Labo Arts & Techs
CLÔT I Appel à résidence croisée : Stereolux & Recto VRso - 2ème édition
Stereolux et Recto VRso, le festival artistique de Laval Virtual, s’associent à nouveau pour proposer un programme de résidences croisées autour des technologies immersives et des arts numériques.
Visuel © Studio Triple
Appel clôturé
CONTEXTE
Ce programme vise :
- à développer les réflexions autour de l’utilisation de ces technologies de réalité virtuelle et mixte comme médium artistique;
- à faire émerger de nouvelles propositions artistiques originales permettant d’explorer leur potentiel créatif;
- à accompagner la montée en compétence des artistes sur ce type de technologies.
Il fera bénéficier à un·e ou plusieurs artistes des temps de résidence et d’échange avec des expert·es leur permettant d’imaginer un projet de création artistique faisant appel à des technologies immersives et interactives.
Ce programme est centré sur la phase d’écriture, de recherche artistique et d’expérimentation, et cible donc des projets constituant une étape de travail et pas nécessairement la phase finale de création. Son objectif est de permettre aux artistes accompagné·es de profiter de moyens (espaces, matériel) et d'expertises pour découvrir des technologies immersives et interactives, tester leurs possibilités et leurs potentielles applications artistiques, et commencer à imaginer le développement de premiers prototypes et pistes créatives. Il ne vise pas à la finalisation ou à la production de projets diffusables, mais bien à nourrir une réflexion artistique en amont de la phase de création et de production.
Il s’appuiera d’une part sur la mise à disposition d’espace et de matériel par Stereolux et Laval Virtual, et d’autre part sur des temps de rencontre et d’échange avec des expert·es du Laval Virtual Center autour notamment de la réalité virtuelle et mixte. L’objectif est ainsi que les artistes accompagné·es puissent découvrir des technologies immersives et confronter leurs premières pistes créatives, tout en disposant d’espaces et de matériel pour les tester, imaginer de nouveaux projets et commencer à les prototyper.
THÉMATIQUE 2022 : Temps Virtuel
Cet appel à résidence de recherche-création propose d’explorer la notion de « temps virtuel ».
Le temps réel peut avoir plusieurs significations selon le contexte. Nous l’évoquons notamment en informatique pour distinguer une expérience dont la temporalité est calquée au plus possible sur notre perception du temps, par exemple avec une interaction qui nous paraît fluide et naturelle. Mais que serait le temps virtuel ?
Le virtuel a ses propres codes dans l’espace et le déroulé de l’expérience : quels seraient alors les codes du temps virtuel, et ses représentations ? Comment s’inscrivent-ils dans des expériences artistiques, immersives et interactives ?
Ce deuxième programme de résidence croisée, préfigure par cette thématique l’édition du Recto VRso 2023 : Temps réel / temps virtuel.
CONDITIONS & ÉLIGIBILITÉ
Ce programme prend la forme d’un appel à candidatures, à l'issue duquel sera sélectionné·e un·e artiste ou collectif. Il est ouvert à tous les artistes, français·es ou étranger·es, intéressés par le domaine du numérique œuvrant dans le domaine du numérique ou non, résidant en France.
La candidature peut être portée individuellement ou collectivement*.
*Dans le cas d’une candidature collective, voir modalités particulières ci-dessous.
MODALITÉS
Le collectif ou l’artiste lauréat·e bénéficieront d’un accueil en résidence de trois semaines (deux semaines à Stereolux, une semaine au Laval Virtual Center) et d’un apport financier destiné à couvrir les frais liés aux résidence (transport, hébergement, etc), de l’achat de matériel et une rémunération.
Les dates des résidences sont fixes et ne pourront pas être adaptées aux contraintes des candidat·es.
RÉSIDENCES :
- Semaine 1 : Stereolux (du 16 au 20 mai 2022)
Cette première résidence aura pour but d’entamer l’écriture du projet et de préparer la résidence au Laval Virtual Center. - Semaine 2 : Laval Virtual Center (du 13 au 17 juin 2022)
Cette seconde résidence permettra un accès à des technologies de pointe et des temps d’échanges avec des expert·es en technologies immersives. - Semaine 3 : Stereolux (du 20 au 24 juin 2022)
Cette troisième et dernière résidence permettra au/à la lauréat·e de formaliser et de protoyper son projet.
La liste du matériel disponible à Stereolux et au Laval Virtual Center est téléchargeable en bas de page.
APPORT FINANCIER
Une enveloppe d’un montant total maximum de 7500€ HT est allouée à cet appel à résidence. Ce budget est réparti de la manière suivante :
- 2000€ HT versés à l’artiste ou le collectif lauréat à titre de rémunération
- 1000€ HT maximum destinés à l’achat ou à la location de matériel spécifique non disponible à Stereolux ou au Laval Virtual Center ou à la rémunération par l’artiste lauréat·e de prestataires pour l’assister sur certains points spécifiques du projet (informatique, électronique, etc). L’artiste sera autonome dans l’achat de matériel ou la rémunération de prestation, et sera remboursé·e par Stereolux sur présentation de factures dans la limite de l’enveloppe allouée.
- 3500€ HT alloués aux frais de production, gérés directement par Stereolux. Ce budget de production permettra de prendre en charge les frais liés aux déplacements, à l’hébergement et aux repas de l’artiste ou du collectif lauréat(e) dans le cadre des temps de résidence et de restitution.
- 600€ HT de frais liés à la communication autour du projet (captation des résidences, photos, etc). Les éléments de communication produits seront utilisés par Stereolux et Laval Virtual pour valoriser le programme et pourront être utilisés directement par l’artiste ou le collectif pour valoriser leur projet.
Cas d’une candidature collective :
Dans le cas d’une candidature collective, il est possible que le montant alloué aux frais de production ne soit pas suffisant pour couvrir l’intégralité des frais de transport et d’hébergement. Le dépassement de ce montant sera à la charge du collectif.
ÉCHANGES AVEC DES EXPERT·ES
Lors de la résidence au Laval Virtual Center, l’artiste ou le collectif profitera de :
- un programme de temps d’échange avec des experts afin de découvrir les nouvelles technologies et des domaines d’application. Une visite du laboratoire de l’Institut Arts et Métiers de Laval - Équipe de recherche Présence & innovation du laboratoire LAMPA, est prévue, ainsi qu’une présentation d’une heure du projet de l’artiste à l’équipe de recherche (centré sur le dispositif technologique et son utilisation).
- trois temps d’échange avec la commissaire d’exposition du festival Recto VRso Judith Guez, afin d’accompagner l’écriture du projet.
Présentation et restitution
L’annonce du ou des lauréat·es aura lieu le 12 avril 2022, lors du vernissage du Recto VRso à Laval. Selon les disponibilités des artistes, cette annonce fera l’objet d’une présentation publique de l’intention artistique du ou des lauréat·es, en leur présence.
Une restitution du travail effectué sera demandée. Plusieurs formats pourront être envisagés en concertation avec l’artiste lauréat·e (prototype, vidéos, interview, documents du processus de création, textes, affiches, photos, etc). Ces éléments pourront être présentés lors de l’édition du Recto VRso 2023 (période mars/avril)
Les frais liés à la venue à Laval de l’artiste lauréat·e seront pris en charge dans le cadre de l’enveloppe allouée aux frais de production.
OBLIGATIONS LAURÉAT·E
L’artiste ou le collectif lauréat·e s’engage à :
- être disponible sur les temps de résidence présentés ci-dessus
- se rendre disponible pour des temps de préparation en amont, dont les modalités seront définies ultérieurement
- participer à des temps de présentation aux étudiant·es et chercheur·euses du Laval Virtual Center lors de la deuxième semaine de résidence
- Préparer et fournir les éléments pour l’annonce des lauréats lors du Recto VRso en avril 2022, et si possible être présent pour présenter le projet
- avoir réalisé une restitution du travail effectué (plusieurs formats possibles : prototype, vidéos, interview, documents du processus de création, textes, affiches, photos, etc)
- céder à Stereolux et Recto VRso les droits de reproduction et de représentation de son projet dans un but de communication et de valorisation du programme
- mentionner Stereolux et Recto VRso - Laval Virtual sur les éléments de communication qu’il pourrait réaliser pour communiquer sur son projet
MODALITÉS DE CANDIDATURE
Les candidat·es devront remplir un formulaire en ligne disponible en suivant ce lien
Les candidat·es devront également rédiger un dossier de candidature en français ou en anglais (8 pages maximum incluant visuels, liens vidéos et tout support visuel venant appuyer le dossier de candidature).
Ce dossier de candidature devra comporter :
- Un curriculum vitæ détaillé et une présentation de la démarche artistique générale (site web, book, dossier) de l’artiste ou du collectif
- Une note d’intention artistique illustrée (3 pages maximum + visuels) dans laquelle le/la candidat·e exprime ses motivations en indiquant les orientations et l’esprit du projet qu’il souhaite développer dans le cadre des résidences. Cette intention pourra bien sûr évoluer au fil des temps de résidence puisque sont visés des projets en cours d’écriture. Cette note devra détailler les étapes de travail envisagées pendant les temps de résidence.
- Un budget détaillant l’utilisation envisagée de l’enveloppe allouée à l’achat ou la location de matériel (si nécessaire).
- Une fiche technique (descriptif, liste matériel technique demandé) destiné à préciser le type de technologie que le/la candidat(e) souhaite explorer. Il pourra s’agir là encore d’une intention qui pourra évoluer au fil des échanges.
Les éventuels éléments multimédias (sons, vidéos, etc.) sont à intégrer directement dans le dossier de candidature via des liens web, le choix des plateformes d’hébergement des contenus multimédias étant laissé aux candidat·es, sous leur responsabilité.
Le dossier est à envoyer sous la forme d’un fichier PDF à l’adresse suivante : appelaprojets@stereolux.org
La candidature devient effective à réception du formulaire de candidature en ligne complété du dossier de candidature.
La date limite de candidature est fixée au 13 mars 2022.
