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Blåkulla : une performance live audiovisuelle d'Abraham Fogg aux allures de messe païenne (interview)

Arts numériques Musique Publié le 09/08/2021

Lors de la 19e édition de Scopitone, le duo Abraham Fogg présentera Blåkulla, un live audiovisuel inspiré de légendes relatives aux sorcières et rythmé par une electronica profonde, parfois agressive et d’une rare puissance émotive. Rencontre avec les deux artistes qui nous ont parlé de ce projet artistique et de leurs inspirations cinématographiques horrifiques.

Tryphème & Ulysse Lefort · Alex Augier & Heather Lander · Abraham Fogg


Blåkulla serait le nom d'une île européenne où le diable rejoindrait les sorcières chaque année, pour le Sabat. En quoi cette légende s'est-elle imposée à vous pour ce projet ? 

Il y a quelques années nous avons travaillé sur l'adaptation de l’un des premiers films d’horreur de l’histoire sur la sorcellerie : Häxan. Un ami suédois a traduit le film pour nous depuis sa version originale. Nous y avons découvert l'histoire et les mythes entourant cette île légendaire (Blockula en vieux suédois) qui a hanté plusieurs générations, inspiré de nombreux auteurs et autrices et même servi de prétexte pendant les chasses aux sorcières à partir du XVe siècle. Cette île concentre beaucoup d'éléments qui nous ont séduits : une nature sauvage et omniprésente, un diable roux et barbu, des sorcières, des rituels sensuels ou effrayants et des pratiques hallucinatoires à la frontière du psychédélisme.

La dimension visuelle semble occuper une grande place dans votre projet, comment est-ce retranscrit dans votre live ?

Notre idée pour ce live est de plonger le spectateur et la spectatrice sur l'île de Blåkulla et de leur faire vivre, à travers une sorte de messe païenne modernisée, un trip de 45 min au cœur de cet environnement. Le spectacle est une forme hybride entre un live de techno étrange et un film d'horreur esthétisé, une aventure sonore et visuelle assez intense. Nous travaillons main dans la main image et musique, sans hiérarchie. Nous écrivons et réalisons nos propres films de fiction en parallèle.

Bien que vous ayez choisi le thème de la sorcellerie pour cet album, êtes-vous fascinés par d'autres mythes ?

Nous sommes très intéressés par tout ce qui est mal compris par l'humain, tout ce qui garde une part de mystère, de secret. L'inexpliqué nous fascine, par ce que cela peut encore nous apprendre, notamment sur le plan scientifique, mais aussi par les réactions que cela suscite chez l'humain, la peur, le rejet ou la fascination. Les phénomènes paranormaux, surnaturels, les croyances et les bizarreries sont notre terrain de jeu. Nous sommes plongés dans cette thématique de la sorcellerie depuis 4 ans. Elle nous a permis de découvrir des pans d'histoire, de connaissance et de culture passionnants.  Nous avons pu échanger avec l'historien Maxime Perbellini, des hypnotiseurs et hypnotiseuses, des soigneurs et des soigneuses, la photographe Nona Limmen ou encore le performer contemporain Olivier de Sagazan. Il y a toujours cette frontière ténue et poétique entre le mythe et la réalité, l'explicable et l'inexplicable qui rend ce genre de recherches et d'expérimentations assez fantastique.

Quel est le film d'épouvante qui vous a le plus marqué ? Avez-vous un réalisateur ou une réalisatrice phare ? 

Impossible de n'en citer qu'un. Häxan (1922) de Christenen nous a beaucoup marqué, Psycho (1960) de Hitchcock, Shining de Kubrick (1980) évidemment, The Silence of the Lambs (1991) de Jonathan Demme. Plus récemment, nous aimons beaucoup le travail de Ari Aster (Hereditary, Midsommar), Robert Eggers (The Witch, The Lighthouse) David Robert Mitchell (It Follows) et Panos Cosmatos (Mandy).

Selon vous, qu'est-ce qu'une BO de film d'horreur réussie ? Avez-vous un film notable à ce sujet ? 

Une bonne musique de film, c'est de la bonne musique tout court. Autant les images ont parfois besoin de musique, autant la musique n'a besoin de rien pour porter un sentiment. Elle s'épanouie souvent là ou s'arrête le pouvoir des mots.  Une bonne musique de film tient à sa capacité à toucher l'émotion juste dans son dialogue avec l'image, l'histoire et la vision d'un·e réalisateur·rice, quelque soit le parti pris. Pour Blåkulla, nous avons travaillé sur un équilibre entre le mysticisme d'un petit ensemble de violoncelle, des voix et des cris digitalement détruits et l'énergie grognarde de machines analogiques accidentées. 

Pouvez-vous nous donner votre top 3 des meilleures BO de films horreur ?

Toujours impossible ! Citons donc les compositeurs des films ci-dessus : Herrmann pour Psycho, Penderecki pour Shining, Shore pour The Silence of the Lambs, et pour les films plus récents le travail des compositeurs Johann Johannsson, Bobby Krlic, Colin Stetson, Danny Bensi, Brian Reitzell ou Trent Reznor.