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"À LA LIGNE" quand le rythme des mots devient mélodie (Interview de Michel Cloup)

Musique Publié le 22/09/2020

Adapter un livre sur scène est un sacré challenge, hautement relevé par Michel Cloup Duo et Pascal Bouaziz avec leur reprise du roman multiprimé de Joseph Ponthus : À la ligne.
Michel Cloup revient sur la lecture de cet ouvrage, témoignage d'un ouvrier à la chaîne, dans lequel les phrases qui se suivent sans ponctuation, marquent le rythme des machines, des gestes, jusqu'à devenir mélodie. 

 

Comment est né le projet d’adaptation scénique du livre "À la ligne" de Joseph Ponthus ? 

La Station Service (tourneur et producteur à Rennes) m’a proposé une carte blanche pour adapter un livre sur scène. Je n’avais jamais fait ça, j’ai foncé. 

Quels sujets abordent “À la ligne“ et comment avez-vous choisi de les traiter sur scène ? 

« C’est l’histoire d’un ouvrier intérimaire qui embauche dans les conserveries de poissons et les abattoirs bretons. Jour après jour, il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail à la ligne, le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans la répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps. »

Parmi les choses qui sauvent le héros, il y a la musique. Cette même musique se retrouve dans le roman, écrit sans aucune ponctuation. Quand je l’ai lu, hormis le récit, qui m’a beaucoup touché, il y avait aussi cette musicalité dans le rythme et les mots. J’ai tout de suite entendu des chansons. Nous nous sommes parlés, Joseph et moi, il a tout de suite été séduit par l’idée d’une adaptation musicale et m’a donné carte blanche sur le texte. Il y a dans ce livre de la violence, de la douceur, beaucoup d’humanité. Nous avons décidé d’explorer toutes ces pistes. Il y avait aussi une vraie parole ouvrière qu’il fallait porter avec une exigence particulière, ne pas tricher, la respecter, ne pas en faire trop ni trop peu, essayer d’être justes nous aussi. 
 

Quelles ont été vos réactions à la lecture de l’ouvrage de Joseph Ponthus ? 

J’ai beaucoup aimé ce livre car il est riche, vrai, juste et honnête. On traverse beaucoup d’émotions en le lisant. J’ai beaucoup aimé l’écriture, faussement simple, c’est la littérature comme je l’apprécie : à l’os, sans fioritures stylistiques, ce qui ne l’empêche pas d’être vivante et contrastée.
 

  
 


Quelles ont été les différentes étapes de création et de collaborations ?

Mon idée de départ était de découper des phrases dans le livre pour écrire des chansons. J’avais l’aval de l’auteur. Je ne souhaitais pas une lecture musicale classique, n’étant pas forcément client de ce genre d’exercice. Quand j’ai lu le livre, des phrases sonnaient comme une mélodie dans ma tête. Et l'idée que la musique et la mélodie gagnent sur le bruit et le rythme de la machine résonnait en moi. C’est un peu comme la chanson de Lou Reed où le rock’n’roll lui sauve la vie. 

J’avais carte blanche pour choisir d’éventuels collaborateurs. Je me suis tout d’abord tourné vers mon ami et collaborateur le plus proche, Julien Rufié, qui en plus de la batterie et des rythmes électroniques, a aussi joué du clavier. J’avais envie d’une seconde voix pour porter ce texte avec moi. J’ai contacté Miossec avec qui nous avons commencé le travail d’adaptation du texte et la mise en musique, mais il a décidé de quitter le projet pour des raisons personnelles. Il y avait encore beaucoup de travail pour arriver à une version finale qui tienne la route. J’ai appelé mon vieil ami Pascal Bouaziz (Mendelson-Bruit Noir). Son arrivée dans le projet a été décisive pour le finaliser. Nous nous connaissons depuis plus de 20 ans, c’est mon frère cosmique, nous avons travaillé plusieurs fois ensemble et c’est toujours très simple et très productif.


Est-ce un exercice que vous avez apprécié ? Avez-vous déjà l’envie de réitérer l’expérience à partir d’une autre oeuvre littéraire ?

J’ai beaucoup aimé ce travail car il ne s’agissait pas d’une simple mise en musique mais d’une lecture personnelle de ce livre. Pourquoi pas tenter une autre expérience mais il faudra trouver le bon livre et une démarche excitante pour l’adapter. C’est extrêmement agréable de travailler le texte de quelqu’un d’autre qu’on apprécie mais c’est un peu dangereux, j’ai parfois l’impression que nous avons écrit ces textes, Pascal et moi !