CRITÈRES DE SÉLECTION
La sélection des projets lauréats sera effectuée par un jury composé de représentant·e·s de Stereolux et de Recto VRso. Seront pris en compte les critères suivants :
- Qualité et caractère original de l’intention artistique
- Faisabilité technique et économique du projet proposé au regard du matériel disponible et des critères budgétaires définis ci-dessus
- Respect du calendrier : disponibilité du/de la candidat·e au dates de résidence et de restitution mentionnées ci-dessus
- Capacité à tirer parti des technologies mises à disposition
Cet appel à projets s’adresse à des artistes issu·es de toutes disciplines, qu’ils/elles soient confirmé·es ou non, et qu’ils aient déjà une expérience dans le champ de la création numérique ou non. Une attention particulière sera portée à la diversité des profils au sein des candidatures, et en particulier à la présence d’artistes femmes.
Pour rappel, cet appel à résidence ne vise pas à financer la réalisation d’un projet, mais bien à soutenir une phase de recherche et d’écriture d’un projet original portant sur les technologies immersives, sans obligation d’aboutir à une forme diffusable à l’issue des temps de résidence.
Les décisions du jury ne peuvent faire l’objet d’aucune contestation et n’ont pas à être motivées.
CALENDRIER
Date limite de candidature : 13 mars 2022
Sélection et information du ou des lauréat·es : au plus tard le 25 mars 2022
Annonce publique du ou des lauréat·es : 12 avril 2022
Résidence n°1 (Stereolux) : du 16 au 20 mai 2022
Résidence n°2 (Laval Virtual) :du 13 au 17 juin 2022
Résidence n°3 (Stereolux) : du 20 au 24 juin 2022
SUITE
À l'issue de ce programme, l’artiste ou le collectif lauréat·e sera libre de poursuivre ou non son projet.
Si le projet est poursuivi, il pourra faire l’objet d’un accompagnement supplémentaire de la part de Stereolux ou de Recto VRso. Cet accompagnement sera décidé par ces structures le cas échéant et n’est pas automatique.
UTILISATION DES DONNÉES PERSONNELLES
Les informations recueillies dans le formulaire de candidature sont enregistrées dans un fichier informatisé par Stereolux pour la gestion des candidatures à l’appel à résidence et la communication des résultats.
La participation à cet appel à résidence nécessite de consentir à la collecte et au traitement de données personnelles (nom, prénom, adresse postale, adresse mail, numéro de téléphone). Chaque candidat·e sera donc invité·e à donner son consentement exprès au traitement de ses données personnelles collectées dans le cadre de sa candidature, et ce, par le biais d’une case à cocher au sein du formulaire de candidature, avec toutes les informations pertinentes pour faire valoir ses droits d’accès, de rectification et de suppression de ses données personnelles
Stereolux ne collecte et ne traite les données personnelles déclarées par le/la candidat·e qu’à des fins strictement nécessaires à la gestion des candidatures à l’appel à résidence et la communication des résultats.
Les données collectées seront communiquées aux seuls destinataires suivants : Stereolux et Recto VRso.
Les données sont conservées pendant 1 an.
Vous pouvez accéder aux données vous concernant, les rectifier, demander leur effacement ou exercer votre droit à la limitation du traitement de vos données. Vous pouvez également exercer votre droit à la portabilité de vos données.
Pour exercer ces droits ou pour toute question sur le traitement de vos données dans ce dispositif, vous pouvez contacter Stereolux par mail à l’adresse suivante appelaprojets@stereolux.org ou par voie postale à l’adresse suivante : Stereolux – 4, boulevard Léon Bureau – 44200 Nantes
Consultez le site cnil.fr pour plus d’informations sur vos droits.
Si vous estimez, après nous avoir contactés, que vos droits « Informatique et Libertés » ne sont pas respectés, vous pouvez adresser une réclamation à la CNIL.
Cet appel à résidence est organisé par Stereolux et Recto VRso, le festival artistique de Laval Virtual, avec le soutien de l’Institut Arts et Métiers de Laval - Équipe de recherche Présence & innovation du laboratoire LAMPA
Documents utiles
CONTACT
Toute question devra être envoyée à l’adresse suivante : appelaprojets@stereolux.org
J’AI TESTÉ : LE WORKSHOP "FAITES VOTRE PROPRE « DIRTY VIDEO MIXER »"
Le collectif marocain 560Zoom proposait aux participant·es de réaliser leur propre mixeur de vidéos à partir de matériel de récupération, puis de l’utiliser pour expérimenter autour du Glitch Art. Organisé dans le cadre du Lab Digital Maroc en lien avec la résidence du projet Material Matters du collectif.
Article écrit par un membre de The Crew
BIENVENUE À BORD
C’est dans une ambiance collégiale qu’une seule des moitiés de 560Zoom accueille l’équipe bricoleuse de l’atelier allant se dérouler. Snoopy ayant eu un empêchement, c’est Younes qui animera l’exercice avec une bienveillance et bonne humeur bienvenues : si sur les dix personnes présentes on trouve beaucoup de personnalités main-à-la-pâte (artiste plastique, régie son-vidéo, graphiste, réalisation…), la majorité est là par pure curiosité plus que par intention pratique.
Sans enjeu réel de production, l’atelier a donc avant tout pris une forme ludique de découverte.
Après une présentation succincte de chacun·e, Younes choisit de nous montrer un travail de projection illustrant son activité aux sensibilités glitch (erreurs audiovisuelles en vieux français). Il s’agit d’un tableau animé où la manipulation vidéo est le fruit de signaux moléculaires captés auprès d’algues afin d’alerter sur leur disparition du fait, on l’aura deviné, du réchauffement de la planète. Travail en partenariat avec le collectif Amal et le British Council, rien que ça.
DIRTY VIDEO QUOI ?!
Ce qui nous est proposé est un poil moins audacieux mais on ne peut pas refaire le monde en quatre heures. À priori. Tout commence par clarifier ce que l’on va faire. C’est quoi un “video mixer” d’abord ? Simplement, un dispositif permettant de mixer/d’alterner entre deux sources vidéos différentes. En l’occurrence, des sources analogiques – caméscope, magnétoscope, lecteur dvd, console de jeu, etc. – apportant un côté old school dans la manipulation de l’objet final, et l’aspect ‘dirty’ de l’esthétique vidéo visible.
S’en suit la conception dudit mixer. Et là, c’est retour sur les bancs de l’école : il nous faut dessiner un schéma électrique sommaire aux saveurs de cours de techno. Younes insiste que si ça nous semble ésotérique au départ, à la fin du workshop ce sera devenu bête comme le monde. (C’est vrai !)
Dans le fond on ne manipule que deux entrées (pour les sources vidéo), une sortie (le mixe), deux élément pour mixer (un bouton qui est soit appuyé, soit relâché + un potentiomètre pour une variation fine), et deux switches permettant de superposer différemment les sources avant leur sortie.
Une fois mis sur papier, le circuit doit être assemblé. Heureusement de petites mains nous ont préparé un espace bricole tout beau, tout propre. On branche le fer à souder, on sort la pince à dénuder et c’est parti. On relie les éléments entre eux avant de les fixer par soudure. Et paf ! Ça fait des choca– un video mixer. C’est aussi simple que ça.
CERISE SUR LE GÂTEAU
L’étape finale ? Habiller ou dissimuler au choix notre gloubiboulga sous une forme transportable et facilement manipulable pour impressionner nos ami·es en soirée (ou en journée d’ailleurs). Le calme de l’assemblage électronique se mue en session perceuse dont émergeront des objets particulièrement léchés allant d’une boîte de confiserie La Vosgienne, en passant par un plus sobre boitier d’encastrement, un coffret sur-mesure en médium, ou un magnifique appareil argentique “box”.
N’ayant pas compris la consigne de ramener un petit objet, dépourvu je fus avec un carton largement disproportionné. L’erreur est humaine, ou quelque chose dans le genre.
En revanche, le savoir que nous a transmis Younes nous aura permis selon nos souhaits, non-seulement de reproduire l’exercice à la maison mais de l’augmenter et de jouer avec en modifiant certains composants. De quoi se motiver à trouver un usage à nos vieux lecteurs cassettes et VHS pleines de poussières, ou d’aller dévaliser la ressourcerie la plus proche de ses trésors analogiques oubliés.
Retrouvez les autres workshops organisés par le Labo :
L’infini et au-delà - Le grand voyage de l’art numérique
Comme l’infiniment petit, l’infiniment grand et l’espace sont une source d’inspiration pour bon nombre d’artistes du numérique. Si les instruments, techniques et matières mises en œuvre changent, les intentions et questionnements sont en revanche identiques. Nous y retrouvons le vertige des interrogations humaines face aux mystères de l’univers... Concevoir des propositions artistiques en jouant sur ces notions et réalités incommensurables implique de recourir à un soutien technique et scientifique, en particulier lors de résidences dans des labos et structures de recherche. Petit aperçu de quelques artistes qui voient les choses en grand...
Félicie d’Estienne d’Orves, Cosmographies - Photo DR
DU MICROSCOPE AU TÉLÉSCOPE
Certains artistes s'arrogent les instruments des astronomes pour élargir leur champ de vision. À l'exemple de Ryoichi Kurokawa qui nous plonge dans les tréfonds du cosmos avec son installation immersive Unfold. Triptyque vidéo réalisé en collaboration avec l'astrophysicien Vincent Minier, c'est un kaléidoscope d'images en mouvement prises par les télescopes spatiaux. Il nous montre une vision évolutive de l'univers, de la naissance des étoiles, de la formation de systèmes planétaires et de galaxies, grâce à une base de données scientifique. Ryoichi Kurokawa est un navigateur interplanétaire dont le carnet de voyage s'incarne avec cette représentation 3D. Le son, électronique et expérimental, participe à cette évocation. Et un transducteur fait vibrer le sol pour offrir des sensations physiques aux spectateurs.
Au propre comme au figuré, par un effet de miroir, les télescopes laissent parfois entrevoir des similitudes avec le monde de l'infiniment petit. C'est le ressort d'Inner Cosmos, mené actuellement par Filipe Vilas-Boas en lien avec un astronome et un neurologue. Basé sur l'exploration du cerveau grâce à la réalité virtuelle, ce projet montre que les réseaux de neurones et la toile cosmique présentent la même structure, la même dispersion, les mêmes types d'interconnexion. Il y a une analogie de forme, mais qui n'a rien à voir avec les fractales. Reste que notre “cosmos intérieur” rejoint le cosmos entourant notre planète. Nous abritons l'infiniment grand dans l'infiniment petit.
