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Fugue VR : prêt·e·s pour le grand saut ? - Interview de Yoann Bourgeois

Arts numériques Publié le 21/10/2019

Après avoir joué aux quatres coins du monde son spectacle Fugue trampoline, danse vertigineuse d'un homme évoluant sur un escalier qui ne mène nulle part, Yoann Bourgeois, chorégraphe, homme de cirque et codirecteur du Centre Chorégraphique National de Grenoble, revient cette fois pour immerger les spectateurs au cœur de son spectacle iconique. Associé à Michel Reilhac – l’une des figures les plus emblématiques de la réalité virtuelle – il partage le “vertige“ intrinsèque à cette oeuvre en proposant une expérience de réalité mixte sur une musique de Philip Glass. Yoann Bourgeois revient sur ce projet hors du commun entre cirque, danse, poésie et réalité virtuelle, avant de vous embarquer dans le grand saut lors d'Electrons libres les 8 & 9 novembre ! 

 

Comment avez-vous retravaillé la pièce Fugue / Trampoline pour l’adapter à la VR ? 

Avec Michel Reilhac, nous avons échangé pour re-scénariser Fugue / Trampoline. C’est grâce à Dominique Hervieu, directrice de la Biennale de danse de Lyon, que notre rencontre a eu lieu. Pendant plusieurs mois, nous avons eu des échanges épistolaires pour trouver un angle artistique et entreprendre cette adaptation. 
La figure de Sisyphe (condamné à pousser une pierre au sommet d'une montagne et retombant à l’infini) a été notre lanterne. Le studio Small Bang s’est chargé de la production avec la mise en œuvre de l’ensemble des procédés techniques.

 

 

Pour quelles raisons êtes-vous parti de cette pièce et du thème du vertige ? 

La VR bouleverse nos perceptions ordinaires et trouble nos repères. C’est déjà une définition possible du vertige. La Fugue / Trampoline est un poème chorégraphique qui s’appuie sur des dimensions vertigineuses à des fins existentielles. J’étais assez convaincu des accointances entre ce nouveau médium et ce petit poème que j’avais précédemment créé. De plus, dans mon désir de numéro, il y a le fantasme de jouer partout. Quand j’ai créé la Fugue / Trampoline, je n’avais pas imaginé les nouvelles géographies qu’offre la réalité virtuelle. 
Quand je joue ma pièce, je cherche à créer une empathie kinesthésique. La forme de réalité mixte permet de générer autrement cette empathie, avec un minimum de moyens. J’ai donc imaginé que la Fugue VR pourrait être un vecteur puissant de mouvement, et ce dans un dispositif tout terrain. Aujourd’hui nous envisageons par exemple de la proposer aux personnes alitées, dans les hôpitaux, ce que je ne peux faire avec mon trampoline !
Enfin, c’est sans doute parce que ces deux créations ont en commun ma chorégraphie, qu’on peut percevoir encore mieux l’écart qu’il existe entre ces deux réalisations. La réalité virtuelle permet d’élargir notre conception du réel.
 

 

La VR a eu des difficultés à prendre son envol contrairement aux attentes, pensez-vous que cette technologie a de beaux jours devant elle ? 

Ce qui est important me semble-t-il c’est de tenter de cerner ce qui menace la vie et de s’engager pour résister à ces menaces. Je suis, pour ma part, convaincu que l’avenir a besoin de poésie. C’est la raison pour laquelle j’appelle les poètes à investir ces nouveaux territoires de jeu, et de ne pas les laisser uniquement aux mains de l’industrie. 
Il est toujours difficile de prévoir ce qui va advenir, quel rôle peut jouer la VR dans nos vies futures. Elle sera sans doute ce qu’on en fera. Ce qui est sûr, c’est qu’elle peut beaucoup. 
 

 

Quelles réactions de la part du public avez-vous pu observer après cette expérience ? 

Il y a beaucoup de réactions fortes, qui gênerent ensuite un besoin d’expression, des paroles émues, des réactions variées. 
Cette possibilité d’appréhender une œuvre sous différents prismes est fondamentale : le langage que je cherche est polysémique, appelant une multiplicité d’interprétations. Je suis heureux que cette proposition engendre à son tour une créativité dans l’imaginaire du spectateur.