Stereotrip I Lille : You Man + Vertigo + Nouveaux Climats

Rares sont les villes (et, avec elles, toute une région) qui véhiculent, bien involontairement, autant de clichés et d'approximations : les corons, les ch'tis, les horizons pluvieux de terrils noirâtres... Mais Lille a aussi sa folie propre, « trublionesque » (c'est la patrie des doux dingues de Shiko Shiko et des carnavals), sa proximité avec la très pop Belgique, ses festivals, ses groupes ( Skip the Use, Club Cheval…) , ses salles ( l’Aeroneff, le Grand Mix…) l'hospitalité proverbiale de ses habitants, le Picon-bière et le waterzoï, ses célébrités improbables (Didier Six, Pierre Degeyter). Lille, c'est un creuset culturel, le royaume des brasseries artisanales et une mosaïque d'influences, qu'illustrent à merveille trois groupes du cru, tout juste débarqués du tourbus de Stereotrip.

visuel :  ©Chantal Frontal

Tepat Huleux et Giac Di Falco se connaissent depuis plus de vingt ans, et ont empilé les cassettes démos et les EP des nombreux groupes auxquels ils ont participé. Doit-on considérer cette période comme un long prologue à la future domination mondiale de You Man ? On l’espère très fort, parce que les deux nordistes utilisent leur riche bagage musical comme un atout, et génèrent une électro mid-tempo au pouvoir hypnotique et groovy hallucinant. Ces deux-là n’ont jamais été aussi sexy.

Ces trois-là n'aiment guère marcher dans les clous, et donc n'en font qu'à leur tête : la tonalité est sombre ou légère sans transition, le chant en anglais ou en français avec la même aisance et la même autorité, les rythmiques sautillantes ou indolentes tour à tour, les ambiances feutrées ou revêches. Avec, enveloppant plus que dominant le tout, les tons onctueux d'un Farfisa enjôleur. Vertigo, c'est un gars et deux filles, une pop minimaliste, à l'élégance décontractée ; c'est un nouvel EP, On the Shore, et une présence scénique indéniable. C'est, réunis en un tout improbable autant que cohérent, Sueurs froides, Vertige de l'amour et Pancrace Royer.

C'est une histoire d'horizons, de B.O. rêvées, d'une poétique de l'espace où les règles de la géométrie euclidienne n'ont plus cours, mais seulement le libre exercice de l'inspiration musicale ; où les rêves et les images formées se s’entremêlent, où affleurent des souvenirs de Sergio Leone, de Roger Corman et de Robert Wise, des réminiscences de François de Roubay et de Daniele Luppi. Nouveaux Climats (avec dedans des échappés de Lena Deluxe et de Karma Sutra) revendique un « rétrofuturisme » tout en ambiances chatoyantes et en groove impeccable : la promesse d'un voyage au long cours sous des cieux cléments.