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L'ENSEMBLE UTOPIK ET LE FUTUR

Musique Publié le 01/06/2017

Créé en 2004 à Nantes, l'Ensemble Utopik est un collectif de musiciens interprètes passionnés par le répertoire des XXe et XXIe siècles. Explorateur et défricheur, l'orchestre invite Arturo Gervasoni avec son fabuleux instrument : le Sampo. Le pianiste Ludovic Frochot nous donne un peu plus d'explications sur ce voyage sonore.

Pouvez-vous nous présenter le projet de l'Ensemble Utopik ?

Il s'agit de faire vivre les œuvres d’un passé récent que nous considérons comme insuffisamment jouées et diffusées, de susciter et promouvoir la création, et surtout de faire la médiation entre les œuvres, les créateurs et les différents publics. Ce dernier point est au centre de la philosophie de l’Ensemble. Dans cette perspective, trois fois par an depuis 2004, l’Ensemble Utopik produit à Nantes et en Région Pays-de-Loire, des « résidences itinérantes » baptisées « Rencontres Utopik ». Ce sont de véritables voyages à travers la ville et la région où, pendant une semaine, tous les publics sont amenés à découvrir la musique contemporaine et à rencontrer les grands créateurs d’aujourd’hui. Ainsi, au delà de son activité de concert dans différents festivals, l’Ensemble a pour ambition de rendre accessible, de donner les clés nécessaires, de faire réfléchir et d’amener des personnes d’origines culturelles très variées à s’ouvrir à des approches musicales différentes et souvent surprenantes.
 

Vous avez l'habitude de collaborer avec des artistes. Comment s'est déroulée votre rencontre avec Arturo Gervasoni ?

Certains membres de l’Ensemble Utopik avaient eu l’occasion de collaborer avec lui, de jouer sa musique. Ce lien amical et cette proximité artistique avec Arturo nous a donné envie de partager cette nouvelle aventure avec lui. Il devient ainsi le 25ème compositeur invité pour nos « Rencontres Utopik ». 
 

Le programme propose des pièces avec un Sampo. Pouvez-nous nous décrire cet instrument ?

Le Sampo n’est pas à proprement parler un instrument. Il s’agit plutôt d’un dispositif électronique qui produit les transformations sonores d’un instrument acoustique. Concrètement, il s’agit d’un ordinateur surpuissant et d’une carte son intégrée dans une jolie boîte en bois, décorée d’entrelacs orientalisants. Son l’aspect est bien éloigné du design habituel des appareils hautement technologiques.

Mais les apparences sont trompeuses : cet objet permet de faire, sur scène, du traitement et de la synthèse sonore en temps réel. Inimaginables il y a dix ans ! Les effets de spatialisation sont époustouflants. Stereolux est d’ailleurs le cadre idéal pour présenter ces œuvres au public.

Deux pièces avec sampo sont au programme, une pour violon et une pour un tout nouvel instrument conçu et construit en exclusivité pour ce concert: le « Mechanical Area ». C’est un instrument extraordinaire, conçu pour être joué par un pianiste.

 

N'est-ce pas paradoxal de mélanger instruments classiques et numériques dans un tel registre musical ?

Il n’y a rien de paradoxal, bien au contraire. Les arts plastiques ont accueilli les nouveaux outils informatiques depuis les débuts de l'ère numérique. Pour les peintres, l’ordinateur et les logiciels de création sont devenus des éléments aussi courants que le pinceau et les tubes de gouache !

Il en va de même pour le musicien. L’électronique est plus que complémentaire, c’est un prolongement. Grâce au sampo, l’instrument classique est augmenté, et s’ouvre à des horizons acoustiques inexplorés. Comme pour le plasticien, ces capacités décuplées interrogent aussi le jeu instrumental en l’invitant à se réinventer.


Dans le cadre de cette rencontre, vous avez fait le choix audacieux d'allier le répertoire classique de Jean-Sébastien Bach et une interprétation contemporaine. Pourquoi ?

Rappelons d’abord qu’en son temps, la musique de Bach avait un caractère « disruptif », pour reprendre un mot de l’univers numérique ! Il n’y a donc aucune audace dans la réunion de ces répertoires.  D’ailleurs, cette impression d’audace est une illusion créée par la séparation artificielle entretenue entre les œuvres d’hier et les œuvres d’aujourd’hui. 

Ce choix permet au contraire de lever les frontières artificielles et les préjugés esthétiques. Cet aspect fait partie de l’ADN de l’Ensemble Utopik.

 

Propos de Ludovic Frochot, pianiste de l'Ensemble Utopik


Plus d'infos sur le Sampo et le Mechanical Instrument

Mechanical Instrument
Un instrument hybride réalisé par Alexander Mihalič et l’association Musinfo

Le but de l’instrument/interface Mechanical Instrument est la captation des vibrations produites par plusieurs panneaux de bois, leur transformation en temps réel grâce à des traitements informatiques actionnés par le musicien au moyen de 7 pédales, et une diffusion sonore dans l’espace, également modulable en temps réel.  Le Mechanical Instrument peut être joué par tout musicien, plus particulièrement pianiste ou percussionniste.

La captation se fait au moyen de 4 microphones intégrés.

Le son (acoustique + live electronics) est diffusé par 4 haut-parleurs. 

Mechanical Area
Une œuvre musicale d’Arturo Gervasoni

Mechanical Area
est une œuvre composée pour un pianiste jouant sur une autre surface que celle de son clavier ! Le projet est de décontextualiser la technique instrumentale ; pour cela, le piano de concert est remplacé par une surface hybride, le Mechanical Instrument.

Mechanical Area
est une sorte de « toccata » (« tocar » : toucher) dans laquelle on retrouve de nombreuses notions propres à la musique classique : le geste, le phrasé, la virtuosité, la construction du discours, etc.

Ces notions ne s’appliquent plus à un héritage historique mais à de nouvelles constellations sonores engendrées par le Mechanical Instrument. La musique résonne au même moment « en surface » (les timbres naturels des panneaux de bois) et « en profondeur » (leur traitement informatique instantané).

Ce double enjeu, surface et profondeur, est au cœur de la composition.

Alexander Mihalič - créateur du Sampo
Réalisateur en informatique musicale

Il soutient en 2000 une thèse de doctorat à l’Université Paris 8, discipline « Esthétique, Sciences et Technologies des Arts » (option musique) sous la direction de Horacio Vaggione.   

Il poursuit aujourd’hui ses travaux de recherche dans deux domaines complémentaires :  

la sonification : le lien entre l’exploration sonore du réel et l’acoustique. Dans ce cadre, il crée et développe des projets interdisciplinaires entre art et science, comme la sonification des spectres lumineux (en collaboration avec l’université de Marseille).

le live electronics : développement de solutions informatiques pour la transformation et la diffusion de musiques « en temps réel ». Il a ainsi créé le Sampo, conçu comme une véritable extension numérique des instruments acoustiques. Le Sampo est joué par de nombreux interprètes dans plusieurs festivals et concerts (France, Espagne, Allemagne, Japon, Etats-Unis, etc.).

Il a aussi enseigné l’informatique musicale et le multimédia à l’Université Paris 8, à l’IRCAM (département pédagogie) et à l’IUT de Bourges.