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Shades of Blue : la rencontre entre le pianiste Fabrizio Rat et le hacker DIY Kaspar Ravel (Interview)

Musique Publié le 13/08/2021

Shades of Blue, c'est la réunion de Fabrizio Rat, pianiste de formation classique ayant peu à peu délaissé ce genre au profit de la musique électronique, et de Kaspar Ravel, artiste oeuvrant dans les nouvelles technologies. Le résultat :  une performance AV toute en vagues et volutes  bleutées. Rencontre avec Fabrizio Rat qui nous en dévoile davantage avant leurs venues à Scopitone en le 17 septembre prochain.

Fabrizio Rat & Kaspar Ravel · D.K. · TTristana


Comment s'est imposé le choix de Kaspar Ravel pour cette performance AV de Shades Of Blue ? Était-ce une évidence pour vous ? 

Je cherchais un·e artiste vidéo pour mon live, j’avais envie d’ajouter une dimension visuelle à mon show, avec une esthétique organique et une connexion aux rythmiques et à certains éléments musicaux de ma musique. Julien m’a présenté le travail de Kaspar qui m’as tout de suite intéressé, et on s’est rencontré pour trouver une forme d’interaction musique/vidéo, en laissant une grande marge de liberté et d’improvisation.

Vous avez amélioré votre piano avec des objets du quotidien (fourchette, trombone...), une technique qui s'est déjà vue chez Aphex Twin et les Velvet Underground notamment. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette pratique et sur les possibilités qu'elle vous offre ? 

Je ne sais pas si je l’améliore, mais en tout cas je le transforme. Préparer le piano a été pour moi une complète redécouverte de l’instrument. J’en joue depuis que j’ai 4 ans et à un moment donné je m’étais un peu lassé de cet instrument que je connaissez trop bien. Un jour, j’ai assisté à un concert de Stefano Scodanibbio, qui fut un immense contrebassiste italien. Il avait développé une série de techniques très personnelles pour produire des sons harmoniques et des résonances complètement incroyables. Cette expérience m’a donné une piste pour développer des techniques similaires sur le piano. Il m’a sûrement beaucoup plus inspiré que les musicien·nes qui ont utilisé le piano amélioré.

Issu du conservatoire de Turin, vous avez à l'origine une formation classique, que vous avez délaisséE pour la techno, sans pour autant quitter votre instrument de prédilection : le piano. Souhaitez-vous créer un pont entre le monde acoustique du classique et l'univers numérique de la musique électronique ?

Je n’ai pas de souhait particulier dans ce sens, je ne suis pas intéressé par le mélange des genres de façon volontaire. Toutefois, mon expérience m’a amenée à explorer en profondeur ces univers musicaux très éloignés. Je faisais déjà de la techno à mon adolescence, en parallèle de mes études au conservatoire. J’ai toujours remarqué de grandes similarités dans les processus musicaux, bien au-delà des apparences esthétiques très différentes. 
Pour moi, c’est plutôt naturel de mélanger ces langages éloignés parce qu'ils font parties de mon histoire, de ma vie et de mon expérience, mais ce n’est pas quelque chose que je décide rationnellement. Mon véritable objectif est que le résultat final soit original et "vivant".

Vous avez déclaré que le milieu techno était plutôt fermé à l'expérimentation, est-ce toujours votre avis ? Avez-vous l'impression qu'il en est de même pour le classique ? Comment votre musique hybride est-elle accueillie d'un côté comme de l'autre ? 

Je n’ai jamais dit ça ! Au contraire, je pense que le milieu techno est très ouvert à l'expérimentation sonore. En respectant quelques codes rythmiques, on peut vraiment se permettre beaucoup de recherche dans un morceau de techno et dans un set en club, et cela permet d’ouvrir la porte d’un certain travail sonore à des publics beaucoup plus larges que ceux qui sont normalement ciblés par ce genre de travail sonore. 
Ce qui n’est pas ouvert à l’expérimentation, ce sont les algorithmes des réseaux sociaux et des sites de streaming, qui sont réellement en train d’entraver l’expérience de la découverte musicale dans la musique électronique. Les niches sont complètement écrasées par un système qui fonctionne selon un modèle ultra capitaliste. Cela influence le public, et surtout les très jeunes, communauté très marquée par les réseaux sociaux. Cela transforme donc la scène en une machine du succès ou seule les chiffres comptent (les likes, les vues, les streams..) et les vraies découvertes deviennent très difficiles.  

Ma musique est accueillie dans le milieu des musiques électroniques puisque je joue 90% de mes lives dans des clubs, dans des festivals... Elle a été accueilie avec un grand enthousiasme par ce milieu et je me suis forcé à utiliser les réseaux sociaux pour communiquer sur le contenu de ma musique, sur la façon dont elle est produite et pour amener la découverte expérimentale à un public plus large. 
Je pense qu'il serait également intéressant de développer de nouveaux projets qui puissent amener mon expérience dans la musique électronique à des salles de musique classique.