MATHÉMATIQUES SOUTERRAINES
Ce monde des formes combine des ordres de grandeur et des chiffres. Comme pour le monde de l'infiniment petit, l'arithmétique parvient à nous donner une idée de ces espaces et objets qui s'inscrivent dans l'infiniment grand, au-delà de notre perception et de l'imagination ordinaire. Car c'est bien l'extra-ordinaire qui permet de révéler artistiquement le chapelet mathématique qui traduit l'idée de l'infini, symbole du temps et de l'espace. Le peintre franco-polonais Roman Opałka en a fait le projet d'une vie. En 1965, il commence à peindre l'infini mathématique à compter du chiffre "1". S'enchaînent à la suite "2", "3", "4”, …
Chaque tableau aux dimensions fixées (196 x 135 cm) se compose d'une suite de nombres entiers sur fond noir. Le projet en lui-même est infini (OPALKA 1965/1 - ∞). Mais reste bien évidemment inachevé : il se clôt avec la mort de l'artiste en 2011. Chaque toile est un fragment, un "détail" borné et nommé par les premiers et derniers chiffres saisis. Le premier tableau porte le numéro de série Détail 1-35327. En peignant, Roman Opałka lit et enregistre chaque nombre. Arrivé à "1 000 000", Opałka va progressivement diluer de blanc sa toile de fond, jusqu'à peindre "blanc sur blanc". L'aventure se conclut sur le chiffre 5 607 249…
LIGNES DE FUITE
L'infini associé à cette rigueur mathématique transposée dans le domaine des arts numériques nous renvoient à la "microscopic music" et aux installations vidéo de Ryoji Ikeda ; data.tron et sa suite infinie de chiffres, blanc sur fond noir, fait écho à Roman Opałka. Comme les autres déclinaisons de la série datamatics – data.gram, data.flux, data.scape – ces avalanches arithmétiques jouent avec les lois de la perspective. De même que certains de ses travaux inspirés par von Neumann et Gödel pour la série V≠L (cf. the irreducible [nº1-10], the transcendental (e) [nº2-d]). Ou bien encore la version "macro" de l'installation the planck universe, conçue lors d'une résidence de Ryoji Ikeda au CERN à Genève, qui évoque les confins de l'univers.
Nous retrouvons la répétition de motifs abstraits, géométriques, alliée à des dispositifs électroniques ouvrant sur des mondes arithmétiques d'une grandeur infinie dans les installations audiovisuelles de Carsten Nicolai (alias Alva Noto), en particulier Unicolor. Jouant sur la perception des couleurs et des bruits blancs, la présentation de ce dispositif donne une sensation de grandeur infinie grâce à des miroirs qui reflètent les écrans où glissent des motifs visuels. Le regard du spectateur se perd dans cette ligne de fuite qui rend cette installation démesurément grande.
L’âge des satellites
Le collectif Quadrature détourne les radiotélescopes pour certaines de leurs installations audiovisuelles (Credo, Pixel Errors of Very Large Telescopes IV - IX). Mais c'est leur projet Satelliten qui nous intéresse ici. Quadrature ramène l'infiniment grand (la source) à échelle humaine (l'œuvre). L'orbite des satellites est matérialisée sur une table traçante en temps réel. Une portion du territoire est délimitée sur une carte ou un atlas. Chaque survol déclenche le traceur sur 10 cm2. Les lignes finissent par se superposer jusqu'à tisser un carré noir, révélant ainsi le trafic sans fin des satellites… Ce dispositif est aussi décliné en installation vidéo (OrbitsTriptychon) et en live AV (Orbits). Une performance où le public est immergé au milieu des tracés satellitaires qui se déploient comme de multiples fils d'Ariane, s'étoffent et forment un écheveau inextricable.
Richard Clar s'intéresse aussi aux satellites. Pas aux données qu'ils transmettent, mais à leurs épaves… Depuis le début de la conquête spatiale, c’est environ 34 000 débris orbitaux de plus de 10 cm qui flottent à la périphérie de la Terre. Des fragments de satellites, de fusées, de vaisseaux spatiaux et des outils perdus par des cosmonautes. Ces débris sont référencés et suivis par différentes agences spatiales. Richard Clar a collaboré avec le Naval Resarch Laboratory qui utilise des données fournies par l’U.S. Space Command. Il a sélectionné très exactement 192 objets dérivant à une altitude comprise entre de 450 à 800 km, inclinés selon un angle variant de 96° à 104°. Le positionnement de cette constellation dessine en pointillés, avec un code couleur attribué selon le pays d’origine du débris, une sorte de sculpture spatiale. Son rendu se matérialise sous forme d’une projection vidéo en 3D.
Dernier contact
La destinée des sondes interplanétaires se perd dans l'infiniment grand. Lancées en 1977, les sondes Voyager 1 et Voyager 2 sont les engins d’origine terrestre les plus éloignés de notre système solaire. Voyager 1 file au travers de l'espace à 17,5 km par seconde et se trouve actuellement à plus de 22,74 milliards de kilomètres de la Terre. Sa sœur jumelle fonce sur une ellipse différente. Elles emportent toutes les deux un disque de cuivre où sont gravés quelques symboles scientifiques et des extraits sonores à destination d'oreilles (ou organes équivalents) extraterrestres. Elles croiseront une première étoile comparable au Soleil dans environ 40 000 ans… En attendant, les artistes Špela Petrič et Miha Turšič – en coordination avec d'autres intervenants et du KSEVT (Centre culturel des technologies spatiales européennes à Vitanje en Slovénie) – ont développé Voyager/Non-human agents. C'est une œuvre d'art algorithmique, partagée entre lumières, sons et aplats de couleurs. Voyager/Non-human agents se présente à la fois comme une maquette et un tableau où sont logés transistors et fiches sur lequel clignotent quelques diodes répondant aux paramètres de la sonde, matérialisant sa position, son trajet.
Le collectif Quadrature s'est aussi emparé de Voyager sous forme d'un dispositif ressemblant à un métronome stylisé, sauf que le bras ne bouge presque pas. Le mouvement est imperceptible mais existe, traduisant dans sa lenteur l'éloignement de Voyager. Cinq ans auparavant, deux autres sondes sont parties pour des courses lointaines : Pioneer 10 et Pioneer 11. Dans leurs flancs, la fameuse plaque avec un message de l'humanité où le système solaire est positionné par rapport aux quatorze pulsars les plus proches. Rémi Tamburini réinterprète ce symbole avec une œuvre constituée de néons disposés en étoiles (Neon Pulsar). Le dernier contact reçu de Pioneer 10 date de janvier 2003. Depuis, elle continue sa course dans la nuit interstellaire.
Direction Cassiopée
C'est bien vers l'espace qu'il faut se tourner pour voir les choses en grand. Et c’est dans cette direction que Félicie d’Estienne d’Orves pointe ses lasers. Entre land art et art optique, avec un petit côté X-Files, ses installations mettent en œuvre des traceurs plantés au milieu de rocailles ou d'une forêt d'antennes paraboliques. Les faisceaux sont dirigés vers des objets célestes invisibles, situés à des distances incommensurables, ouvrant ainsi un champ de perception "profond". Prise dans les déserts d'Atacama au Chili et d'Utah aux États-Unis, une série de photographies basées sur ce dispositif prolonge cette expérience réalisée en commun avec l'astrophysicien Fabio Acero (Cosmographies).
Comme le souligne Félicie d’Estienne d’Orves, leur collaboration s'est forgée autour de l'observation des traces de l'explosion de la supernova Cassiopée A, sur la même envie de rapporter à l’échelle du corps ce phénomène gigantesque – huit années-lumière de rayon – et d’une violence au-delà de la perception humaine (effondrement gravitationnel, libération d'une énergie colossale). Nous nous souvenons aussi de son installation EXO qui reposait sur le même principe, toujours conçue avec Fabio Acero, et Julie Rousse pour la partie sonore et les field recordings.
Quadrature, Orbits - Photo DR
Poussière d'étoiles
La lumière résiduelle des galaxies lointaines, le vent et la poussière cosmique sont aussi des éléments de création artistique pour Tomás Saraceno. Nous connaissons sa passion pour les araignées et leurs toiles, ainsi que ses nombreuses collaborations avec la NASA, le CNES et le MIT (Massachusetts Institute of Technology). Ce n'est vraiment pas un hasard si une de ses installations s'intitule Galaxies Forming Along Filaments, Like Droplets Along the Strands of a Spider’s Web. En dehors du côté monumental de cette sculpture arachnéenne, c'est une manière de représenter l'infiniment grand en établissant une analogie entre l'image luisante des galaxies dans espace intersidéral et celle de gouttes de pluie qui ruissellent le long des toiles d'araignées.
Autre création de Tomás Saraceno au nom très parlant : The Cosmic Dust Spider Web Orchestra. Cette fois, sa "toile cosmique" entre littéralement en résonance avec les spectateurs puisqu’elle est complétée par un dispositif d'art sonore. Et cette installation se double d'une série d'impressions photos (Printed Matter(s)) réalisées avec de l'encre qui incorpore des résidus de pollution (les fameuses particules fines). Ces clichés représentent des amas de poussière cosmique en se basant sur un inventaire établi par la NASA. Chaque année, environ 40 000 tonnes de poussière cosmique tombent sur Terre…
Matière noire
Quadrature, Satelliten - Photo DR
Artiste, ingénieur, musicien et scientifique, Juan Cortés se propose lui aussi de nous confronter à une composante mystérieuse de l'univers. Mise en évidence par l'astronome Vera Rubin, la matière noire (à ne pas confondre avec les trous noirs) n'émet pas de lumière, n'en reflète pas non plus, et préside à l'ordre cosmique en empêchant les galaxies de s'effondrer. La matière noire constituerait 27 % de l'univers selon le CERN (Conseil européen pour la recherche nucléaire) qui a accueilli Juan Cortés pour une résidence. Il s'est emparé symboliquement de cette matière noire et a mis l'infiniment grand en boîte : sa création se présente sous la forme d'un cube à l'aspect "steampunk" où nous distinguons des entrelacs de fils, de modules en plastique, de pièces métalliques, de LEDs et une carte Arduino. Le spectateur est invité à se pencher dessus. Le son produit par la machinerie intérieure est amplifié et se mêle à un jeu de lumière pour créer une simulation de la morphogenèse d'une galaxie.
