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J’AI TESTÉ : LA VISITE DES EXPOS GUIDÉE PAR DAVID OLIVARI

Pendant Scopitone, des visites « pros » étaient proposées aux professionnels et aux amateurs éclairés. Trois parcours au choix pour découvrir la programmation du festival, guidé par David Olivari, artiste ingénieur très au fait des enjeux technologiques et artistiques posés par l’art numérique. Nicolas, membre de The Crew, a suivi pour nous le guide, et nous rapporte ses 4 coups de cœurs !

Cinética – Martial Geoffre-Rouland (FR)
 

Passage Sainte-Croix se trouve Cinética, miroir des pérégrinations nantaises. Rendant visuelles les données émises pas votre smartphone et acquises via l’application éponyme, l’œuvre dresse un tableau lumineux mouvant, représentation instantanée de vos déplacements au travers de la ville.

Si l’œuvre permet de mettre un visage sur ces données obscures que votre téléphone échange avec la matrice, elle met surtout l’accent sur deux points fondamentaux : l’importance cruciale qu’auront les datas dans l’avenir proche (rappelez-vous du DINO, Data Is the New Oil !), puis le travail collaboratif entre esthètes passionnés.

Car ce que dévoile à grande peine Cinética, c’est l’envers du décor, le hardware. L’œuvre ne montre que sa finalité, tout son process étant puni contre le mur. Si l’on prend le temps de jeter un œil derrière les finitions léchées de son recto, on y un petit bijou d’électronique réalisé de concert entre l’artiste, le Labo arts & techs de Stereolux, Orange Labs et le Fabmake. Un beau travail d’équipe qui, pour l’avoir vécu, ravira les pupilles des geeks les plus avertis.

 

Diapositive 1.2 – Children of the Light (NL)

Un seul mot, délicatesse.

Comment définir autrement un simple cerceau suspendu dans le vide du bunker, uniquement encadré de lumière et de fumée ?

Le clair, l’obscur, la lumière et la volupté. L’air est épais, l’atmosphère vous enveloppe, et vous vous laissez tranquillement bercer par la ronde cinétique du cercle en suspension.

L’œuvre est remarquable car elle ne poursuit aucun dessein technique ou technologique, elle court simplement après les sensations, et elle y arrive !

C’est un merveilleux travail de contraste, de plein et de vide autour d’un seul élément géométrique circulaire, qui vient perturber votre compréhension, déjà toute relative, de l’espace.

A un moment, les yeux rivés sur l’œuvre, vous penserez évidemment avoir trouvé la supercherie, et vous vous auto-congratulerez de tant de perspicacité.

Attendez que quelqu’un y passe la main.

 

Memory Lane – Félix Luque Sanchez & Iñigo Bilbao (BE/ES)

On monte l’escalier vers la Plateforme Intermedia de Stereolux au petit trot, et on arrive pile poil face à Memory Lane : deux écrans et un bloc de roche en lévitation.

Sur les deux écrans, une vidéo époustouflante. Subtil travail de numérisation 3D d’un paysage et de traitement graphique en nuage de points récoltés, Memory Lane vous plonge dans un univers visuel complexe à définir. A l’intersection entre des paysages lunaire, terrestre et céphalique, l’œuvre questionne la représentation de la mémoire et esquisse un voyage intemporel de l’hippocampe vers le cortex, traversant les limbes cérébrales de la mémoire, un bijou.

 

Clones – Félix Luque Sanchez (BE/ES)

Avouez-le, vous avez déjà tenté de faire tenir un balai en équilibre sur votre doigt, et vous n’aviez pas l’air malin… Clones, c’est vous à cet instant, mais avec plus de classe.

Deux pendules face à face, qui vont tenter de se mettre en équilibre à la verticale. Le résultat est clairement canon, car il présente une démonstration de vos propres sens, vous humains.

Voir les machines s’évertuer à faire tenir leur charge à la verticale, c’est se rappeler tous ces instants de déséquilibre que vous avez vécu, ces moments d’intense concentration où vous faisiez appel à toute votre dextérité pour éviter la chute pourtant préméditée. Vous allez vous prendre au jeu, espérer que l’équilibre résiste, que l’œuvre soit capable de lutter contre la gravité, vous allez retenir votre respiration, car vous partagerez les efforts passionnés de la mécanique.

 

Les œuvres numériques présentées à Scopitone 2016 semblent être à l’intersection entre data et sensibilité, et questionnent résolument les utilisations variées qui seront le produit, à terme, de ces données quotidiennement échangées.

Chaque œuvre se distingue habilement, qu’il s’agisse d’un parti pris esthétique ou technologique, mais les plus remarquables restent indubitablement celles dont la mise en scène a été éprouvée, entraînant le spectateur non pas dans l’observation d’un objet dans l’espace, mais bien dans l’appréhension dudit espace, grâce à l’objet lui-même.

 

Par Nicolas Houel