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Onkalo : Entre anticipation et annonce d’un futur prévisible (interview)

Arts numériques Danse Publié le 02/10/2019

La compagnie Elephante propose un regard chorégraphique concernant l’impact de l’humain sur notre planète et, à une échelle de temps qui nous échappe, les conséquences désastreuses d’un présent inconscient. Rencontre avec la chorégraphe Sandra Français avant de franchir les frontières nébuleuses entre réalité et fiction. 

Onkalo évoque le problème des déchets nucléaires, pourquoi avoir choisi d'axer votre performance sur ce sujet ? 

Il y a une notion qui revient souvent dans mon travail artistique qui est liée au futur, à un sentiment d'infini, et au vertige que l'on peut éprouver entre les deux abîmes du temps et de l'espace. La problématique du nucléaire touche précisément cette notion parce que certains déchets sont quasiment éternels, cela nous place instantanément sur une échelle de temps colossale. Lorsque l'on pense au futur, on pense à nos enfants, à leurs enfants, mais on va rarement pousser nos préoccupations plus loin dans le temps qu'une à deux générations après nous. C'est en regardant le documentaire "Into Eternity" de Michael Madsen que j'ai réalisé à quel point la question de la mémoire des sites de stockage de déchets radioactifs et de la transmission aux générations futures est importante et qu'il y a une réelle nécessité de parler de ce sujet.

 

 

La scénographie est un élément à part entière dans le spectacle, quels symboles y sont représentés ? Comment avez-vous conçu et imaginé cette structure ?

Pour la scénographie j'ai collaboré avec un collectif d’architectes («LaÌBO») et l'éclairagiste Léo Grosperrin, ensemble nous avons travaillé sur la création d'un symbole pour signaler la porte d’Onkalo.  Baptisé le «Onki», l'objet est conçu comme un emblème avec sa propre logique, grâce à la lumière il communique et sert de transmetteur entre les 2 personnages que 100 000 ans séparent.
Des symboles oui, mais des formes abstraites qui s'inscrivent dans l'espace le temps d'un flash de lumière. Certaines formes sont plus familières, on perçoit une géométrie, des angles, des intersections, des parallèles ... L'idée derrière cet objet est de poser la question de l'efficacité du symbole. Dans un triangle il peut y avoir une intention claire de dire ATTENTION, mais quelqu’un peut y voir aussi une flèche guidant vers un emplacement. De même pour une intersection, est-ce qu'elle barre un passage interdit ? Est-ce qu'elle représente un point de rencontre, ou encore une croisée des chemins ?
La chorégraphie et la scénographie jouent en symbiose pour mettre en lumière la difficulté de transmettre une donnée, un message, lorsqu'on ne dispose pas du même langage, ni des mêmes codes. Le langage est un élément qui va assurément nous différencier des civilisations vivants 100 000 ans après nous. 
 

 

Un court-métrage est diffusé avant le spectacle, vers quelles réflexions/réactions voulez-vous amener le spectateur ?

C'est une proposition parallèle à la performance. Le court-métrage et le spectacle se font échos mais ce sont 2 objets artistiques distincts.
Je ne cherche pas une réaction en particulier, c'est une invitation. Je cherche avant tout à élargir le plus possible ma vision du projet pour permettre aux spectateurs de rentrer dans un univers, qu'ils soient habitués à voir de la danse ou non.
Au sein de la compagnie (Éléphante), je croise toujours les disciplines, ce qui nous relie c'est la conviction dans une idée de création qui est porteuse. Au départ les collaborateurs connaissent peu ou pas la danse, ce qui compte c'est le projet.
On peut le mettre en œuvre par tous les moyens, il y a la chorégraphie, la scénographie, la création musicale, mais il y a aussi un film...et peut-être un jour pourquoi pas, un livre, une bande-dessinée, ou même un jeu vidéo ?