L'ultime frontière
Dans cette plongée vers l'infiniment grand, le temps est bien évidemment l'ultime frontière. Mais c'est peut-être encore plus difficile à évoquer d'un point de vue artistique. Avec 163 000 Light Years, une vidéo tournée dans un désert bolivien, Tomás Saraceno s'est attaché à montrer la courbure de l'espace-temps en se référant à la lumière qui provient du Grand Nuage de Magellan. Il rêve ainsi d'un film qui durerait 163 000 ans, le temps qu'il faut à la lumière émise par ce double nuage stellaire pour atteindre la Terre. Un film qui, si vous pouviez le regarder jusqu'au bout, pourrait [re]devenir le présent, car la bande-son provient de la collision de deux grands trous noirs, il y a 1,3 milliard d'années, dont le lointain écho arrive maintenant sur Terre.
Le collectif Black Quantum Futurism – piloté par Camae Ayewa et Rasheedah Phillips – mêle les aberrations de la physique quantique au bricolage esthétique et aux revendications de l'afro-futurisme. Lauréats d'une résidence au CERN dans le cadre du concours Collide, ils élaborent une nouvelle œuvre intitulée Symétrie et violations CPT (terme qui désigne la symétrie de charge, de parité et d'inversion du temps). Ce projet est une exploration artistique des différentes temporalités, à petite et grande échelles. Toujours dans le cadre du programme Arts At CERN, l'artiste Diann Bauer a réalisé Scallar Oscillation qui est une installation audiovisuelle collaborative et multi-écrans mettant en exergue les variations temporelles liées à la théorie de la relativité générale. Ces variations oscillent entre le temps long, le temps cosmique, difficile à mesurer comme à imaginer, et le temps ressenti, le temps microscopique, de la conscience et de l'expérience humaine. L'infiniment grand et l'infiniment petit.
Article publié dans la Revue AS - Actualité de la Scénographie n°239
Le Laboratoire Arts & Technologies de Stereolux s’associe avec les Éditions AS (Actualités de la scénographie) pour une série d'articles consacrés aux technologies numériques, à l'art et au design. L'occasion de partager un point de vue original et documenté sur le futur des pratiques artistiques, en particulier dans le champ du spectacle vivant.
Tout petit la planète - L’art numérique au microscope
Rien n’échappe à l’art numérique et encore moins ce qui est petit, très petit. D’une manière générale, tous les matériaux, y compris les plus microscopiques, peuvent servir à la conception d’une œuvre. L'infiniment petit est inséparable de la conjonction “art/science” : bon nombre d’artistes sont aussi des chercheurs ou dépendent de structures scientifiques pour finaliser des créations dont les éléments centraux sont invisibles à l’œil nu. Ce changement de perspective permet de questionner différemment la matière, l’homme, la planète.
Plus noir que le noir
L’artiste et réalisateur belge Frederik de Wilde construit une partie de son œuvre en utilisant une peinture noire composée de nanotubes de carbone. Élaborée en collaboration avec la Rice University et la NASA, ce “noir plus noir que le noir” recouvre, à l'origine, un télescope spatial américain afin d'éliminer les lumières parasites. Il en absorbe presque tout le spectre, dont l'infrarouge. Sa densité est dix fois plus forte que le noir auquel nous sommes habitués. L'impression est si forte, si sombre, que l'œil a du mal à restituer l'aplat sur lequel il est déposé. Le spectateur à l'impression de contempler un trou noir. Cette peinture permet de représenter le vide, le néant, de “célébrer l'inconnu”, …
Pour matérialiser cette portion d'outre-espace, Frederik de Wilde a recours à des installations comme ces alignements de pots de peinture qui renvoient aux readymades (99,9% NanoBlack - Dynamite for The Darkness, 2013). Il peint aussi des cercles (NASAblck-Crcl#1, 2014) et des carrés (NANOblck-Sqr#1, 2014), rejoignant ainsi les monomaniaques de l'art contemporain (Klein, Malevitch, Reinhardt, Soulages et consorts). À cela se rajoutent aussi des visualisations sous forme d'impressions et de modèles 3D : ATOMblack (qui reproduit l'Atomium de Bruxelles), A blacker-than-black spire (réplique de la flèche disparue de Notre-Dame de Paris).
D'autres artistes s'emparent des nanotechnologies pour pratiquer la sculpture à échelle microscopique, de l'ordre de quelques microns, comme Ken Goldberg & Karl Bohringer (flw, 1996) ou Jonty Hurwitz et ses petites figurines réalisées via un procédé de lithographie multiphonique et de photogrammétrie. Nous pourrions citer également les “nano-paysages” conçus par l'artiste-chercheur Daniel Lacour et certaines de ses créations inspirées des structures et infrastructures cristallines de nouveaux matériaux fabriqués en laboratoire.
C’est à Cris Orfescu que nous attribuons la paternité du terme “nano-art”. Cet artiste d'origine roumaine, installé en Californie, a d'abord été un peintre “conventionnel” (huile, acrylique, …) pendant de longues années avant de troquer ses pinceaux et sa palette pour un microscope électronique et un logiciel de retouche d'images. Il a, par ailleurs, fondé l'Academy of Nano-Art. Pour lui, ce courant à la croisée de l'art et de la science se subdivise en deux domaines : celui des nanolandscapes (paysages moléculaires et atomiques reflétant des structures naturelles de la matière aux échelles moléculaires et atomiques) et celui des nanosculptures (structures créées par des scientifiques et des artistes en manipulant la matière au niveau moléculaire).
Bactéries et bio-imprimante
L'objet scientifique par excellence pour étudier la matière et le vivant à une petite échelle est évidemment le microscope. Les nanotechnologies ont aussi été rendues possibles par l'invention d'une nouvelle génération de microscope où l'effet tunnel et le jeu des forces atomiques ont remplacé le focus des lentilles optiques. Les structures révélées par ces microscopes électroniques donnent lieu à une version high-tech du naturalisme, à l'image des travaux photos de Martin Oeggerli. Biologiste moléculaire travaillant dans la recherche médicale, ce “micronaute” (comme il se désigne) est aussi un photographe renommé. Les objets de ses clichés prennent un relief particulier sous le balayage du microscope qui affiche un facteur de grossissement allant jusqu’à 500 000 fois ! Pollen, pétale de rose, flore intestinale, aile de papillon, … nous ne distinguons qu'un entrelacs de formes modulaires, des textures labyrinthiques.
Matthijs Munnik utilise également des microscopes pour son installation Microscopic Opera (2011). Multiprimé, son dispositif scrute des colonies de nématodes, des vers mesurant environ 1 mm. Soumis à divers stimuli, ces étranges créatures se mettent en mouvement avec élégance (d'où leur nom scientifique, Caenorhabditis elegans). À cette chorégraphie organique se superposent des voix synthétiques, indexées sur ces mouvements. Ce ballet est visible et audible en temps réel grâce à des caméras et des capteurs qui amplifient ce qui se passe dans cinq boîtes de Petri placées sur un piédestal.
Les boîtes de Petri sont également le support privilégié par Sonja Bäumel & Manuel Selg pour Metabodies (2013-2019). Avec cette installation vidéo, l'artiste et le scientifique mettent en lumière les bactéries que nous avons tous sur notre peau et que nous nous transmettons allègrement. Un peu comme des décalcomanies, des empreintes de mains matérialisent la croissance et le “langage” de ces bactéries rendues visibles grâce à l’ajout de GFP (la fameuse protéine verte fluo qu’utilise aussi Eduardo Kac).
L'artiste-chercheuse Anna Dumitriu explore la microbiologie et propose des ateliers de bio hacking dont les bactéries font également les frais. Elle croise le bio art avec la sculpture, la robotique, l'intelligence artificielle, la mode, … de manière inquiétante, surtout en cette période : sa Plague Dress est une robe de soie brute imprégnée de fragments génétiques de la bactérie Yersinia pestis (en clair, la peste). Plus classique, la bactérie E. coli se retrouve sur un vêtement féminin rapiécé de la Seconde Guerre (Make Do And Mend, 2016-2017). Précision utile, les virus, bacilles et bactéries qu'Anna Dumitriu dissémine dans ses créations sont rendus inertes en laboratoire. Elle émarge au NCTC de la Public Health England. La version robotique de ses expérimentations artistiques s'incarne avec ArchaeaBot: A Post Climate Change, Post Singularity Life-form (2018-19). Cette installation lumineuse et sous-marine, coréalisée avec Alex May, met en scène des archées.
Ces micro-organismes unicellulaires sont adaptés à des conditions extrêmes et considérés comme une des plus anciennes formes vivantes. Une manière de nous inviter à réfléchir sur ce que pourrait être la “vie” sur Terre après la catastrophe climatique qui se profile.
Philip Lachenmann, DELPHI_Rationale - Photo DR
Allison Kudla travaille également sur le vivant, maniant micro-organismes et technologies innovantes. Des algues et des graines lui servent de traceurs pour dessiner, via une bio-imprimante 3D “à jet de cellules”, un paysage basé sur un algorithme de croissance végétale appliqué au développement urbain Capacity for (Urban Eden, Human Error, 2010). Plus récemment, en collaboration avec le photographe Kevin Scott, elle a entamé une série d'installations mêlant environnements sonores et visuels, divers dispositifs (capteurs, …) et surveillance algorithmique active du microbiote qui tapisse notre estomac…
La danse de l’ADN
François-Joseph Lapointe est aussi un universitaire et chercheur qui double ses activités scientifiques d'une démarche artistique. Il se sert du microbiome (l'étage génétique en-dessous du microbiote) pour créer des “égoportraits métagénominiques”… Sous forme de performance, #1000 Handshakes consiste simplement à des échanges de poignées de mains (à une époque où les gestes barrière n'existaient pas). Régulièrement, son équipe prélève des échantillons des bactéries récoltées durant cette expérience. Le résultat des analyses donne lieu à une sorte de selfie bactériologique. Mais François-Joseph Lapointe va encore au plus petit en jouant avec l’ADN.
Rappelons que le diamètre du filament d'ADN est de l'ordre de 2 nm (nanomètre ou milliardième de mètre) pour une longueur totale pouvant atteindre 2 m. À la suite de sa thèse au titre emblématique – La choréogénétique, ou l’art de faire danser l’ADN – il utilise des extraits de séquences d'ADN de danseurs pour élaborer une chorégraphie à laquelle ils sont ensuite soumis (Polymorphosum urbanum). Le code génétique joue le rôle de la partition qui les guide. Son écriture peut être étendue à l'assistance (des prélèvements sont possibles…).
