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La danse sur tapis roulant de Jacques Poulin-Denis - interview

Arts numériques Danse Publié le 05/12/2019

Dans sa nouvelle pièce, Running Piece, Jacques Poulin-Denis matérialise, avec un brio et radicalité, la contradiction de notre société : faire du sur-place en bougeant beaucoup. Le chorégraphe et compositeur canadien revient sur cette création pour danseur et tapis roulant, avant d'embarquer le public dans une course effrénée le 15 janvier 2020, à Stereolux dans le cadre du festival Trajectoires. 
 

Quel regard et quelles réflexions pose running piece sur notre humanité ?

Chacun pourra interpréter à sa manière le spectacle, mais ce qui me semble le plus universel est cette quête du temps qui mine de plus en plus notre société contemporaine. Nous avons une obsession avec la productivité qui nous pousse à vouloir toujours en faire plus et plus rapidement. Impossible de s’arrêter.
 

Quelles ont été les étapes de création de cette performance ?

Les premières étapes ont été très techniques. Il a fallu concevoir, fabriquer, comprendre et maitriser le dispositif qui était central au projet. Des filons dramaturgiques se sont dévoilés, comme le fait d’être soumis au mouvement de la machine comme nous sommes soumis au passage du temps dans nos propres vies. J’ai fait appel à plusieurs danseurs avant de choisir la forme solo, avec laquelle il est possible de s’attacher et de s’identifier par empathie au protagoniste.

 

Quelles contraintes avez-vous dû dépasser en faisait le choix d'une chorégraphie sur tapis roulant ? Pourquoi avoir choisi cette mise en scène ? 

Il y eut d’abord toutes les contraintes techniques de développer le dispositif scénique (fabrication, programmation et développement d’outils), mais je dirais que la plus grande contrainte fut celle de s’approprier le tapis roulant. C’était toujours le point de départ, car on a beau avoir plein d’idées, il faut d’abord pouvoir les réaliser sur le dispositif.

Le tapis roulant impose un certain type de mouvement. Si l’on s’arrête, on est expulsé ! Nous avons fait le choix de ne pas permettre au danseur de quitter le tapis roulant, donc l’espace de la scène est considérablement réduit. Le danseur est captif. Il y a donc un défi énorme à renouveler l’intérêt et le regard du spectateur puisque la prémisse (un homme qui court sur place) est rapidement assimilée. J’ai choisi ce défi justement pour travailler dans la contrainte. C’était en quelque sorte un exercice de création : comment réinventer le récit du spectacle, le “storytelling”, dans ces paramètres réduits ? Il faut chercher les solutions et les tremplins dans les moindres détails du dispositif.
Dans une société où nous avons accès à tout, et où nous cherchons toujours mieux, cette démarche de “décroissance” me semblait pertinente.
 

 

Running Piece inclut une dimension temporelle, comment traitez-vous de la notion du temps à travers cette performance ?

La notion du temps apparait d’elle-même. Étrangement, en soustrayant la notion de l’espace (le danseur étant à peu près au même endroit de la scène durant tout le spectacle) la notion du temps prend le dessus. En maintenant l’action dans un endroit précis et dans une forme restreinte, la course, l’état du danseur évolue de façon linéaire, et l'on ne peut que témoigner du passage du temps.
 

Quelles ont été vos inspirations, vos références pour cette création ?

La musique. Une trame sonore rend cinématographique n’importe quel moment du quotidien, et une différente trame sonore peut donner une interprétation radicalement différente d’un même moment. C’est ce que j’ai voulu transposer à la scène.

 

 

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