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Une édition "plaisir" pour les 20 ans de MidiMinuitPoésie ! (Interview de la programmatrice du festival)

Musique Publié le 30/09/2020

Pour son 20ème anniversaire, le festival MidiMinuitPoésie signe sur une édition "plaisir" du 6 au 10 octobre 2020. Rencontres inédites et complices, mélanges de genres selon affinités, autant de petits câlins verbaux, remparts aux faux-semblants des discours qui accompagnent la crise actuelle. 
Magali Brazil, programmatrice de la Maison de la Poésie et du festival, revient sur ce rendez-vous autour de la poésie d'aujourd'hui dans sa diversité.

Midiminuit


Le festival MidiMinuitPoésie vient lier la poésie avec différentes pratiques artistiques, pouvez-vous revenir sur l'essence du festival ?

Depuis toujours, la poésie emprunte à différents genres, différents champs artistiques. Les auteurs d’aujourd’hui, de plus en plus, emploient autant la scène que le livre (ou le web) comme supports de diffusion mais aussi de création. Ils convoquent alors fréquemment la musique, les arts visuels dans leur pratique, à travers des collaborations avec d’autres artistes.

Le festival a à cœur, depuis son origine, de montrer ces croisements productifs et inhérents à la création poétique en programmant des duos déjà formés, ou très souvent en les produisant. MidiMinuitPoésie est donc avant tout un festival de poésie, mais une poésie que nous souhaitons montrer dans tous ses états et dans ses passerelles avec les autres arts.

En quoi cette 20ème édition est-elle spéciale ? Comment avez-vous construit la programmation ? 

Nous avons souhaité marquer cet anniversaire par une édition spéciale, une édition «plaisir», en réinvitant des auteurs et artistes déjà reçus lors d’éditions précédentes, mais en leur proposant d’intervenir en duos, trios selon affinités.

Nous invitons les auteurs qui marquent de façon significative la création poétique actuelle, tout en préservant la multiplicité des sensibilités, caractéristique du festival. Les musiciens et plasticiens sont choisis pour leur rapport fort à la poésie comme Rodolphe Burger, Olivier Mellano, Dominique A.

Il s’agira, pour une grande partie de ces duos, de premières rencontres : cette 20ème édition est ainsi conçue comme lieu de création, proposant aux auteurs et artistes comme aux publics, des rencontres inédites et complices.

Vous nous donnez rendez-vous le 9 octobre à Stereolux avec Anne-James Chaton et Jean-Michel Espitallier pour des "Histoires d'Amérique" . Pouvez-vous revenir sur le choix de cette proposition ? 

Au moment où les États-Unis effraient et font trembler le monde, Anne-James Chaton & Jean-Michel Espitallier ont chacun publié un livre cette année qui font apparaître une autre histoire de l’Amérique.

Pour Chaton, c'est le personnage d’Oswald, présumé assassin de John Fitzgerald Kennedy, figure mythique (parce qu’énigmatique) du XXe siècle ; pour Espitallier, l’ombre d’un grand-père cow-boy dont on ne sait rien mais qui raconte tout.
Chacun avec son style, ses outils, ses univers, ils présenteront une autre façon de raconter l’Amérique. 

Avant mars, nous invitions en contrepoint, deux poètes-performeuses américaines très engagées sur les questions sociétales et politiques de leur pays, Anne Waldman et Tracie Morris. Le contexte actuel ne nous permet malheureusement plus de les accueillir. En remplacement, Espitallier et Chaton présenteront une création sonore conçue en hommage au poète américain John Giorno. Disparue l’année dernière, cette figure de la beat generation a porté l’expérimentation poétique au contact des médias de masse et des nouvelles technologies, à travers ses lectures performées mais aussi son label Giorno Poetry Systems (William S. Burroughs, John Cage, Laurie Anderson, Philip Glass, Frank Zappa,…). Ces performances qui mixent voix, voix enregistrée, samples, batterie, vidéo nous semblent en phase avec l’esprit de Stereolux.

Sur l'affiche de cette édition, deux personnes s'enlacent (fait rare par ces temps-ci !), d'après vous quelles réponses ou aides peut apporter la poésie face au contexte actuel ? 

Ce câlin choisi comme visuel veut symboliser ces duos complices, le dimension joyeuse de cette édition anniversaire. Il est effectivement aussi un pied de nez à cette crise que nous traversons et impose tellement de barrières sociales et affectives.


Si la poésie peut apporter une aide, c’est en préservant et ouvrant des espaces d’échanges ; a fortiori, lors du confinement, elle offrait des fenêtres vers l’extérieur, des moyens de parler autrement ensemble via les réseaux sociaux, notamment. La poésie, c’est faire expérience avec la langue, et la langue est ce qui nous relie directement les uns aux autres.

En inventant d’autres façons de dire et donc de penser les réalités de notre monde, la poésie est un formidable rempart aux faux-semblants des discours, à l’uniformisation de la langue, voire aux langages de manipulation, qui accompagnent massivement cette crise. En cela, elle peut aider à retrouver du sens.

La poésie résonne différemment en chacun·e d'entre nous selon la manière de la lire. Quel est l'impact de la lecture à haute voix, collective, par rapport à la pratique individuelle ? 

La lecture à voix haute d’un texte par son auteur retranscrit le mouvement d’écriture, suggère des clés de lecture, par toutes les dimensions orales, musicales qu’elle ajoute au texte : le rythme, le ton, les accents. Elle propose des interprétations du poème qui sont celles de l’auteur. C’est un moment de partage et de possibilité d’échanges qui ne ferme en rien le texte ni les questions qu’il soulève. Tout poème comporte une part d’étrangeté qui est l’espace du lecteur, l’endroit où celui-ci peut y mettre de lui-même, avec ses préoccupations, sa sensibilité. Souvent, la lecture à voix haute vient animer la lecture intime, individuelle et rapproche.