Paul Vanouse, artiste et chercheur, un temps complice du collectif Critical Art Ensemble, a été couronné en 2019 d'un prix Ars Electronica pour son chaudron bactériologique baptisé Labor. C'est un bio-réacteur dans lequel cuisent et recuisent trois bactéries – Staphylococcus epidermidis, Corynebacterium xerosis et Propionibacterium avidum pour les connaisseurs. Elles synthétisent la sueur et, par voie de fait, son odeur. Paul Vanouse est connu aussi pour Ocular Revision (2010) qui offre une imagerie alternative et circulaire de l'ADN et Suspect Invasion Center (2011) qui remet en cause la notion d'“empreinte” génétique. Au travers de ses installations et performances, il défend une vision moins normative du code génétique.
L'ADN est également au cœur des créations d'Antoine Bertin. Avec lui, nous sortons du domaine du bio art pour entrer dans l'art sonore. Le principe est le même que pour les chorégraphies de François-Joseph Lapointe. L'ADN se compose de quatre éléments de base – TAGC (Thymine, Adénine, Guanine, Cytosine) – offrant un nombre presque infini de combinaisons, de même que l'ARN AGUC (Adénine, Guanine, Cytosine, Uracile). Les combinaisons de ces lettres forment une partition. La transformation de ces données, ou d'un code, en un signal sonore s'appelle la sonification.
Antoine Bertin a appliqué ce protocole au matériel génétique du Coronavirus, réalisant ainsi une ambiance sonore aux accents acoustiques et hypnotiques, parsemée des échos du premier confinement (Meditation on SARS-CoV-2, 2020). Sur ce principe, il a aussi modifié un vieux piano mécanique, superposant deux mélodies : l'une est dictée par des gènes humains, l'autre par des gènes extraits de matériaux dont est fabriqué l'instrument (bois, peau, ivoire, colle). Cette superposition s'appelle un contrepoint en langage musical, d'où le nom de cette œuvre, Species Counterpoint (2020).
La particule de Dieu
Le monde de l'infiniment petit ne se cantonne pas aux briques élémentaires du vivant. Le fameux projet du duo HeHe (Helen Evans et Heiko Hansen), Nuage Vert (2008-2010), qui suscita des controverses en France (Ivry et Saint-Ouen), mais pas en Finlande (Helsinki), mettait en lumière le nuage de vapeur et de particules fines s'échappant de la cheminée d'un incinérateur de déchets. Le vert des faisceaux laser formait un étrange halo flottant au-dessus des habitations. Leur projet vidéo Toy Emissions (2007) rendait visible les gaz de pots d'échappement symbolisés par la fumée colorée d'une voiture télécommandée se faufilant dans le trafic urbain. Champs d'Ozone (2007) participait à cette monstration de particules en colorisant le ciel de Paris en fonction du taux de dioxyde d’azote, d'ozone, de particules de poussières (PM10) et de dioxyde de soufre.
Matthijs Munnik, Microscopic Opera - Photo DR
Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand s'inscrivent dans cette démarche avec leur nouveau projet Aerobiome qui explore le contenu de l’air. Ils invitent le public à venir avec de grands sacs en plastique de 60 à 100 litres contenant leurs propres prélèvements. Le résultat de l'analyse s'incarne dans des boîtes de Petri bourgeonnantes de précipités jaunes et rouges… Mais c'est surtout pour leurs travaux où se mêlent la physique et l'optique qu'Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand tutoient la problématique de l'infiniment petit (cf. Luminiferous Drift, Ion Hole, Photonic Wind).
Une de leur dernière installation en date, Hilbert Hotel (2020) questionne la notion d'infini. Au cœur de ce dispositif, un piège à ions. Chargées électriquement, ces particules se mettent à léviter, se retrouvant dans un état “intermédiaire” de la matière. Ce projet illustre un paradoxe mathématique énoncé par David Hilbert : un hôtel possédant un nombre de chambres infini peut-il pour autant accueillir un nombre infini de clients ? En résidence dans un institut de physique de l'Université de Stuttgart, Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand réutiliseront un piège à ions pour une nouvelle pièce actuellement en cours de finalisation. Baptisée Atom Chasm, elle permettra au public de visualiser des phénomènes subatomiques comme les sauts quantiques…
De telles créations ne sont pas envisageables sans le concours de laboratoires. Les grands organismes scientifiques dédiés à la recherche nucléaire accueillent tous des résidences d'artistes. C'est le cas depuis 2007 du CEA (Commissariat à l'énergie atomique) et de son fameux Atelier arts/sciences à Grenoble. Il faut toutefois attendre 2020 pour voir un projet intitulé Atom grâce à Yann Nguema (l'âme pensante des superbes machines "steampunk" d'Ez3kiel). En cours de finalisation, ce dispositif 360°, immersif et en stéréographie, reposera sur l’exploration d'une figure géométrique complexe, le polytope 4D. Cet hypercube sera visualisable en relief grâce à des lunettes 3D dans un espace de projection multi-surface.
Le CERN (Conseil européen pour la recherche nucléaire) à côté de Genève, dont les gigantesques accélérateurs de particules chevauchent la frontière franco-suisse, a aussi un département artistique (Arts at CERN). Les artistes invités y conçoivent leurs projets avec les physiciens et ingénieurs du centre. Dans le cadre d'une résidence, l'artiste et compositeur coréen Yunchul Kim y a élaboré Cascade (2018). Il s'agit d'un dispositif comprenant un détecteur de muons sur lequel est greffé un assemblage de pompes et de tubulures et dans lequel circule un fluide. L'écoulement du fluide se fait en réaction aux collisions et mouvements de ces particules subatomiques. L'aspect fait penser à la fois à un lustre en cristal et à un alambic compliqué et transparent.
Les installations du CERN ont fait l'objet d'un film expérimental en 4K réalisé par Philipp Lachenmann, DELPHI_Rationale (2018). Sa captation magnifie de couleurs et de musique indienne DELPHI, un des détecteurs du grand collisionneur de hadrions (LHC) où a été découverte la “particule de Dieu” : le boson de Higgs… La même année, toujours dans le cadre d'une résidence au CERN, le duo Semiconductor (Ruth Jarman & Joe Gerhardt) a réalisé HALO (2018), une installation immersive basée sur les données brutes d'un autre détecteur, ATLAS. Des points lumineux marquent l'impact des collisions de particules subatomiques. Ils sont projetés sur une structure cylindrique bardée de centaines de cordes de piano. Les traces lumineuses se succèdent en pointillés et déclenchent des marteaux qui frappent les cordes. L'ensemble est immense, s'élevant sur près de 4 m de haut pour 10 m de large, les spectateurs pouvant déambuler autour.
Article publié dans la Revue AS - Actualité de la Scénographie n°238
Le Laboratoire Arts & Technologies de Stereolux s’associe avec les Éditions AS (Actualités de la scénographie) pour une série d'articles consacrés aux technologies numériques, à l'art et au design. L'occasion de partager un point de vue original et documenté sur le futur des pratiques artistiques, en particulier dans le champ du spectacle vivant.
Du pangolin anticapitaliste à la voiture-tortue : l’impact du virus sur le système productif mondial
Avec un peu de recul, le coronavirus joue un rôle révélateur des fragilités du système mondialisé actuel. La pandémie a notamment révélé le lien existant entre la production d’une voiture autonome et le destin du pangolin… Plongée dans la thématique du lien entre mutations environnementales et technique, qui sera abordée dans le cadre d’Ambivalences, pendant le festival Scopitone, le 9 septembre prochain.
AMBIVALENCES #1 - CHAPITRE 3 : HORIZONS
En 2020, la planète s’est tenue immobile et le commerce mondial a été suspendu par l’arrivée du coronavirus. Si nous sommes resté·es abasourdi·es face aux bouleversements provoqués par ce virus à ARN, la possibilité que survienne une telle crise était évoquée de longue date. Ce que fait notre économie globale au vivant en étant la cause désignée.
Le pangolin révolutionnaire
La pandémie, nous rappelle, de manière saisissante, combien nous sommes lié·es aux autres espèces. À tel point, que le coronavirus a été présenté comme un acte de revanche du pangolin. L’animal qui a été considéré, dans un premier temps, comme étant à l’origine du virus. Une hypothèse qui a depuis été écartée.
En effet, le pangolin est l’un des animaux les plus braconnés au monde pour sa chair et ses écailles utilisées en pharmacopée traditionnelle. Leur commerce illégal se déploie de l’Afrique à la Chine et a mené deux des huit espèces existantes au bord de l’extinction. Pour cette raison, les pangolins sont souvent présentés comme les victimes type d’un capitalisme échevelé et mondialisé.
Soupçonné d’être l’hôte ayant permis l’émergence du coronavirus, le mammifère a bénéficié d’un répit sous la forme d'une interdiction de vente, qui lui permettra, peut-être, d’échapper à l’extinction. Pour reprendre un slogan écologiste bien connu le virus serait « la nature qui se défend ». À ce titre, le pangolin s’est même vu transformé en icône anticapitaliste.
L’ARN et le silicium
Mais ce n’est pas uniquement son statut de victime du profit à tout prix qui a transformé le pangolin en icône anticapitaliste, c’est aussi que le coronavirus, en mettant momentanément la planète à l’arrêt, a agi comme le révélateur des interdépendances planétaires produites par le capitalisme.
La crise sanitaire a, tout particulièrement, mis en valeur la fragilité de nos chaînes d’approvisionnement mondialisées. Sous l’effet des confinements, des contaminations au travail, des politiques protectionnistes, les usines, les ports, les magasins ont dû fermer, suspendant la production, interdisant la circulation des marchandises et leur vente.
En raison d’une production principalement basée en Asie et de la concentration du secteur, les effets de cette fragilité ont été particulièrement exacerbés pour l’industrie des microprocesseurs. Quand Taïwan, l’un des principaux pays exportateurs, connaît une résurgence des cas de Covid 19, c’est toute une économie dépendante de cette chaîne d’approvisionnement déjà sous tension qui s’inquiète. Nous parlons ici des smartphones, des ordinateurs, mais aussi de l’électroménager, des voitures, de certains matériels de santé, des tracteurs pour l’agriculture...
