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DOC'N'CO : TOUR D'HORIZON DU DOCUMENTAIRE FRENCH GAME AVEC SON RÉALISATEUR, JEAN-FRANÇOIS TATIN (INTERVIEW)

Publié le 19/05/2022

Amateur·ices de musique et de son histoire, le 14 juin prochain se tiendra le 5ème rendez-vous Doc'n'Co, qui retracera cette fois l'histoire du Rap français. Avant que Pumpkin & Vin's Da Cuero n'enflamment la salle Maxi à coups de classiques Rap revisités, c'est le documentaire French Game, une histoire du rap français, qui ouvrira le bal de cette soirée thématique, parcourant au travers 11 mini-épisodes 11 morceaux emblématiques du genre, de l'avènement de la culture Hip Hop des 90's à aujourd'hui.

Jean-François TATIN, réalisateur du documentaire, a répondu à nos questions.

Doc’N’Co I Rap Français : French Game · Pumpkin & Vin’s Da Cuero


1. Qu'est-ce qu’un bon documentaire selon vous ?

Un bon documentaire, c'est un documentaire qui reste en mémoire, pas nécessairement celui qui nous apprend quelque chose mais plutôt celui qui nous plonge dans un endroit, dans un univers, qui provoque une émotion esthétique, qui emmène ailleurs, dans le territoire de l'auteur·e.

Ce n'est pas évident de retranscrire la force, l'émotion que peut nous procurer un morceau.

2. Parmi les thématiques abordées dans vos documentaires, on retrouve régulièrement l’histoire de la musique. Pour quelles raisons vous inspire-t-elle particulièrement ?

Mes envies documentaires ne concernent pas nécessairement que ce thème, mais c'est vrai que j'y reviens souvent. D'abord parce que je suis passionné de musique, qu'elle m'accompagne depuis toujours, étant moi-même musicien. Mais c'est surtout parce-que c'est un défi de raconter la musique : ce n'est pas évident de retranscrire la force, l'émotion que peut nous procurer un morceau, un son.

3. Le 14 juin prochain, dans le cadre de nos soirées Doc’n’Co, nous projetterons votre documentaire French Game, une histoire du rap français, coécrit par Azzedine Fall, Guillaume Fedou et vous-même. Pourquoi l’avoir nommé ainsi ?

Nous l'avons appelé "French Game, une histoire du rap français" dans le sens où c'est notre histoire du rap français parmi d'autres, c'est très subjectif, c'est un regard que l'on pose sur ce genre musical. Nous avons choisi de le titrer en anglais car c'est l'histoire d'une adaptation plutôt réussie d'un modèle américain - le hip hop - des années 80 jusqu'à chez nous : on pointe ici le trajet USA vers la France. Contrairement à l'histoire de la French Touch, que nous avons appelé "Touche Française" car à l'inverse, il s'agissait plutôt de l'histoire d'une quête française des territoires américains et internationaux. 

 

© DAN DE TICARET

4. Le format mini-série se répand de plus en plus, mais reste rare dans le monde du documentaire. Pourquoi ce choix de structure narrative ?

Ce format de série documentaire a été choisi parce qu'on avait déjà appliqué ce modèle-là justement sur "Touche Française", et ça avait plutôt bien fonctionné. On trouvait intéressant ce mode narratif très formaté au départ, qui partait d'un choix plutôt objectif : partir de 12 morceaux qui ont été pour la plupart des succès, et d'ouvrir ensuite un regard plus personnel sur ces morceaux qui ont chacun marqué leur époque.

5. Comment avez-vous procédé pour sélectionner les morceaux phares qui constituent French Game ? Vous êtes-vous senti·es restreint·es ? 

Le choix des morceaux est évidemment une contrainte ; mais c'est aussi ça qui est intéressant, c'est un travail d'épure, d'essentialisation. Chercher à la fois des morceaux qui nous ont plu personnellement et à la fois qui ont plu à une majorité de gens. Au-delà de nos goûts, il y avait quand même des questions de droits : nous n'avons pas pu avoir et utiliser certains morceaux, mais je trouve que c'est une contrainte plutôt productive.

[PLAYLIST] Quelques morceaux rap des années 90

6. Auriez-vous une anecdote étonnante à nous conter sur l’histoire du Rap que vous auriez appris pendant l’écriture du documentaire ?

Ce qui vient spontanément à l'esprit quand je pense à ce tournage et à la préparation de tournage ce ne sont pas tant les témoignages des artistes, mais plutôt des souvenirs, des rencontres que l'on a faites... par exemple, en arrivant à Marseille pour rejoindre les studios d'IAM, on monte une colline en pleine campagne, on rencontre Akhenaton qui est en train de déballer un énorme carton, il est comme un enfant en découvrant un nouveau fauteuil - très cher - pour les studios, et puis, tout de suite après, il y a cette spontanéité et cet échange qui se créent. Il y a eu aussi cet entretien de 3H avec Doc gynéco, à Porte de la Chapelle : c'était hallucinant, nous avions eu l'impression de revenir en 1998, tout le monde venait le voir, comme s'il était le maire de la Porte de la Chapelle. C'était un moment assez fou. 

DOC GYNECO

7. Que pensez-vous du regard posé sur l’esthétique rap en France ? Le rap est-il toujours une musique de contre-culture ? 

C'est une question un peu difficile, mais je pense que le rap est devenu mille choses, il est, pour certain·es artistes, toujours une musique de contre culture mais c'est aussi un art qui s'est démocratisé. C'est en ce sens qu'on l'a appelé "Du hip hop à la pop, une histoire du rap français", parce que c'est devenu une musique qui a dépassé son cadre d'origine.

Aujourd'hui, il y a de fait plus de perméabilité des genres musicaux que dans les 90's.

8. Vous dites donc que le hip hop a doucement mené à la pop. Quelles différences majeures faites-vous entre la musique des 90’s - que vous semblez chérir - et celle d’aujourd’hui ? Est-elle symptomatique des époques que l’on traverse ? 

Je pense qu'il y a pas mal de choses en jeu dans la manière dont le rap a évolué. Il y a la manière de produire de la musique qui s'est uniformisée d'abord, c'est à dire que l'on retrouve les mêmes méthodes de production, en pop comme en rap. On a également une manière de consommer la musique qui a changé, puisqu'elle se fait principalement par internet. Il y a, de fait, plus de perméabilité des genres musicaux que dans les 90's.

 

 

9. Quelle est votre actualité ? Travaillez-vous sur un nouveau projet dont vous pourriez nous dire quelques mots ?

Ce qui occupe mon temps en ce moment, c'est l'écriture d'une série documentaire sur l'intelligence artificielle et la musique : toujours une thématique musicale ! Cette fois, avec la volonté d'essayer de raconter la machine musicale : des premiers synthétiseurs jusqu'à l'intelligence artificielle actuelle.