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ALLER SIMPLE POUR L'UNIVERS DE DEDOUZE (INTERVIEW)

Arts numériques Publié le 14/04/2022

Nous aurons le plaisir d'accueillir dans le Hall l’exposition gratuite de l’artiste Dedouze, du 19 avril au 16 juin. Travaillant le Motion Design à l’aide du logiciel Blender, il imagine un monde mystérieux haut en couleurs et en relief. L’artiste dessine des histoires aux inspirations parfumées d’autrefois, des personnages ondulant dans un univers aux couleurs insolubles, dans une atmosphère tantôt tendre, tantôt mystérieuse.

DÉDOUZE


1. On pourrait facilement penser que le dessin a toujours été pour vous une évidence professionnelle. Pourtant, ça n’est pas vraiment le cas... Pourriez-vous nous raconter le parcours de Dédouze ?

Le dessin était au départ un passe-temps. J’étais développeur web avant d'être illustrateur, mais je m’intéressais déjà beaucoup au graphisme et aux différentes techniques d’illustration digitale et traditionnelle, alors je me suis formé moi-même dessus. J’ai utilisé les réseaux sociaux au départ pour montrer mes réalisations à mes proches et à quelques curieux·ses, et de plus en plus de personnes sont tombées dessus, y compris des professionnel·les du cinéma et de l’art. C’est ainsi que j’ai fini par être contacté pour réaliser des illustrations et animations pour des séries, pour des clips, et pour des marques. J’aimais beaucoup mon travail de développeur web mais le dessin a commencé à prendre beaucoup de place, et j’ai pensé que j’avais quelque chose à apporter dans ce domaine. Je m’y suis finalement mis à plein temps pour essayer d’aller plus loin, et apporter quelque chose de nouveau, et peut-être inspirer d’autres artistes un jour !

2. Vous tenez à ce que vos mondes et vos personnages ne dévoilent pas tous leurs secrets, pour laisser aller les gens à leur propre imagination. Y’a-t-il un peu de vous, dans ces secrets ?

La plupart de mes illustrations sont inspirées de mes rêves, et les histoires courtes que je raconte sont une version un peu romancée d’anecdotes personnelles, mais je fais beaucoup d’efforts pour mettre en scène ces histoires dans un monde qui n’existe pas. C'est-à-dire dans quelque chose qui me dépasse en quelque sorte, et qui sort un de ma petite vie ordinaire. Je donne à mes personnages un côté un peu mystérieux, dans leur attitude, leur regard, etc. Ils sont souvent en train de se rendre quelque part, ou ils sont occupés dans une conversation, une méditation… Et comme je médite en même temps sur des mondes imaginaires et sur ma propre vie quand je réalise mes œuvres, je crois que mes pensées se retrouvent transposées discrètement sur les personnages que je dessine.

Il y a une esthétique particulière dans les décors urbains et les véhicules dans tous les vieux dessins animés japonais, et au final, avec la bande dessinée franco-belge, on aboutit à ce mix rétro-futuriste que j’essaye de retrouver aujourd’hui.

3. Grâce au logiciel Blender et une technique originale mixant 2D et 3D, vous aimez mélanger vos inspirations, les époques et les univers graphiques, de la bande dessinée franco-belge aux animés japonais des années 90. D'où vous viennent ces influences et comment avez-vous réussi à en faire émerger votre style graphique si singulier ?

Le souvenir le plus lointain que j’ai des films d’animation japonais doit être une scène de Porco Rosso qui m’avait marqué quand j'étais petit, la scène de l’hydravion qui démarre et qui parcourt le fleuve à toute vitesse. A l'époque, je ne pensais pas du tout que je me lancerais dans l’illustration un jour, mais je crois que cette scène est restée dans ma mémoire et a beaucoup participé à ma sensibilité au dessin et à l’animation. Plus tard, comme beaucoup d’ados, j’ai passé des heures à redessiner les personnages des bandes dessinées achetées par mes parents, ou les personnages de séries qui passaient à la télé, et donc le hasard a fait qu’il y a eu beaucoup de Tintin, Gaston Lagaffe et Dragon Ball et autres. Il y a une esthétique particulière dans les décors urbains et les véhicules dans tous les vieux dessins animés japonais, et au final, avec la bande dessinée franco-belge, on aboutit à ce mix rétro-futuriste que j’essaye de retrouver aujourd’hui.