Cette tension préexistante est multifactorielle et complexe, mais la pandémie actuelle l’a fait basculer vers la pénurie. Le prix des disques durs flambe, soudain nous prenons conscience de toute l’infrastructure qui nous autorise à acquérir ce bien.
Une infrastructure qui a brillamment été mise en récit par Vladan Joler et Kate Crawford avec le projet Anatomy of AI system. Un essai et une carte anatomique qui mettent à jour les ressources planétaires, le travail humain et les données nécessaires à la construction et l’utilisation d’Amazon Echo, des « hauts-parleurs intelligents » intégrant Alexa, un assistant personnel. En regardant cette fresque aujourd’hui, on ne peut s’empêcher de vouloir deviner les endroits où la diffusion de l’ARN du coronavirus aura joué les trouble-fête.
La tortue, le futur de la voiture ?
Face à cette pénurie, les producteurs de microprocesseurs ont favorisé l’approvisionnement du secteur l’électronique grand public au détriment des constructeurs automobiles, perturbant la production de nouveaux véhicules. Il est estimé que cette industrie pourrait perdre jusqu’à 60 milliards de dollars en revenus cette année, quand plus de 650 000 véhicules manquaient à l’appel au premier trimestre. On parle de « bullwhip effect », l’effet coup de fouet : une pénurie en amont provoque des effets croissants tout au long de la chaîne. Certains y pressentent la fin de la logique du « flux tendu ».
L’artiste belge Melle Smets a peut être trouvé un début de réponse à cette pénurie mondiale, avec une voiture « 100 % made in Ghana ». Elle a été créée en douze semaines grâce au savoir faire et à l’inventivité des artisans du recyclage du quartier industriel de Suame Magazine. La Smati Turtle 1 est locale, durable, réparable et frugale. Sous le capot de la « tortue », vous ne rencontrerez pas un seul microprocesseur, de quoi déjouer les effets du coronavirus.
Le coronavirus a eu bien des effets au-delà de la crise sanitaire et de l’arrêt momentané de l’économie mondiale. Il entraîne d’ores et déjà une réorganisation profonde des chaînes d’approvisionnement et sonne la fin de certains modèles de production reposant sur le flux tendu, la poursuite du moindre coût et la mondialisation. Le futur nous dira, s’il ouvrira la voie à une nouvelle écologie de la production dont bénéficieraient le pangolin comme la tortue.
Article rédigé par Pauline Briand
J’ai testé : Exposition Laboratoire Arianna
THE CREW - J'AI TESTÉ
L’exposition Laboratoire Arianna est la première incarnation du travail contextualisé du collectif d’artistes et de scientifiques Pronaos. Fruit d’une première résidence de recherche et création basée sur la récupération d’objets en relation avec l’étude de l’espace, elle sera suivie par deux autres chapitres aux mois de septembre et décembre prochains. Retour sur cette exposition avec l'un de nos bénévoles qui s'est rendu sur place.
Cette première proposition est développée dans la salle de présentation de la Plateforme Intermédia. Plutôt que de nous lâcher dans celle-ci, une esquisse de parcours est ébauchée. Lorsque l’on arrive, un rideau dissimule la pièce et nous oriente avec une flèche alors qu’au-dessus de nous flottent des voix qui en français nous plongent directement dans une ambiance cosmique au travers d’un champ lexical approprié : satellite, ange, propulsé, paysage…
L’exposition comprend sept postes de présentation relativement bien délimités, qu’on peut instinctivement suivre linéairement dans une boucle horaire. À l’inverse, c’est dans un espace sonore ambiant que l’on évolue. Une agglomération des expressions phoniques de chaque entité présente.
On commence avec Falsum Vacuum, une sorte de machine-sculpture composée d’une boite au sol, reliée par un tube à une cloche en verre suspendue renfermant de petits objets construisant une nature morte industrielle. La boite est en réalité une pompe à vide qui dépressurise régulièrement l’intérieur de la cloche. Dans la mesure où c’est un travail de l’invisible – le seul indice signalant le fonctionnement étant un bruit d’aspiration ponctuel –, il pourrait y avoir un jeu d’illusion. Après tout, nous n’avons pas le moyen de voir l’action décrite.
À côté se trouve Graines Cosmiques, œuvre en trois parties centrée sur le cycle de vie de tomates étant allées dans l’espace. Si, si, c’est même un cadeau de la NASA ! On trouve des graines dans une boite de pétri, et de jeunes pousses figées pour toujours dans des tubes. Un disque sur lequel en sont fixées des dizaines tourne sans interruption, rappelant les mélangeurs rotatifs des chimistes. Un écran circulaire voisin lui aussi en mouvement – mais lent et presque imperceptible – sert de support à la projection d’un timelapse de la croissance des germes en apesanteur. La collection se termine par un carnet, dont on ne sait pas s’il est manipulable, retraçant le processus d’obtention des graines pour ce travail. Le document sous forme de carnet est trompeur : seules trois pages sont rédigées, celles ouvertes et celles à l’arrière. Les autres sont vides. Oui, en l’absence de garde, j’ai osé vérifier. Le style littéraire descriptif utilisé et la police de caractère "Courrier Sans" choisie pour l’écriture donnent l’impression d’avoir accès à un document confidentiel. Cette sensation est accentuée par ce qu’on peut lire, des conversations à demi-mots avec des lobbyistes, aux échanges par courriel avec des scientifiques du globe.
La Mesure du Monde est la proposition qui attire le plus l’œil. Constituée d’un écran courbe d’un mètre cinquante sur lequel est projetée l’animation d’une tempête de point, on apprend qu’il s’agit d’une représentation de données liées aux mouvements du champ magnétique solaire transmises en direct depuis la Suède. La magie de l’Internet ! Au premier abord, on pourrait penser que l’écran est en acier mais c’est la fine data-texture qui donne cet effet. Deux hauts parleurs planent au-dessus de la projection et transmettent une musique abstraites originaire des oscillations stellaires. C’est la sonorité le plus prégnante de l’exposition.
Dans le coin opposé, on trouve une sorte de table. En fait, une ossature en métal sur roues, sur laquelle reposent deux planches de bois agrémentées d’une mise en scène d’ouvrages divers (compte-rendu des colonies de la NASA, revue paysagère…), de mini-sculptures géométriques et d’objets récupérés. Le plus impressionnant se trouvant posé au sol, « dans » la table, une méga-lampe dont on se demande ce qu’elle est au départ. Des feuilles nous montrent des extraits de textes, d’un roman d’anticipation et une citation du personnage de Freeman du film Silent Running, déjà mentionné dans Graines Cosmiques (super film avec une belle performance de Bruce Dern). Lors de mon passage, c’était la seule entité ne proposant pas de fiche explicative. « Est-ce qu’on peut toucher les livres ?!? » aura été ma plus grande interrogation. Loin d’être ésotérique pour autant, l’ensemble peut paraître un peu brut mais profite de l’ambiance sonore de la salle.
Le cœur de la plateforme intermédia accueille trois objets volumineux
Le premier est un cadre suspendu. L’Harmonie des Mondes est un tableau-sculpture de fond lisse duquel saillissent trois mini-planétaires de trois corps chacun, avatars de la Terre, Saturne et Éris (vous savez la planète naine trop grosse qui a déchu Pluton de son statut de numéro neuf du système solaire ; never forget). Les deux planétaires de droite se déplacent dans le sens des aiguilles, et celui de gauche de manière anti-horaire. Le mouvement de ces astres produit sur le principe de la theremine par dissimulation partielle d’un capteur, un son modulé en permanence. Toutefois, proche de l’œuvre c’est le bruit de la mécanique d’action qui transpire : le dos du tableau est d’ailleurs tout aussi intéressant que son front puisqu’on nous autorise à voir et entendre les rouages littéraux de l’objet.
Derrière l’Harmonie, gît par terre, capturé à sa base par une nappe de plâtre blanc, un appareil unique. Pronaos. Ouais, éponyme du collectif. En activité dans les années 1990, il n’en reste qu’une carcasse devenue ici totem. Il est accompagné par deux roues-écrans situées côte-à-côte, sur lesquelles est projetée une même vidéo dédoublée, une archive du retour du satellite sur Terre. Il y a un côté un peu nostalgique et abstrait des scènes tournées au crépuscule. Le petit plus ? La texture bois des roues rappellent le motif de géantes gazeuses comme Jupiter. Coïncidence ? Je ne pense pas !
La septième et dernière production est un espace dans l’espace – mise en abyme – avec une pièce tubulaire, d’un mètre cinquante de diamètre. Acoustic Space nous invite en son intérieur avec un rideau filaire laissant entrapercevoir ce qu’il renferme. Un fauteuil soucoupe en vinyle blanc bien rétro ne demande qu’à être utilisé. Il fait face à la paroi incurvée, support d’une projection monochrome un peu psychédélique soutenue par un son documentaire passant de l’explication du concept d’Acoustic Space par son créateur Marshall McLuhan (« What we are is a product of how we represent the world »), aux propos de l’astronaute Valentina Terechkova dont les expériences spatiales forment la base de cette micro-architecture immersive. Si on a parcouru la salle linéairement, c’est le dernier élément pratiqué. Mais c’est aussi le premier élément qui nous parvient par le son qu’il dégage.
Comme d’habitude, se pose la question des dimensions de la Plateforme Intermédia et de ce qui y est exposé. Le rapport contenant/contenu. Ici, l’intérêt d’une taille réduite renvoie presque à une salle thématique de musée ou un cabinet de curiosités, et permet de créer une ambiance sonore englobante qui aurait été perdue si chaque élément avait été isolé. Pour celles et ceux ayant eu l’occasion comme moi de vivre l’exposition sans personne d’autre, la proximité des œuvres les unes aux autres et la courte distance à emprunter pour toutes les apprécier, offre au minimum un aspect intimiste tout à fait appréciable.
Reste à savoir ce que ce que les autres sessions du laboratoire produiront, et comment l’intervalle de temps influencera une éventuelle continuité entre les œuvres créées.
