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Trois fantastiques

Danse Publié le 22/03/2016

La danse est sans doute celui des arts vivants le plus perméable aux arts numériques. S’inscrivant dans une histoire qui a maintenant plusieurs décennies, et dans un va-et-vient incessant entre le réel et l’impalpable, des artistes inventent des formes, dessinent de nouveaux territoires de création et créent des oeuvres puissantes. En voici trois.
/ Matthieu Chauveau

Dès la fin des années soixante, le chorégraphe américain Merce Cunningham imagine que l’ordinateur peut servir à produire une image en trois dimensions qui permettrait, non seulement d’enregistrer les chorégraphies dans toutes leurs dimensions, mais aussi de les élaborer. À l’époque où Cunningham, qui a alors la cinquantaine, esquisse cet outil, la technologie pour le réaliser n’existe pas encore et ce projet ne verra le jour qu’à la fin des années 80, avec le logiciel Life forms, qu’il développe avec l’université

Simon Fraser. Cunningham était le compagnon du compositeur John Cage. Son intérêt pour la technologie a sûrement été aiguisé par la connaissance précise qu’il avait de la place que prenaient les ordinateurs dans la musique contemporaine. Avant le temps réel et les images générées par ordinateur, dans les années 70, c’est avec la vidéo (analogique) que les danseurs ont d’abord expérimenté. Dans Dance (1979) de Lucinda Childs, Philip Glass et Sol LeWitt, par exemple, les danseuses dansent avec leur propre image projetée sur un tulle. Peut-être en raison d’un long compagnonnage avec les arts plastiques (qui remonte aux Ballets russes), peut-être en raison d’une proximité évidente avec la musique et donc avec ses évolutions les plus pointues, peut-être parce que l’abstraction d’un corps en mouvement se prête à la recherche, toute une part de la danse contemporaine a pris la technique au sérieux, l’a parfois devancée, l’a intégrée à ses formations (par exemple le LARTech créé par Martine Époque à Montréal au début des années 90), s’en est nourri, traçant ainsi une nouvelle frontière de l’art.

FRÉNÉTIQUE

Stereolux a présenté récemment une performance (Machine_Variation) du Montréalais Martin Messier (qui sera également présent à Scopitone). On le retrouve ici aux côtés de la chorégraphe Caroline Laurin-Beaucage pour Soak, où plusieurs corps anonymes tentent d’habiter un espace qui n’émerge que difficilement de l’obscurité. Ici, la matière première, c’est le son, qui – parfois – génère des éclairs de lumière blanche.

Soak, 2 mars 2016, 20 h – Salle Maxi

 

 

 

CHIMÉRIQUE

Ses incroyables qualités d’interprète, forgées d’abord par la très exigeante danse classique indienne, font d’Aakash Odedra une des étoiles montantes de la danse contemporaine. Il est ici aux commandes, avec deux solos. Dans Inked, il évoque le corps tatoué, dont il incarne à la fois le support (la peau) et les créatures (les tatouages). Murmur tente de communiquer, à grands renforts d’effets spéciaux (dont un impressionnant double virtuel), le tourment intérieur qu’est la dyslexie (dont il a longtemps été affligé).

Inked + Murmur, 2 février 2016, 20 h – Salle Maxi

 

 

CINÉTIQUE

Dans Intensional Particle, comme dans la plupart de ses spectacles, Hiroaki Umeda est seul en scène. D’autant plus seul que le plateau est bombardé d’un flux presque continu de matière sonore et de lignes blanches ou de pixels mouvants. Ce flux est – grâce à d’invisibles capteurs – la matérialisation exacte et abstraite des mouvements du danseur. C’est aussi de mouvement et de force exercée qu’il s’agit dans 2. repulsion. Umeda y renoue avec ses racines empreintes de culture urbaine, qu’il confronte à la danse contemporaine. Trois interprètes y modèlent la gestuelle hip-hop pour en extraire la dimension mécanique.

Intensional Particle + Repulsion, 24 novembre, 20 h – Salle Maxi