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Enfer et automation

Arts numériques Publié le 18/03/2016

Les Canadiens Bill Vorn et Louis-Philippe Demers présentent Inferno, leur nouveau projet, performance robotique participative, inspirée de L’Enfer de Dante, où le spectateur subit l’action de machines. Petit cours de robotique – et de cybernétique – avec ces deux artistes hors normes, en direct de leur atelier, à Montréal.
/ Matthieu Chauveau

Interview

Quelles sont vos influences, en termes d'arts robotiques ? 

Bill Vorn : Quand on a commencé notre collaboration, au début des années 90, il n’y avait pas beaucoup de choses qui se faisaient dans ce domaine. Notre idée, c’était surtout d’articuler le son et l’espace. La robotique s’est comme ajoutée pour dynamiser l’ensemble. Dans les années 80, il y a quand même eu l’artiste performeur et inventeur Mark Pauline, du groupe Survival Research. Sans l’avoir vraiment vu, on peut dire que ce qu’il faisait nous a influencés. Mais nous sommes surtout inspirés par la cybernétique [science du contrôle des systèmes, vivants ou non, N.D.L.R.], dans laquelle on retrouve la notion de feedback [action en retour d’un effet sur sa cause, N.D.L.R.], par exemple…

Avez-vous une formation en robotique ? 

Louis-Philippe Demers : Non, nous n’avons aucune formation formelle dans le domaine. On a fait notre apprentissage sur le tas.

BV : Moi, à la base, j’étais plutôt musicien. Je m’intéressais au son. Et j’ai fait des études en communication. Ce qui m’intéressait, c’était peut-être plus l’aspect interdisciplinaire de la robotique. La robotique nous permet de toucher un peu à tout, d’intégrer des notions relatives au spectacle, au son et à la lumière, pour créer des systèmes interactifs.


Comment définiriez-vous la robotique ? 

BV : Il y a la science-fiction, mais aussi la science (ou la pseudo-science) qui veut nous faire croire des choses, par exemple que des machines vont prendre le dessus sur l’humain. Or, en vérité, un robot c’est comme une automobile, ça se déglingue. Il faut le réparer.

LPD : Et c’est constitué de très peu de composants. C’est une complexité qui peut paraître grande quand on la gère mais, comparée à une complexité biologique, on est à des ordres de magnitude en dessous. Vraiment, on en est très loin !

 

Inferno

 

 

Et vos robots se positionnes où, notamment ceuw que l'on retrouvera dans Inferno

BV : En fait, ce ne sont pas de réels robots parce qu’il n’y a pas de mécanisme de rétroaction. Ce qui est important dans ce projet, c’est vraiment la symbiose de la machine avec le corps et le fait qu’elle doit imposer des choses à celui qui est dessus.

LPD : Si on cherche " exosquelette " sur Google, on tombe sur des machines de l’armée qui décuplent nos capacités. Nous, on veut l’inverse. On ramène les gens à la banalité de la machine. On les transforme plutôt en automates. Nos exosquelettes sont là pour les accompagner dans des séries de mouvements contraints, et les faire entrer dans des boucles très lentes, qui deviennent banales. On oublie souvent qu’une machine n’est faite que de répétitions infinies. C’est d’un ennui mortel, une machine !

BV : Nous ne sommes pas gouvernés par les machines, il y a toujours quelqu’un derrière la machine. C’est un peu ce qu’on montre. Nous allons être clairement visibles, dans le spectacle, et les machines vont imposer des mouvements qui sont souvent collectifs, donc transformer la société, lui donner des directions vraiment précises.

 

Il y a donc une dimension politique ?

LPD : Clairement. Le point commun de tout ce qu’on a fait jusqu’ici, c’est que c’est toujours un commentaire social. On crée des éléments qui interagissent, on crée une microsociété et donc un regard critique sur des comportements sociaux.

 

Autres rendez-vous avec la scène québécoise en 2015-2016 :

 frequencies (light quanta), Nicolas Bernier
 Machine Variation, Martin Messier
Soak, Martin Messier & Caroline Laurin-Beaucage