Urgence climatique : Erratic Weather, une performance de Maotik et Maarten Vos (Interview)
Dans le cadre des journées TouchDesigner, Maotik et Maarten Vos présentent Erratic Weather, une installation immersive et engagée permettant au public de se retrouver en plein milieu d'un ouragan numérique. Le but : rendre compte de manière impactante de l'urgence climatique actuelle.
Comment s'est déroulée la rencontre avec Maarten Vos ?
Nous nous sommes rencontrés au Théâtre Chaillot à Paris en janvier 2019 où nous étions en résidence avec une compagnie de danse pendant deux semaines. Durant cette période, nous avons travaillé sur des séquences combinant musique, projections visuelles et interaction avec danseur·euses. Au fil de la résidence, nous nous sommes aperçus que nos univers fonctionnaient bien ensemble, ce qui nous a amené à collaborer sur une performance audiovisuelle.
Pouvez-vous nous présenter ERRATIC WEATHER ? Quel en a été le processus de création ?
Erratic Weather est un projet d'art numérique qui a pour objectif de visualiser le passage d’un cyclone à travers une expérience multimédia immersive. L’idée du projet est de faire ressentir au public l'expérience de vivre des phénomènes naturels tels que les typhons, les ouragans ou encore les cyclones tropicaux. Cela démontre le pouvoir dévastateur de la nature et l'urgence face à laquelle nous sommes de la préserver.
Avec Maarten Vos, nous avons travaillé sur le projet lors d’une résidence à Funkhaus - à Berlin - l’été dernier, à l'aide du système 4d Sound. La spatialisation sonore a eu un rôle important dans le processus de création, le fait de faire circuler le son nous a permis de rendre l’expérience du cyclone encore plus réelle. Nous avons également créé la narration de l’œuvre en interprétant des données météorologiques mais aussi l’endroit du globe ou s’est produit le phénomène. Chaque performance est unique car nous utilisons ces informations pour faire évoluer l’œuvre ainsi que pour modifier certains paramètres audiovisuels.
Pensez-vous que l'art a un rôle à jouer dans la crise climatique ? Dans les grandes crises en général ?
L’art immersif est un moyen impactant de faire vivre des expériences physiques au public, cela va bien au-delà d’une simple projection vidéo. En travaillant avec la physicalité du son, sa spatialisation et l’effet optique des images, nous arrivons à réinterpréter d’une manière artistique des phénomènes naturelles qui, avec cette immersion, permettent de prendre conscience du danger et de l’urgence d’agir face au changement climatique.
Quel a été l'apport de TouchDesigner dans la création de cette performance ?
Touchdesigner est l’outil qui m’a permis de créer tout le contenu visuel de l’œuvre, ainsi que la connexion avec le système sonore et les bases de données récupérées en ligne pour pouvoir modifier les paramètres en temps réel. C’est un outil formidable pour prototyper des idées rapidement et créer du contenu génératif s'inspirant de la nature. Ce logiciel permet la création de contenu qui évolue sous la forme de probabilités contrôlées où différents environnements visuels fusionnent pour créer une esthétique unique et non reproductible.
La révolution sera sans doute tokenisée
Les NFTs – des lignes de code sur une blockchain – peuvent représenter toute possession, qu’il s’agisse d’objets physiques ou numériques, de droits d’accès, de vote ou de droits d’auteur. Nous pouvons même leur attacher des souvenirs, des tweets, des créations et les vendre aux enchères. Après quelques années de croissance, principalement dans les domaines du jeu et des collectors, les voici rien de moins qu’en train de révolutionner le monde de l’art. Ou presque.
Par Aude Launay
Article rédigé en partenariat avec la Revue AS
Capture d’écran de la plate-forme Zora (zora.co)
Depuis quelques mois, les records se succèdent. Le 25 février dernier, une vidéo d’animation de synthèse de dix secondes a été vendue pour quelque 6,6 millions de dollars US1; elle avait été acquise 67 000 dollars US quatre mois auparavant. Le 13 décembre 2020, l’artiste auteur de cette vidéo totalisait déjà 3,5 millions de dollars US de ventes en un seul week-end.
Sur le marché de l’art, rien d’anormal. Le flipping – ne conserver un achat que très peu de temps pour le revendre, généralement aux enchères, avec une plus-value affolante – est une pratique plus que courante. Et les ventes record sont bien généralement la seule raison pour laquelle les arts visuels font les gros titres. Mais c’est d’art numérique dont nous parlons ici, et même plus spécifiquement de crypto art. L’art numérique n’était jusqu'alors pas franchement coutumier de tels chiffres, sa relative immatérialité restant un obstacle mental étonnant à sa montée en valeur, lorsque nous considérons que les œuvres les plus coûteuses sont bien souvent celles qui s’échangent tout en restant parfaitement immobiles dans les coffres-forts géants que sont les ports francs2 des grandes places financières.
Et si nous en parlons autant, c’est justement car l’une des plus grandes maisons de vente au monde vient d’entrer dans la partie. Christie’s était déjà coutumière d’incursions en terrain novateur – fin 2018 elle était la première maison de vente à enregistrer les données relatives à l’une de ses ventes sur une blockchain3, tout juste quelques semaines après avoir été la première à adjuger une œuvre produite par une intelligence artificielle4 – mais c’est son annonce de mise aux enchères d’une œuvre de l’artiste dont nous évoquons les prix records, Beeple, qui a précipité ces derniers jours5 (au 1er mars 2021) la question du crypto art dans la presse grand public (New York Times, CNBC, BBC, Vice, Wired, Bloomberg, Rolling Stone, Esquire, Reuters), sans compter la presse financière et bien évidemment aussi la presse artistique.
Endgame, 2021 - Document © Beeple
Mais Beeple n’est pas un artiste des plus traditionnels : il est avant tout un graphiste adoubé des grandes marques et des musiciens à succès (Louis Vuitton, Apple ou Nike mais aussi Justin Bieber, Eminem ou Janet Jackson), n’a jamais été représenté par la moindre galerie, n’a pas étudié l’art mais l’informatique et, surtout, avait, jusqu’à l’automne dernier, pour habitude de partager ses créations gratuitement. Le 1er mai 2007, il s’est en effet embarqué sans le savoir dans une aventure qu’il allait poursuivre treize ans avant de commencer à la monétiser, à savoir poster une création par jour sur son compte Instagram6. Aujourd’hui, ses Everydays s’arrachent par le biais de NFTs sur lesquels tout un chacun peut enchérir.
L’authenticité, un phénomène social
Si les fichiers numériques (car c’est bien ce dont il s’agit avec ces œuvres) sont on ne peut plus fongibles – c’est-à-dire aisément reproductibles et dont les copies, parfaitement équivalentes, sont de fait échangeables l’une pour l’autre –, leur valeur ne peut s’apprécier en fonction de leur rareté. Et c’est même justement leur reproductibilité qui entrave leur valorisation.
La question a fait son temps dans l’histoire de l’art, bien avant même que les .jpg ou autres .mp4 ne distribuent leurs contenus à tout vent ; et en 1936, Walter Benjamin explorait déjà la déperdition de l’aura de l’œuvre d’art qu’entraîne sa reproduction mécanisée7, tout en remarquant au passage que “l’‘authenticité’ de l’œuvre est un phénomène socialement construit”8. Mais le constat n’avait en rien aidé l’art numérique à dépasser l’idée que sa valeur moindre était liée à la possibilité de sa diffusion massive. Pourquoi, en effet, souhaiter investir pour détenir une chose que nous pouvons obtenir gratuitement ?
Nous utilisons généralement la métaphore du billet de banque pour illustrer le concept de fongibilité mais une monnaie numérique peut aussi bien faire l’affaire : un bitcoin est un bitcoin, que l’on me rembourse celui que j’ai prêté avec un autre n’a aucune importance. Par contre, si je prête mon Monet à un·e ami·e, j’attends qu'elle.il me rende ce tableau-là et non un autre. Et si j’ai griffonné mon numéro de téléphone sur un billet de 5 € pour le donner à quelqu’un·e, même si je suis théoriquement passible d’amende, ce billet conserve sa valeur faciale mais devient dans le même temps porteur d’une information supplémentaire qui le rend un peu plus unique que son seul numéro de série.
Dès 20129, un petit groupe de mathématiciens et de programmeurs s’attèle à créer la possibilité d’en faire de même avec les bitcoins : un protocole qui sera nommé par la suite Colored Coins10 et dont l’idée est d’associer des informations à certains bitcoins, comme par exemple des droits de propriété (matérielle comme intellectuelle) ou des produits financiers.
Si la technologie des blockchains s’est révélée efficace pour contrer le problème de double dépense inhérent à toute monnaie numérique11, elle a aussi permis la création de tokens cryptographiques – des actifs numériques représentant une valeur, un droit ou un pouvoir – et, surtout, de tokens cryptographiques non fongibles : les NFTs (non-fungible tokens). Les Colored Coins ont ainsi non seulement ouvert la voie aux NFTs mais leurs limitations techniques12 ont aussi, pour partie, entraîné l’un de leurs concepteurs dans une réflexion ayant abouti à la proposition d’un nouveau protocole : Ethereum13.
Propriété intellectuelle liquide
Dès 2015, des ressources de jeu vidéo (Spells of Genesis) puis des mèmes (Pepe) décrits comme “rares”14 commencèrent à apparaître sur la blockchain de Bitcoin, avant que celle d’Ethereum ne se retrouve congestionnée l’année suivante par un fol engouement pour des images de chatons à collectionner (CryptoKitties15).
Hey, 2021 - Document © Beeple
Le phénomène NFTs n’est donc pas nouveau. Ce qui l’est, par contre, c’est son ampleur, son développement en phénomène de masse. D’une part parce qu’il ne s’agit plus désormais simplement de collectionner des objets créés par d’autres mais de produire les siens à partir de ses propres créations ou de ses propres biens, d’autre part car cet usage des NFTs qui fait tant parler est bien loin d’être le seul. Les tokens non fongibles permettent une “propriété intellectuelle liquide16”comme le formule Jake Brukhman, investisseur et conseiller de nombreux projets dans le domaine17, qui explique qu’aujourd'hui : “Nous possédons rarement quoi que ce soit sur Internet : nous achetons des licences d’utilisation de livres électroniques à Amazon, nous louons des autorisations d’écoute de morceaux à Apple Music et nous payons pour emprunter des domaines à une société d'enregistrement pendant un temps donné. Même lorsque nous créons notre propre contenu, les droits qui y sont attachés sont souvent détenus par la plateforme de diffusion, le distributeur ou le label”.
