Logo Stereolux

Géraldine Sarratia : “Sorcières, c’est l’histoire de femmes, de féminités, qui se réapproprient leur Histoire”

Musique Publié le 04/04/2023

L’adaptation d'œuvres littéraires en spectacle vivant donne parfois une seconde vie à des textes oubliés. Pour Sorcières, œuvre littéraire de Mona Chollet, il s’agit d’un autre cas de figure : adapté dans une forme artistique des plus singulières, ce bestseller des rayons féministes demeure une référence toujours d’actualité. Qui plus est, cette lecture musicale éponyme, adaptée par Géraldine Sarratia puis mise en scène avec Mélissa Phulpin et Elodie Demey, les deux partenaires avec qui elle forme le collectif À définir dans un futur proche, amplifie encore davantage la portée et l’intensité du texte d’origine.

Rencontre avec Géraldine Sarratia, metteuse en scène, journaliste, fondatrice du  studio de podcast Genre Idéal. Elle y détaille les enjeux de cette création et dévoile quelques aspects du spectacle à retrouver le 15 avril prochain en salle Maxi.

Sorcières : une lecture musicale adaptée de l'essai féministe de Mona Chollet

Interview menée par Adrien Cornelissen


Vous qualifiez votre spectacle de “lecture musicale”, un mot sur cette formule ? 

Géraldine Sarratia : Je ne voudrais pas être trop descriptive pour que le public puisse découvrir le spectacle. Néanmoins on peut dire que des extraits du texte de Mona Chollet entrent sur scène en résonance avec de la musique. C’est ce système de correspondance - lecture et musique - entièrement incarné par des artistes femmes ou non-binaires (musiciennes, chanteuses, comédiennes) qui fait l’originalité et la puissance à cette adaptation. Au fur et à mesure des voix et des corps s’ajoutent sur la scène, celles et ceux de femmes qui viennent avec leurs sensibilités, leurs histoires, leurs talents artistiques. Il y a une batterie sur scène, elle ouvre et clôt le spectacle. C’était important à mes yeux que cet instrument, relativement masculin dans les formations musicales et dans l’imaginaire collectif, rythme le spectacle, guide la narration  et soit ici joué par une femme. Cet instrument incarne l’idée même de la puissance invaincue des femmes (titre de l’ouvrage de Mona Chollet ndlr). La musique est donc centrale dans cette adaptation. Elle a une force émotionnelle inégalée et permet d’entendre le texte autrement.

L’adaptation reprend fidèlement le texte d’origine ?

Mona Chollet m’a laissé totalement libre sur l’adaptation. Les conditions de travail étaient donc idéales. Il y a évidemment eu une sélection : le spectacle ne commence et ne se finit pas de la même façon que le texte d’origine. J’ai  notamment choisi 4 chapitres qui étaient particulièrement intéressants à explorer, et qui pouvaient former une trame, un trajet. Comme celui, introductif, sur le rappel historique des crimes de masse commis contre le corps des femmes et l’examen de leurs conséquences dans nos sociétés contemporaines, sur les injonctions et représentations faites aux femmes par exemple. J’ai été aussi très intéressée par le chapitre qui traite du non désir ou du regret de maternité exprimé par certaines femmes.

Quel a été l’élément déclencheur de cette adaptation ?

Sorcières, la puissance invaincue des femmes de Mona Chollet. Editions La Découverte (2018)
 
 

J'ai interviewé Mona Chollet au moment de la sortie de son livre devenu un bestseller peu de temps après. C’était fin 2017. Le texte m’avait vraiment interpellé car il synthétise énormément de questions de notre époque. J’ai immédiatement demandé à Mona Chollet si je pouvais l’adapter puis le mettre en scène avec Mélissa Phulpin et Elodie Demey, tout en assumant un parti fort : celui de  croiser différentes disciplines artistiques. Sa réaction a été très positive. 

Vous mettez en scène des artistes qui forment un collectif… C’est aussi ce collectif, cette sororité, qui illustre la puissance des femmes ?

C’est un élément important du spectacle qui, en effet, construit physiquement peu à peu  sur scène cette idée de collectif, de sororité. Sorcières, c’est l’histoire de femmes, de féminités  qui se réapproprient leur Histoire. Une autre originalité du projet réside dans le fait qu’en fonction des dates, ce ne sont pas toujours les mêmes artistes qui viennent sur scène. C’est assez atypique de fonctionner avec ce système de distribution tournante. Cela renforce énormément la diversité des représentations car les femmes qui participent au spectacle donnent à chaque date une nouvelle tonalité. Il y a bien sûr une direction artistique mais on a laissé la possibilité aux musiciennes - comme la batteuse Anne Paceo et la chanteuse PR2B qui seront à Nantes - de développer leurs couleurs.

 

Comment se déroule la tournée du spectacle ?

On a créé pour la première fois ce spectacle au Théâtre du Rond-point à Paris à l’occasion d’un festival. Nous l’avons ensuite peaufiné à la Maison de la poésie et lors de quelques dates. Très rapidement le succès a été au rendez-vous. Cette rentrée nous avons noué une vingtaine de dates au Théâtre de l’atelier et beaucoup d’entre elles étaient sold out. Les réactions du public étaient incroyables et montrent combien le texte dégage une force inspirante auprès des femmes, quel que soit leur âge, milieu social. Au fur et à mesure, nous avions de plus en plus d’hommes dans la salle.  Sorcières est une œuvre qui touche profondément, qui interroge chacun·e sur son vécu, qui dénonce les inégalités tout en étant porteur d’espoir et de changement.

D’autres adaptations d’œuvres féministes sont en cours avec votre collectif A définir dans un futur proche ?

Evidemment cette aventure artistique et le succès de ce spectacle nous donne envie de recommencer avec une nouvelle œuvre littéraire. Cette forme atypique montre comment on peut donner vie et amplifier la portée d’un texte. C’est quelque chose d’assez fascinant. Néanmoins pour le moment nous nous concentrons sur la tournée de ce spectacle qui continuera après Nantes, à se produire au Printemps de Bourges et aux Nuits Fourvière. Sorcières nous offre encore de belles perspectives !

 

Merci à Géraldine Sarratia d'avoir accepté de répondre à nos questions.