vont utiliser trois cailloux, une feuille d’or ou un poème, et puis toute la peinture classique à des format de toiles tout à fait raisonnables, c’est quelque chose qui est prégnant. Mais la technologie et les modèles de société qui nous sont proposés nous poussent à nous éloigner du raisonnable. J’hallucine quand je vois la vision d’Elon Musk que beaucoup de gens dans les domaines de la technologie vénèrent, et quand on voit ce qu’il nous propose : nous suggérer des implants pour pouvoir communiquer sans utiliser la parole, ou aller sur Mars pour créer des colonies… Il y a une forme de sortie de la raison. Si ça n'était que anecdotique, on pourrait en rire, mais le fait de voir qu’il y a tout un courant idéologique derrière, que beaucoup de puissants le suivent aveuglément, ça démontre tout de même que la technologie a une tendance à nous pousser hors de la raison. C’est important qu’il y ait des gens du milieu qui soient encore critiques pour faire réaliser que la raison est importante et nécessaire. Un mouvement “raisonnable” dans la technologie serait une bonne chose.

"Il faut arrêter de faire croire qu’on peut faire une résidence Art/Science d’une semaine et faire des découvertes incroyables. On découvre quelqu’un, on découvre un champ de recherche, mais c’est très difficile d’arriver à des résultats."

10. Penses-tu que l’art et la science ont du lien ?

Le point commun, c’est la volonté de comprendre le monde et de faire sens. Pour autant, ce sont deux approches vraiment différentes dans la mesure où le scientifique va se baser sur des données, des faits, de la recherche empirique et une méthode scientifique, alors que l’artiste va pouvoir s’affranchir plus facilement de ces questions-là tout en rentrant dans des espaces qui sont plus du tout ni cartésiens, ni logiques, mais qui sont intéressants. Je crois que les résultats ne doivent pas être comparables ou comparés. Dans l’un, on est dans la compréhension du monde d’une manière scientifique, avec une méthode ; dans l’autre on se retrouve plus dans la rêverie, dans l’imaginaire, dans le fait de poser des questions, challenger des faits, amener des idées qui n’ont pas de sens nécessairement. On est dans un rapport plus poétique. On trouve de la légèreté dans le travail de l’artiste, que le scientifique ne peut pas se permettre. J’aime bien quand des scientifiques qui sont aussi artistes se permettent cette forme de légèreté en dehors de leur pratique ultra stricte. Cela m’arrive aussi, de manière simple, d’aller faire des scan 3D, pour essayer de comprendre, par exemple, combien de CO2 va capturer une parcelle de terrain... Comme ces outils scientifiques sont plus accessibles aujourd’hui, c’est tentant pour un artiste d’utiliser ces outils de calcul ou d’analyse, pour alimenter un projet qui, fondamentalement, reste artistique et de l’ordre de l’imaginaire. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de prendre part à des projets mêlant arts et sciences, mais les collaborations sont généralement difficiles. C’était intéressant, mais ce sont deux mondes très différents dans les méthodes, les modalités, les temporalités. Je pense qu’il faut arrêter de faire croire qu’on peut faire une résidence Art/Science d’une semaine et faire des découvertes incroyables. On découvre quelqu’un, on découvre un champ de recherche, mais c’est difficile d’arriver à des résultats où, tout à coup, la combinaison des deux créerait quelque chose d’unique. Malheureusement, c’est très rare.


11. As-tu eu un récent coup de cœur artistique, de n’importe quel ordre ? Voudrais-tu nous en parler ?

Il y a d’abord Tomàs Saraceno, un artiste contemporain. J’aime beaucoup son projet Aerocene. Ce sont des ballons de montgolfière qui gonflent avec l’air chaud et le soleil, sans utiliser de combustion. Il  crée un imaginaire autour du voyage dans l’air avec aucune autre énergie que celle du soleil. Je trouve que la force conceptuelle de cet imaginaire est assez grande pour nous amener à penser un futur où les voyages ne s’effectueraient plus qu’avec l’énergie solaire. 

Aerocene, Tomàs Saraceno, depuis 2015

Il y a aussi une artiste franco-hongroise, Vera Molnar. A 98 ans aujourd’hui, elle est une pionnière de l’art numérique. Elle a fait beaucoup de dessins plotter [ndlr : dessin réalisé par une machine] dans les années 70/80. J’ai eu l’occasion de la rencontrer pour une collaboration il y a quelques années et nous travaillons ensemble sur un projet à venir  ; elle dessine encore chaque jour ! A mon sens, les artistes femmes ne sont pas assez représentées dans le monde de l’art, et Vera Molnar n’est pas aussi connue qu’elle devrait l’être et j’encourage vivement tout un chacun à aller découvrir son travail. Elle a fait beaucoup d’abstraction géométrique, et de dessins faits par des robots. Elle est très forte ! 

Vera Molnar

 

Pour retrouver le travail de Joanie Lemercier, rendez-vous sur son site.