Les NFTs commencent tout juste à faire vaciller ces systèmes d’exploitation massive des créateur·rices et producteur·rices de contenus. Et ces droits de propriété numérique inscrits sur une blockchain peuvent donc s’appliquer à tout contenu numérique (podcasts, noms de domaines, ressources de jeux, articles de blogs, photos, morceaux de musique, vidéos, …) mais aussi à tout objet physique (sneakers ou vêtements18, biens immobiliers et même œuvres d’art19) dont ils rendent possible la revente avec royalties sur le second marché. C’est notamment pour résoudre ce qu’elle appelle “le problème Yeezy” que la place de marché Zora s’est créée fin 2020 : offrir des droits de revente à tous les créateurs, qu’il s’agisse de Kanye West qui, lorsqu’il dessine une paire d’Adidas commercialisée 200 € et revendue neuve 2 000, ne touche pas un cent de ce prix mirobolant, ou de jeunes créateur·rices encore inconnu·es.
Pepe. Courtesy - Document getwallpapers.com
Le “problème Yeezy”
Dans les arts visuels, “le problème Yeezy” est absolument démesuré et il n’est pas rare de voir des artistes (ainsi bien sûr que leurs galeries) assister, impuissant·es, à la flambée des prix de leurs œuvres en maisons de vente sans en bénéficier le moins du monde. Les plates-formes de vente de NFTs, telles que SuperRare, KnownOrigin, Rarible ou NiftyGateway, prélèvent entre 5 et 15 % de commission sur les ventes de premier marché, ce qui signifie que l'artiste touche entre 85 et 95 % d’un prix qu’elle·il a fixé – contre généralement 50 % dans le cadre d’une représentation par une galerie. En cas de revente, 10 % du nouveau prix lui sont reversés. Et si l’accès à certaines de ces plates-formes se fait parfois sur invitation, la plupart sont ouvertes à tout le monde, c’est-à-dire à tout·e créateur·rice, professionnel·le ou amateur·rice, entraînant de fait une popularisation du statut d’artiste.
Bidouilleur·euse de gifs animés ou artiste reconnu·e sur la scène de l’art contemporain, quiconque le souhaite peut, moyennant le coût de la transaction, c'est-à-dire de l’inscription de sa production sur la blockchain, faire d’un élément numérique un objet rare. Le rendre unique ou en éditer une série. Et nous passons dès lors de “l’art est ce que le monde de l’art désigne comme art”, à “chacun est un artiste tant que quelqu’un achète son art”.
Un changement de nature de l’artiste, donc, mais aussi du marché de l’art : ici, pas de listes d’attente, pas de ventes sélectives en fonction du pedigree de l’acheteur·euse… Tout le monde peut enchérir et, surtout, anonymement. Il ne s’agit plus d’un anonymat du type de celui préservé jalousement par les maisons de vente et les ports francs, mais plutôt d’un anonymat du type de celui que nous adoptons bien souvent sur les réseaux sociaux, d’un anonymat pour se fondre dans la foule et s’insérer dans une communauté plutôt que pour préserver sa singularité. Et les sommes appréciables de s’orienter vers les portefeuilles d’un certain nombre de jeunes personnes, artistes ou acquéreur·esses. Nous ne comptons plus les témoignages d’adolescent·es en capacité de quitter le domicile familial, de s’offrir des études, parfois même une maison, suite aux ventes et reventes de leur art ou de celui de pointures comme Beeple20.
Article publié dans la Revue AS - Actualité de la Scénographie N°236
Le Laboratoire Arts & Technologies de Stereolux s’associe avec les Éditions AS (Actualités de la scénographie) pour une série d'articles consacrés aux technologies numériques, à l'art et au design. L'occasion de partager un point de vue original et documenté sur le futur des pratiques artistiques, en particulier dans le champ du spectacle vivant.
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2031, crises et numérique : le podcast La Cantine X Stereolux
La Cantine et Stereolux s'associent pour proposer une série de podcasts en trois épisodes, répondant à la question : en 2031, quel rôle jouera le numérique dans les crises ?
Depuis 2008, les crises – financières, sociales, politiques, climatiques – se suivent : subprimes, printemps arabes, populismes en Europe, aux Etats-Unis, au Brésil, et plus proches de nous les Gilets jaunes, la Covid. Toutes ces crises – ces moments extrêmes de dérèglement – ont été portées, racontées, propulsées, relayées par les outils numériques.
Pour sortir la tête du guidon, la Cantine et Stereolux veulent voir un tout petit peu plus loin. Mettons dans dix ans. En 2031. Quel rôle auront les outils numériques dans les crises du futur ? Quelle place aura la question numérique dans les réponses à ces crises ? Et à quoi ça sert de faire de la prospective sur ces thèmes ? Chercheuses et chercheurs, militantes et militants, designeuses et designers, entrepreneuses et entrepreneurs, mais aussi artistes, syndicalistes, DRH et personnalités politiques répondent à ces questions.
Episode 0 – Le prologue : là où tout commence
Avec cet épisode de lancement, on cadre le sujet : la « place du numérique dans les crises du futur », ça veut dire quoi ?
Avec :
- Yoan Ollivier, designer et co-fondateur de l'agence Vraiment Vraiment
- Juliette Grossmann, philosophe et auteure Fondation internet Nouvelle Génération
- Olivier Ertzscheid, enseignant-chercheur à l'Université de Nantes
Episode 1 : Crise de Tech
Le secteur du numérique et de l'innovation – la Tech – connaît une double crise : sociale (les salariés et les prestataires défendent leurs droits) et sociétale (les salariés et les clients exigent plus d'éthique). Ça donnera quoi dans dix ans ?
Avec :
- Irénée Regnauld, consultant en transformation numérique et chercheur associé au laboratoire COSTECH (Connaissance, organisation et systèmes techniques) à l'Université de Technologie de Compiègne.
- Hélène Maitre-Marchois, product owner @Fairness et membre de #Onestlatech
- Matthieu Trubert, ingénieur @Microsoft et membre @CGT
- Stéphanie Lehuger, head of growth @Actiondesk
- Lobna Calleja, DRH @Schoolab
Episode 2 – La surveillance, fille de la crise
L'emprise de la surveillance numérique (IA, collecte de données, reconnaissance faciale) franchit des paliers à chaque crise. Dans dix ans, l'état d'urgence justifiant le recours aux outils de surveillance sera-t-il devenue la norme ?
Avec :
- Guillaume Champeau, directeur éthique et affaires juridiques @Qwant
- Hélène Maitre-Marchois, product owner @Fairness et membre de #Onestlatech
- Ksenia Ermoshina, chercheuse @CNRS (Centre Internet et Société) et designeuse UX @Delta Chat
- Juliette Grossmann, philosophe et auteure @Fondation internet Nouvelle Génération
- Diana Filippova, auteure et spécialiste des politiques technologiques
Episode 3 – L'art de la crise
Parmi les artistes qui utilisent le numérique pour produire ou diffuser leurs oeuvres, certains voient les crises comme une occasion de réaffirmer leur militantisme. Mais dans dix ans, vers quels usages du numérique les crises les pousseront ?
Avec :
- Aude Launay, chercheuse indépendante et curatrice
- Nicolas Montgermont, artiste.
- Antoine Schmitt, artiste
- Olivier Ertzscheid, enseignant-chercheur @l'Université de Nantes
A propos de la Cantine
La Cantine contribue à fluidifier les échanges entre entrepreneur·e·s, salarié·e·s, porteuse·eur·s de projets, freelances, investisseuse·eur·s et institutionnel·e·s qui gravitent dans le domaine de l’innovation. Elle participe au développement de l’écosystème numérique sur Nantes et en région Pays de la Loire en organisant plus de 120 événements par an, en animant un espace d’animation et de travail de plus de 1 000 m2, et en proposant outils et programmes à ses quelque 300 membres. La Cantine organise le festival Web2day, événement web incontournable en France : 3 jours de conférences, de débats autour des startups, des nouveaux usages du web et des innovations numériques qui font l’actualité. L’association pilote également le label "La French Tech Nantes".
Art numérique et sciences sur le campus Lombarderie
Suite à deux collaborations en 2017 et 2019, Stereolux et l’Université de Nantes ont mis en place un nouveau projet associant un artiste numérique, un enseignant-chercheur et des étudiant·es de l’Université de Nantes sur ce second semestre 2020-2021.
Un groupe de 20 étudiant·es en L2 en sciences participera à 16h de TD encadrés par l'artiste Mathieu Le Sourd (Maotik) et l'enseignant-chercheur Baptiste Chantraine, entre février et avril 2021.
Interactions entre arts numérique et sciences
L'artiste Maotik encadrera la partie arts numériques afin de permettre au groupe de découvrir le logiciel Touch Designer, un logiciel de programmation graphique permettant de créer des projets multimédia des plus diverses. Les étudiant·es auront alors les clés pour créer des systèmes interactifs, des visuels 3D en temps réels ou simplement pour prototyper leurs idées.
Les aspects scientifiques seront abordés par l'enseignant-chercheur Baptiste Chantraine. Il guidera les étudiant·es dans leurs explorations et mettra en perspective certains points scientifiques de leur travail. Il encouragera une approche géométrique de leur projet et abordera certaines questions liées à la représentation d’objets en grande dimension, la déformation de figures géométriques et des liens possibles avec la mécanique et l’optique géométrique.
Le travail donnera lieu à une restitution par les étudiant·es à la fin du semestre.
Une résidence à Stereolux et sur le campus
Des temps de résidence au sein du Laboratoire de Mathématiques Jean Leray de l’Université de Nantes et à Stereolux sont prévus pour l'artiste en avril afin qu'il puisse échanger avec des chercheurs et chercheuses, de manière à alimenter un projet artistique en lien avec les ateliers.
L'artiste
Maotik est un artiste numérique français qui concentre son travail sur la création d'environnements multimédia immersifs, d'installations interactives et de performances audiovisuelles.
L'enseignant-chercheur
Baptiste Chantraine est enseignant-chercheur en mathématiques à l’université de Nantes. Il s’intéresse à l’étude de certains objets provenant de la géométrie différentielle (appelés sous-variété legendriennes) au moyen de l’algèbre.