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Ici et ailleurs

Musique Publié le 18/03/2016

Stereolux accueille Thousand, Rachael Dadd et Motorama, respectivement nouvelles signatures et locomotive russe de Talitres. L’occasion d’un entretien avec Sean Bouchard, le fondateur du très polyvalent et international label bordelais.

/ Guillaume Gwardeath

 

Comment s'est montée cette soirée Talitres ?

Assez naturellement. Je bosse avec le programmateur de Stereolux depuis les origines du label, quasiment. C’était l’occasion de faire une soirée thématique comme il a pu y en avoir pour Born Bad ou d’autres. Bien évidemment, c’est le genre de cadre qui me branche totalement.

Est-ce le rôle d’une maison de disques d’organiser les concerts ?

Talitres a été fondé en 2001. Deux ans plus tard, j’ai signé The National, qui est devenu énorme depuis. Aussi aberrant que cela puisse paraître, quand j’ai voulu les faire venir, je n’ai pas trouvé de tourneur. C’est moi qui ai monté les premières tournées européennes de The National. Cette expérience intéressante m’a permis de développer un autre réseau : programmateurs de salles, de festivals, journalistes locaux, etc. J’ai pris l’option de proposer à certains groupes de mon catalogue, pas à tous, de sortir leurs disques en France et à l’export, et aussi d’organiser leurs tournées, en France et à l’export également. D’autres labels indépendants développent cette activité. C’est la fameuse théorie pompeuse des majors : le 360 degrés. On en est venus à faire à la fois du booking, de l’édition, du management... jusqu’à faire un tour complet des activités liées aux projets artistiques.

Tu parles beaucoup de l’export…

Oui, c’est devenu l’une des grosses priorités du label.

Dirais-tu qu’un label indépendant a une sorte de mission ?

J’en ai un peu l’impression, parfois... Comme toute entreprise, on a des obligations de résultats. Il faut penser « retour sur investissement » ou « pertes ». Mais on a une certaine mission, effectivement. On développe des groupes totalement émergents. Quand j’ai signé Flotation Toy Warning, Ewert and the Two Dragons ou encore Motorama, ils étaient totalement inconnus ici. Sans les labels indépendants internationaux, il n’y aurait guère la possibilité pour ces groupes-là de s’exprimer un peu confortablement. Ce qui est en jeu, c’est la défense de la diversité face à une certaine homogénéisation du marché. J’ai l’impression que, pour pas mal d’acheteurs, il y a une certaine volonté (peut-être une certaine éthique) de défendre les groupes et les labels indépendants : comme un acte de militantisme, en plus de l’acte d’achat du disque.

Les disques que tu produis ne sont donc pas piratés sur Internet...

Evidemment que tous mes disques sont sur RapidShare ! Avant même leur sortie ! Je ne peux pas l’éviter, ni passer mon temps à screener toutes les plateformes de téléchargement illégal. Cela ne m’intéresse pas. Et je sais aussi que vendre des oeuvres, c’est faire en sorte qu’elles soient diffusées le plus possible. Des études montrent que la diffusion peut aussi passer par le piratage qui, en quelque sorte, va précéder l’acte d’achat. Et puis le piratage massif a beaucoup diminué. Les gens se sont rendu compte que cela avait peu de sens d’entasser des MP3 dans un disque dur. Je crois qu’il est préférable d’écouter vingt fois un même disque, avec lequel on va devenir familier, plutôt qu’une seule fois vingt disques que l’on va aussitôt oublier.

Es-tu devenu blasé, ou bien ressens-tu toujours de l’excitation au moment de la signature d’un contrat avec un artiste ?

Ah, de l’excitation, bien sûr ! Ce qui m’intéresse le plus, c’est de découvrir de nouveaux groupes ! C’est très important d’avoir un catalogue constitué de collaborations régulières, que l’on suit depuis de nombreuses années, comme c’est le cas pour Emily Jane White ou Motorama. Cela solidifie l’édifice. Mais il est tout aussi essentiel pour moi d’avoir de nouvelles signatures.

Entre ton rôle dans Sound Pellegrino, Tu dois aussi gérer les départs, quand les groupes quittent ton label ?

Il y a forcément des déconvenues quand les artistes partent, ça c’est clair. C’est toujours rageant de voir ses poulains aller ailleurs. Ce qui est un peu réconfortant, quand même, c’est qu’en général, ils partent pour plus gros, une major ou un gros indé. Quand The National est parti, en 2003, c’était totalement cohérent : le groupe a signé chez Beggars, en Angleterre – un label qui a une force de frappe que nous n’avons pas. C’est un peu triste, mais c’est logique. Il y a eu d’autres moments plus frustrants.

Ça a été le cas avec le départ récent de Frànçois & The Atlas Mountains ?

Je comprends que tu te laisses séduire quand tu es dragué par Domino, beaucoup mieux installé que Talitres sur la scène internationale – je pense notamment à son réseau anglais. Après les moments de tension, on se reparle et les relations redeviennent tout à fait cordiales. C’est comme ça, que veux-tu...