C’est beaucoup plus tard que j’ai découvert par mes recherches ce qui a nourri mes influences, c'est-à-dire les grands noms comme Mucha ou Moebius qui a lui-même inspiré Miyazaki. C’est en découvrant le travail de Moebius que j’ai eu confirmation que le thème du rétro-futurisme colle parfaitement au style de dessin que j’essaye de produire depuis tout ce temps. J’ai utilisé toutes sortes de logiciels pour essayer d’obtenir ce genre de rendu, mais sans reproduire ce qui existait déjà. Mes premières réalisations étaient trop proches des dessins de Moebius mais en beaucoup moins bien. C’est finalement grâce au logiciel Blender que j’ai réussi à créer quelque chose de nouveau visuellement, mais familier en même temps, à cause du rendu à la fois 3D et fait main qui est possible avec cet outil.

4. Vous incorporez à vos œuvres tantôt musique, fiction, BD, tantôt animation. Est-ce un moyen de repousser les limites de création et d’imagination ? Est-ce dans le but d’être totalement immergé.es dans vos histoires ?

Je dessine souvent en écoutant les bandes originales de films pour mieux me plonger dans l’imaginaire. Et effectivement je compose beaucoup de musique, mais je n’en montre que des petits bouts pour le moment, car mes compositions maison font vraiment pâle figure à côté des B.O que j’écoute. Mon but est d’ajouter ma musique sur mes prochaines petites animations et pourquoi pas sur un futur court métrage. Mais vu que j’ai dessiné en écoutant pas mal d’Ennio Morricone et autres classiques du cinéma, je crois que j’ai encore beaucoup de chemin pour atteindre le niveau que j’ai en tête !

 

5. Aimeriez-vous vivre dans le monde que vous dessinez ? Que représente-t-il pour vous ? Qu’en est-il de vos personnages ?

Je rêve complètement d'être dans les mondes que je dessine ! Parfois j’ai envie de raconter juste des tranches de vies imaginaires autour de mes personnages pour me mettre en scène avec eux. Je pense que, comme beaucoup d’artistes, je crée les choses qui me manquent dans le monde réel. C’est un monde plutôt optimiste, où je peux transposer les tracas et les angoisses de la réalité, mais en leur donnant une tournure plus poétique, et en y ajoutant une touche de fantaisie et d’aventure.

J'essaye de reproduire l’enthousiasme qu’on avait pour le futur quand on venait à peine d’inventer les premiers appareils électroniques.

6. On appelle votre esthétique rétro-futuriste. Êtes-vous plutôt un authentique nostalgique ou bien un enthousiaste avant-gardiste ?

C’est exactement les deux en même temps ! Je crois que la plupart des mondes que j’imagine sont des versions de notre propre futur, mais tel qu’on l’a imaginé il y a 20 ans ou 100 ans même. On peut dire que j’essaye de reproduire l’enthousiasme qu’on avait pour le futur quand on venait à peine d’inventer les premiers appareils électroniques, ou quand on était enfants, pour utiliser une échelle plus individuelle.

7. A partir d'AUJOURD'HUI et jusqu'au 16 JUIN, dans le cadre du festival Motion Motion, nous aurons l’honneur d’accueillir votre exposition dans le hall de Stereolux. Qu’allons-nous pouvoir y trouver ?

Vous pourrez y trouver certaines de mes illustrations de ces dernières années, toujours dans ma palette de couleurs vives et pop. J’ai conçu l’exposition pour qu’elle reflète l’univers que j’essaie de développer depuis un certain temps. C’est un mélange de créations personnelles et de travail de commandes. Cette exposition a été pensée et créée pour une immersion dans mon univers, pour vous faire voyager dans mon imaginaire. Il y aura aussi des behind the scenes en vidéo où je montre comment les scènes sont assemblées. On y voit quelles sont les parties dessinées à la main, et quelles sont les parties réalisées en 3D sur ordinateur.

 

Vernissage le 26 avril !